Nous savons à l’Action Française que les erreurs de l’intelligence sont les pires de toutes. Soixante ans après les terribles événements d’Algérie, notre ami Jean-Pierre Papadacci, cofondateur d’Amitié et Action Française, dirigeant de l’ADIMAD, ancien de l’OAS, propose une réflexion sur les erreurs à ne pas reproduire. 

«  Les malheurs interviennent avec les évènements mais sont inscrits dans les caractères  » Paul Dehème

L’histoire de la résistance, en Algérie française, révèle une répétition d’erreurs humaines et politiques qui, logiquement, ne pouvaient qu’entraîner la défaite de cette cause. La révolte militaire du 22 avril 1962, immédiatement baptisée « putsch » par ses ennemis, démontre que les intentions les plus nobles et les plus légitimes sont vouées à l’échec quand elles ne s’accompagnent pas d’une volonté d’employer tous les moyens, doublée d’une détermination sans faille. Les chefs militaires qui déclenchèrent cette révolte avaient oublié que la donne avait changé depuis le 13 mai 1958. La IVème république avait cédé la place à un régime gaulliste et De Gaulle Charles n’était pas René Coty. Désormais la sauvegarde de l’Algérie ne passait plus que par la neutralisation du chef de l’État ou le renversement de la Vème république. C’est pour ne l’avoir pas compris que la révolte de ces chefs aboutit à un FIASCO.

Les occasions manquées

« Toute pensée qui ne se traduit pas par un acte est une défaillance. » R.de la Tour du Pin

De nombreuses occasions de sauver l’Algérie se présentèrent durant la guerre. La révolution du 13 mai 1958, née d’un sursaut  de l’armée unie et du peuple français, aurait pu réussir si elle n’avait été détournée au profit de De Gaulle. La semaine des barricadesd’Alger, de janvier 1960, aurait pu aussi servir d’étincelle  à un embrasement révolutionnaire si le général Challe s’était décidé à faire cause commune avec le peuple. La solution la plus simple et la plus directe pour stopper définitivement le processus de trahison et d’abandon aurait pu passer par l’arrestation du félon ou son élimination physique par embuscade, au cours d’une de ses tournées en Algérie. Il y eut  bien quelques initiatives mais aucune n’aboutit. A chaque fois « un grain de sable », prenant la forme d’une indiscrétion, d’une défaillance, d’un retard imprévu, ou encore d’un mystérieux contre-ordre, enraya la machine. Le projet de liquidation de l’Algérie française pourtant clairement dévoilé dès le discours sur l’autodétermination (1959) poursuivit son cours sans entrave majeure. Les chefs militaires étoilés, qui avaient offert le pouvoir à De Gaulle et qui subissaient sa trahison, n’avaient manifesté leur opposition que par des déclarations intempestives, qui leur avaient valu soit une voie de garage soit la mise à la retraite. Ils attendirent le mois d’avril  1961 pour répondre aux sollicitations d’un groupe d’officiers qui brûlaient d’envie de passer à l’action.

Le carcan de la hiérarchie

«  Ce qui fait la grandeur du métier militaire, c’est l’obéissance, mais il va de soi que l’homme qui a obéi toute sa vie est incapable d’ initiative, d’ idée personnelle. » Edouard DRUMONT

Des officiers subalternes, indignés par la trahison du chef de l’Etat, furent les véritables organisateurs de la révolte. Ils passèrent plusieurs mois à sonder et à recruter en Algérie et en métropole, les camarades de combat susceptibles de participer au coup de force. Roger Degueldre, le seul officier à avoir déserté après les barricades, fut le pilier de cette entreprise. Malheureusement, tous ces soldats prêts à franchir le Rubicon, restaient imprégnés d’esprit et de discipline militaire et manquaient totalement de culture révolutionnaire. Ils ne pouvaient concevoir d’agir sans avoir à leur tête un général. L’histoire de France pouvait pourtant leur rappeler que des généraux qui étaient de brillants guerriers avaient été aussi des nullités politiques, Mac-Mahon et Boulanger en étaient de tristes exemples. Le courage physique n’a en effet, rien à voir avec le courage moral et intellectuel. Mais ils s’obstinèrent à trouver un chef couvert d’étoiles et ils firent le plus mauvais choix possible en la personne du général Challe. Pourquoi choisir un officier général qui n’avait rien fait pour s’opposer à De Gaulle alors qu’il était commandant en chef en Algérie ? Que pouvaient-ils attendre d’un homme qui prenait la tête d’un soulèvement militaire, non pour s’emparer du pouvoir mais pour retrouver son ancien poste de commandant en chef avec l’espoir insensé d’infléchir la politique algérienne de De Gaulle ? Pourquoi suivre un chef qui proposait d’agir sans associer la population civile et sans verser une goutte de sang ?

FRANCO ou BAZAINE

 « Les hommes qui perdent le plus aisément la tête et qui se montrent les plus faibles dans les jours de révolution, sont les gens de guerre. »  Tocqueville

L’insurrection militaire du 22 avril ne connut qu’un succès : la prise d’Alger (Rendons un juste hommage au capitaine Baÿt qui prépara les plans de cette opération). Son chef, le  général Challe, accumula ensuite les erreurs fatales : refus de contester la légitimité du chef de l’Etat, refus d’associer au mouvement la population civile, refus de reconstituer les unités territoriales, refus de la mobilisation générale des Français d’Algérie, refus de déclencher une action en métropole, refus d’employer la force pour obtenir des ralliements. Il s’enlisa ensuite dans la conquête de l’appareil de commandement militaire et se priva d’appuis précieux en imposant le respect de la stricte hiérarchie militaire. Il  mit sur la touche le groupe d’officiers fidèles, qui avaient préparé le coup de force et s’entoura d’officiers douteux (Cousteaux, De Boissieu) qui sabotèrent le développement de l’insurrection. Il fut incapable d’utiliser efficacement les émetteurs-radio tombés sous son contrôle. Il temporisa, perdit l’initiative des événements et permit ainsi à son adversaire de reprendre la main. Face à la détermination de De Gaulle et à sa volonté d’employer tous les moyens possibles, il fut incapable de riposter et n’opposa qu’hésitations et demi-mesures. Pour s’être refusé à suivre l’exemple d’un FRANCO, ou d’un MOSCARDO, il fut contraint à la reddition et termina comme un vulgaire BAZAINE. Une phrase du journaliste Jean Planchais illustre l’échec de la révolte militaire du 22 avril 1961 : « Pire que la défaite est UNE VICTOIRE PERDUE, l’une peut abattre mais aussi stimuler, l’autre décourage, démoralise, divise ». Ce fiasco militaire fut le prélude de la tragédie algérienne et pesa lourd dans la défaite finale. J’espère que ce rappel, certes sans complaisance, servira d’enseignement pour l’avenir Français.                                                                                                                   

QUELQUES RAISONS DU FIASCO

Général CHALLE : « Je ne voulais pas déclencher une guerre civile…. il s’agit de rallier l’armée et non pas d’anéantir des gens qui au fond pensent comme nous… Que ceux-là (il s’agit d’une délégation de civils) ne nous emmerdent pas ! »

Général ZELLER : « Nous estimons, Challe et moi, qu’un acte de force, avec des moyens d’ailleurs aléatoires, prendrait là une allure de pronunciamiento…. j’insiste sur l’apolitisme du mouvement.. Je me refuse à faire ouvrir le feu sur des troupes françaises et à terminer par une bataille de rue, l’action ouverte sous le signe de l’union de l’armée. »

Général JOUHAUD : « Nous n’abordâmes jamais en commun, au cours d’une franche discussion, les intentions des uns et des autres… Nous avons eu le tort d’avoir manqué de fermeté avec les hésitants et les opposants, d’avoir gaspillé un potentiel en or, en confiant à des régiments d’élite des missions statiques de garde de bâtiments »

Capitaine SERGENT : « Alors que l’Algérie et la métropole retiennent leur souffle, tandis que le général De Gaulle, pris de vitesse, marque un temps d’hésitation et que le monde entier regarde, on gaspille des heures précieuses à tenter des ralliements secondaires, c’est la révolution du téléphone. C’est une véritable trahison ! Pensez vous que nous avons traversé la mer pour jouer cette comédie ?.. Je peux encore aller lui tirer  une balle dans la tête  (il parle de Challe) »

Colonel ARGOUD : « J’aurais dû non pas faire prisonnier, mais exécuter le général de Pouilly… Sa mort aurait montré à tous les hésitants que nous ne reculions devant rien… J’aurais dû poursuivre mon plan de rassemblement de la population, même sans la Légion. »

 

Jean-Pierre Papadacci

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