La situation des Etats-Unis d’Amérique, avant l’abrogation de l’arrêt Roe contre Wade, était meilleure que celle de la France : une jurisprudence mal fondée et flottante fixée par la Cour suprême y interdisait aux Etats fédérés d’interdire l’avortement, quand chez nous c’est une loi qui légalise et rembourse l’avortement. Les choses se sont améliorées (pour combien de temps ?) aux Etats-Unis, elles peuvent empirer en France. En tout cas, la campagne d’opinion lancée dans les médias, à l’Assemblée nationale et prolongée dans la rue montre, à tout le moins, combien notre pays est aujourd’hui colonisé.

Rappelons qu’au terme d’une procédure lancée par une jeune femme, Norma Mac Corwey, ayant choisi le pseudonyme de Roe, contre le procureur de Dallas, Wade, la Cour suprême des Etats-Unis, a décidé en janvier 1973 que le « droit au respect de la vie privée » s’étendait à la décision d’une femme d’avorter, les trois premiers mois. Ensuite, les exigences de santé publique pouvaient s’opposer à son désir d’avorter. Cela explique que les lois sur la question varient selon les Etats : avant la nouvelle décision, sept Etats autorisaient l’avortement « à tout moment » (C’est-à-dire jusqu’à la naissance), alors que les restrictions dans les autres s’étalaient dans le temps.

L’arrêt Roe contre Wade souffrait d’une faiblesse insigne : il était contraire à la constitution américaine. Les juges Byron White et William Rehnquist l’avaient d’ailleurs clairement établi à l’époque. En effet, la Cour avait prétendu s’appuyer sur le 14ème amendement de la Constitution pour étendre le « droit au respect de la vie privée » à la décision d’avorter. Mais ce montage rompait avec la tradition constante de l’Union, qui était de laisser aux Etats la responsabilité de décider en la matière. Surtout, il s’opposait au dixième amendement. Celui-ci dispose en effet explicitement que l’éducation, le droit pénal, la santé publique, compétences non réservées à l’Etat fédéral, reviennent aux Etats fédérés – et l’avortement relève de la santé publique. La Cour, par l’arrêt Roe contre Wade, avait donc commis un abus de droit, conséquence d’un « activisme judiciaire » dû au militantisme politique de certains de ses membres.

Le nouvel arrêt ne supprime ainsi aucun droit, qui n’existait pas, c’est un simple retour à l’orthodoxie constitutionnelle. Mais, étant donné l’état des esprits et la force de la propagande en faveur de l’avortement, cela n’est majoritairement pas perçu . Quelles en seront les conséquences ? Aux Etats-Unis, certains Etats ont déjà choisi ou choisiront une loi plus restrictive. D’autres maintiendront la leur. Même la plus extrême, la plus folle : l’avortement « à tout moment ». Le débat public, qui n’a jamais baissé de ton sur la question, sera sans doute vif et l’on ne sait ce qui peut en sortir. Une overdose de « progressisme », de culture de mort, peut ramener les républicains au pouvoir, ou au contraire, si les démocrates parviennent à imposer l’idée qu’une « liberté » a été lésée, un boulevard s’ouvrira devant les plus radicaux.

En France, c’est de ce côté qu’on s’achemine. Tablant sur l’ignorance du droit et de l’histoire américaine, médias et politiques ont persuadé l’opinion que la décision que vient de prendre la Cour suprême américaine est un abus et une régression scandaleuse. En même temps, des sondages opportuns (qui sont une manière d’influencer le mouton) affirment que neuf Français sur dix sont « attachés au droit à l’avortement ». Et le président de la République a exprimé son intention d’inscrire dans la constitution ce fameux « droit ». Reste à trouver la majorité nécessaire (les trois cinquièmes des deux chambres réunies ou la majorité simple sur un texte identique dans les chambres séparées), ce qui n’est pas évident, étant donné les réticences de Bayrou, Le Pen et du Sénat. Il est toutefois probable que la chose permettra de faire diversion d’autres questions et de pousser un peu plus les populations à juger souhaitable le « droit à l’avortement », qui n’est ni plus ni moins qu’un permis de tuer : quinze millions de Françaises  changées en James Bond se sentiront libres de massacrer à répétition les rejetons dont elles ne voudront pas. Déjà défilent les banderoles, “l’IVG c’est sacré”, et un syndicat d’enseignants a appelé à manifester contre la décision de la Cour suprême des Etats-Unis. Cela montre à la fois le degré de colonisation de notre pays et la nature planétaire de la révolution arc-en-ciel que nous subissons.

Martin Peltier

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