Maurras est mort en 1952. Soixante-dix ans plus tard son spectre trouble encore le sommeil des dirigeants de la République. L’on se rappelle, il y a quelques années, de la regrettable–mais non regrettée-dame Kosciusko Morizet qui accusait un conseiller de Nicolas Sarkozy de travailler non pour son patron mais pour Maurras. L’on se souvient aussi de l’exclusion de Maurras de la liste des commémorations nationales en vertu d’une censure imposée par les politiciens …Ces marques d’hostilité ont tout au moins un intérêt : elles prouvent la survie et la vitalité de la pensée maurrassienne, qui est toujours cause de soucis pour ses adversaires, ces « hommes petits » qui crient de grands mots et créent de grands maux.

Et de fait, si l’on regarde notre triste actualité, l’on constatera que les mêmes causes produisant les mêmes effets, les méthodes d’analyse et souvent les conclusions de Maurras restent intangibles et s’inscrivent en faux contre les utopies politiciennes. Tout d’abord l’attachement à la Nation. Les errements de ces dernières décennies ont montré l’utopie de la prétention du dépassement du cadre national. Ainsi l’Europe, qui a pu sembler une possibilité de renforcement de l’Occident, est-elle devenue un carcan. Là où de bonnes alliances, comme Maurras les préconisait dans le Soliloque du Prisonnier, pouvaient être utiles ou nécessaires, la montée d’un pouvoir supranational s’est avérée et s’avère de plus en plus comme nocive et contre-productive. L’Europe n’a pas comblé le vide de la politique nationale, dont elle a au contraire accru l’inefficacité. Un exemple : l’immigration. La France ne contrôle plus rien et l’Europe ne contrôle pas à sa place, mais entrave au contraire toute réaction nationale. De même grâce à l’Europe, nous paieront bientôt l’électricité –que nous produisons grâce aux centrales nucléaires– plus cher que si le marché restait national.  La France possède encore une agriculture, une zone maritime enviable, une dissuasion nucléaire… Ces atouts sont susceptibles d’être remis en cause par l’européisme technocratique. Et les institutions nationales ou prétendues telles se plient aux ordres internationaux : qui sait qu’une grande partie de notre législation provient par exemple, de directives européennes dont l’origine n’a rien de démocratique (ni de monarchique bien sûr) ?

La même analyse peut être faite à l’égard du mondialisme : au nom de la prétendue sécurité sanitaire ou de l’écologie, l’on prépare un monde calibré par une oligarchie de pseudo sachants, armés d’ordinateurs et de procédés de reconnaissance faciale. La démocratie –formatée par les faiseurs d’opinion médiatiques– sert désormais simplement à donner une approbation au système. Elle est apparente. L’on dira qu’il n’y a rien de nouveau : Maurras avait en son temps dénoncé les « quatre états confédérés » qui servaient de piliers à la République, et considéré que la démocratie proclamée était en fait pilotée par une oligarchie cachée. La différence est que l’oligarchie est désormais mondialisée (donc encore plus puissante) et qu’elle exerce son pouvoir à travers les organisations internationales, les O.N.G., les médias, les sociétés secrètes ou les réunions de grands dirigeants… Maurras disait que le suffrage universel était conservateur : cela reste vrai, mais il est désormais conservateur des normes imposées par un totalitarisme sournois. L’oligarchie mondialiste décide et les diverses structures démocratiques se bornent à ratifier. De même, inconnus du peuple jusqu’à leur émergence, les dirigeants sont présélectionnés (notamment par les Américains ou les Chinois– (Cf Emmanuel Macron ou Olivier Véran).

Jusqu’au milieu du XXe siècle tout le monde admettait encore un certain ordre naturel. Maurras disait aussi que les éléments se riraient des ambitions humaines tant que l’on ne toucherait pas à l’eau, à l’air ou à l’astre… Mais nous vivons en pleine période prométhéenne et certains hommes croient que tout est permis et que tout est possible. L’on se trouve actuellement ballotté entre les excès de l’industrialisme et ses catastrophes (la mer d’Aral, les catastrophes type Seveso, l’extraction du gaz de schiste) et ceux de l’écologisme et de ses prolongements antispécistes et végan qui vont jusqu’à vouloir éradiquer l’espèce humaine… Certains prétendent même changer l’homme lui-même : procréation artificielle, famille unisexe, mélange interracial total, clonage, robots… La crise sanitaire a constitué un banc d’essai pour cette transformation de l’homme : projet de marquage général et de suivi constant… A l’usage, l’on voit bien que la Nation est la seule digue possible et subsistante, face à ce déferlement mortifère. L’instinct populaire le sent bien d’ailleurs, qui tend à demander la protection de l’État lorsqu’il perçoit une menace. Malheureusement la République, plutôt qu’une mère, est une marâtre qui confine et qui vaccine sans songer aux conséquences… Et l’on retombe ici sur l’irresponsabilité des pouvoirs électifs, constamment dénoncée par l’Action Française. S’ils sont responsables, c’est envers leurs maîtres occultes, mais non envers les peuples…

À la différence de nos politiciens qui se réfèrent souvent à cet héritage, le rejet de la Révolution française, de ses pompes et ses œuvres, est un aspect essentiel et toujours valable de la doctrine de Maurras. Il disait que « la tradition est critique. », se différenciant en cela de son ami Barrès, qui reconnaissait des mérites à toutes les périodes de l’histoire de France. Maurras n’hésitait pas, pour sa part, à en retrancher les mauvaises périodes, celles qui manifestaient un recul du génie national. Vu sous cet angle, Robespierre fait partie de notre histoire, mais non de notre Panthéon particulier !

Évoquons encore le régime politique. La Ve République a pu faire illusion pendant quelques décennies. Néanmoins les dernières présidences, Sarkozy, Hollande, Macron, traduisent le désarroi d’un corps électoral qui ne sait plus à quel saint (?) se vouer. Alors que la tranquillité du pays nécessiterait un pouvoir traditionnel incontesté, pour faire face aux défis contemporains, l’on a affaire à une succession d’expériences plus ou moins ratées et à une absence croissante d’unanimité nationale. La monarchie élective qu’est la Ve République cumule les défauts dans lesquels peut tomber un pouvoir monocratique avec les entraînements démocratiques… Plutôt que la foire d’empoigne de l’élection présidentielle, et face au discrédit dans lequel sont tombés les partis, la solution maurrassienne – le Roi en ses conseils, le peuple en ses états– apparaît comme celle qui comblerait les attentes du peuple français. Mais le pouvoir médiatique est un énorme obstacle qui se dresse entre ce peuple et la connaissance de cette solution. Déjà, dans l’Avenir de l’Intelligence, Maurras montrait que « qui dirige l’opinion publique est le roi de tout. » L’on mesure la difficulté qui existe pour tenter de redresser cette situation…

À l’époque du Maréchal, Maurras, interrogé sur ce dont la France avait besoin, avait répondu: « une bonne armée et un bon clergé. » La direction ainsi indiquée reste vraie. Et, au-delà de l’armée, les citoyens conscients doivent se grouper autour de l’idéal national, et, au-delà des clercs, les laïcs catholiques doivent prendre en main leur rôle dans la cité. Et quant aux valeurs, Maurras nous incite encore à tenir le fil qui nous unit à nos ancêtres. Agnostique lui-même pendant la plus grande partie de sa vie, il n’en reconnaissait pas moins dans le catholicisme « le temple sacré des définitions du devoir ». Malgré les errements de la hiérarchie catholique, Maurras (qui avait pourtant subi l’abusive et maladroite condamnation de l’Action Française en 1926) estimait que la doctrine catholique traditionnelle constituait un pilier essentiel de la vie sociale. C’est en ce sens qu’il faut comprendre son expression « l’Eglise de l’ordre », et son rejet du protestantisme dont l’individualisme lui apparaissait porteur d’anarchie. Ici encore, le redressement nécessaire passe par le chemin indiqué par le Maître.

L’empirisme organisateur de Maurras, –c’est-à-dire l’inlassable méditation de notre présent à la lumière des expériences du passé– doit rester notre méthode d’analyse et notre guide pour affronter les défis toujours plus grands de l’actualité. Appuyés sur les deux valeurs que sont l’héritage national et la doctrine de la Chrétienté, nous devons constituer des îlots de résistance face à la corruption généralisée.

Et pour conclure ces quelques réflexions, nous rassemblerons la phrase du Maître, « le désespoir en politique est une sottise absolue. » et celle de Jeanne d’Arc « les hommes d’armes combattront et donnera la victoire. »

François Marceron.  

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