ÉGALITÉ

ÉGALITÉ

Sauville, M. Illustrateur. La Gueuse. Impression photomécanique en couleurs. 1903. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

« La seconde des idées révolutionnaires, le principe d’Egalité, constitutif du régime démocratique, livra le pouvoir au plus grand nombre, aux éléments inférieurs de la nation, producteurs moins énergiques et plus voraces consommateurs, qui font le moins et mangent le plus. Découragé, s’il est entreprenant, par les tracasseries de l’Administration, représentante légale du plus grand nombre, mais, s’il est faible ou routinier, encouragé par les faveurs dont la même administration fait bénéficier sa paresse, notre Français se résigna à devenir un parasite des bureaux, de sorte que se ralentit et faillit s’éteindre une activité nationale où les individus ne sont pas aidés à devenir des personnes et les personnes étant plutôt rétrogradées jusqu’à la condition des individus en troupeaux. »

 (Charles Maurras, Romantisme et Révolution, Préface L’origine commune)

Contradiction apparente

Nous abordons le deuxième volet du désordre social, en contradiction apparente avec le premier. En effet, à première vue, liberté absolue et égalité sont des termes antinomiques. La liberté sans bornes offre aux membres de la société la loi de la jungle où le fort écrase le faible. Sous la Révolution, la loi Le Chapelier, mère du problème ouvrier en fut un exemple illustre. La destruction des corporations au nom de la Liberté livra l’ouvrier à l’arbitraire patronal.

Mais, contraires selon les règles de la logique classique, les deux éléments de la doctrine républicaine, le libéralisme et l’égalitarisme, sont complémentaires dans la mystique démocratique en cela qu’ils ressortent tous deux du même principe erroné ; l’autonomie de l’individu.

Il existe certes une égalité spécifique entre tous les hommes, mais cette égalité par essence n’empêche pas l’inégalité individuelle des conditions, l’inégalité accidentelle qui fonde les droits relatifs des membres d’une société saine et raisonnable.

Les conséquences de l’Égalité

Le pouvoir, en République, va donc être en apparence livré à la masse, et, reprenant les analyses que saint Thomas a tirées d’Aristote et de Cicéron, Maurras évoque la foule de ceux qui coûtent au corps social plus qu’ils ne lui rapportent, le grand nombre de ceux qui, poussés par les démagogues, voteront les dépenses que le petit nombre règlera. La foule gaspillera, les créateurs de richesses s’épuiseront, et la société sombrera dans l’appauvrissement.

La liberté sans frein ayant engendré l’administration, car il faut bien que l’élu tienne son électeur, cette dernière va se mettre naturellement au service de l’égalité socialisante. Le Français actif et indépendant connaîtra d’abord les freins et les brimades des bureaux mis au service de l’envie égalitaire, et bientôt le citoyen qui pouvait contribuer à la prospérité générale, qui était une personne, c’est-à-dire un être conscient et responsable, conscient de ses droits, de ses devoirs et de ses possibilités, se dégradera en simple individu, consommateur assisté de l’Etat-Providence. 

En prétendant concilier des principes frères, dangereux séparément, mortels quand ils sont associés, la démocratie désagrège la société et ravale les personnes au rang d’individus soumis.

« Les libertés, cette énonciation est un non-sens. La Liberté est. Elle a cela de commun avec Dieu, qu’elle exclut le pluriel. Elle aussi dit : sum qui sum. » le lecteur aura reconnu les accents inimitables de Victor Hugo quand il se prend pour un penseur. Leconte de Lisle a dit qu’il était bête comme l’Himalaya. C’est pourtant à l’ombre de l’inégalité reconnue, protectrice, que peuvent fleurir les libertés qui assurent l’épanouissement de la personne, sa réalisation pour le Bien commun.

Gérard Baudin

N'hésitez pas à partager nos articles !
Charles Maurras contre Bonaparte

Charles Maurras contre Bonaparte

Affiche du film de Ridley Scott sur Napoléon

La sortie du Napoléon de Ridley Scott avait ravivé les discussions sur l’empereur. Sur le bilan strictement technique et cinématographique, les avis se rejoignent majoritairement pour dire leur déception devant un film qui, malgré une matière historique gigantesque et des moyens financiers eux-mêmes généreux, ne parvient à créer ni le souffle épique ni le développement scénaristique que l’on attendait. Au mieux peut-on se consoler en admirant, pendant quelques minutes, de belles scènes de bataille, quelques beaux décors et des costumes d’époque plutôt réussis. Mais c’est un bilan assez maigre.

Le film a aussi déçu tout le monde sur l’aspect historique : les passionnés de l’empereur estiment qu’il a été présenté de façon caricaturale et dépréciative, pendant que ses détracteurs regrettent qu’un film à gros budget, bon ou mauvais, ne serve pas à faire le procès à charge d’un personnage historique critiqué aujourd’hui, par les animateurs dans l’air du temps, surtout parce qu’il a rétabli l’esclavage et régné comme un despote. Il n’existe pas en effet, dans l’espace intellectuel français « grand public », une critique de Napoléon qui ne soit pas de gauche ; au contraire le clivage se contente de prétendre que Napoléon ne peut être aimé que pour de mauvaises raisons par la droite et critiqué pour de bonnes raisons par la gauche. Tel homme de droite qui voudrait proposer un avis négatif sur le personnage n’aurait nulle part où se loger dans le petit cirque pseudo intellectuel de notre époque.

Pourtant une telle critique a existé. Du côté de l’Action française, Léon Daudet a publié en 1939 Deux idoles sanguinaires, la Révolution et son fils Bonaparte dans lequel il expose les relations filiales entre l’horrible Révolution et ce fils qui, ayant germé dans un tel ventre, ne pouvait lui-même que continuer la mauvaise œuvre commencée par sa génitrice. Mais ce livre, s’il est plaisant à lire grâce à la plume toujours affûtée de Daudet, n’est pas ce que la droite nationaliste a proposé de plus convaincant pour s’approcher de l’empereur : dix ans plus tôt, Charles Maurras a publié un petit texte autrement plus dosé en explosif intellectuel : Napoléon, avec la France ou contre la France ?

Ici, au lieu de simplement reprocher à Napoléon d’avoir fait la guerre (ce que Maurras lui reproche aussi mais avec des arguments à la fois politiques, humains, géostratégiques et historiques) et d’être à l’origine d’un bilan humain terrifiant, le maître de l’Action française dénonce aussi les effets délétères du Code Napoléon dans l’organisation anthropologique de la France, critique des choix d’alliances et des décisions diplomatiques catastrophiques en ceci qu’ils ont semé le poison d’où naîtra ensuite, par ricochets, beaucoup des grands conflits militaires que la France, bien après le passage sur la terre de Napoléon, devra longtemps affronter. Là où Maurras se différencie d’une critique qui ne serait qu’un bilan comptable des morts des guerres napoléoniennes, c’est en ceci qu’il va chercher jusque dans l’œuvre institutionnelle et juridique de l’empereur des raisons de l’accuser avoir fait du tort à la France. Un travail intellectuel de cette envergure n’existe plus aujourd’hui, le débat sur Napoléon ayant été, nous le disions plus haut, pris en otage par des gens qui, eux-mêmes pris en otage par la droite, se sentent obligés de le défendre contre des gens qui, pris en otage par la gauche, reprochent à Napoléon de n’avoir pas créé Sos-racisme et l’international LGBT de son vivant.

Que l’un des grands parmi les grands dans l’offre intellectuelle de droite, Charles Maurras, soit au nombre des adversaires de Napoléon surprendra sans doute nos contemporains. Si ce n’était que pour cela, si ce n’était que pour son côté étonnant, le livre de Maurras mériterait d’être lu. Heureusement, il est beaucoup plus que cela. Pour l’avoir fait lire à de nombreux admirateurs de Napoléon dont certains étaient même des adorateurs, je puis confirmer que Charles Maurras, par la redoutable efficacité de sa démonstration intellectuelle et argumentaire, a livré un texte d’une hauteur, d’une précision et d’une puissance rarement atteintes par un auteur, surtout — et c’est là aussi que réside l’exploit — en seulement quelques dizaines de pages, d’ailleurs écrites dans un français d’une beauté cristalline.

Jonathan Sturel

N'hésitez pas à partager nos articles !
Doctrine : patriotisme et nationalisme 

Doctrine : patriotisme et nationalisme 

Les drapeaux tricolores français

Dans la bataille des idées inaugurée par les conjurés de la Révolution dite française, une évidence apparaissait que Joseph de Maistre allait résumer ainsi : « Jusqu’à présent, les nations ont été tuées par la conquête, c’est-à-dire par voie de pénétration ; mais il se présente ici une grande question : Une nation peut-elle mourir sur son propre sol, sans transplantation ni pénétration, uniquement par voie de putréfaction, en laissant parvenir la corruption jusqu’au point central et jusqu’aux principes originaux et constitutifs qui font ce qu’elle est » ?

Texte que j’ai déjà cité précédemment, mais qu’il est nécessaire de rappeler dans le contexte de ce sujet. Par cette interrogation qu’il faisait à son ami Louis de Bonald, il définissait ce qui allait devenir le point de départ de l’analyse critique nationaliste face aux sophismes des conjurés de la Révolution dite française. On voit ainsi que le nationalisme est d’une autre essence que le patriotisme, car jusqu’alors les nations n’avaient à se préoccuper que des invasions physiques, aux frontières. Or, à partir des sophismes issus de la Révolution, un autre type d’invasion apparaît : l’invasion intellectuelle.

Désormais, sans invasion physique, sans défaite militaire, elle va tendre à faire disparaître la nation, au profit de l’utopique République universelle.

Prônée par les conjurés de la maçonnerie et du monde juif, par ce concept abstrait qui émerge avec la révolution de 1789, les nations doivent disparaître pour permettre son avènement.

C’est en opposition à ce concept destructeur de l’existence même de la nation qu’allait apparaître le réflexe de défense nationaliste. Il en découle que si le patriotisme se définit comme la défense du territoire national face à un envahisseur physique, le nationalisme, lui, est d’une autre essence. Il se définit comme étant la recherche des principes qui conviennent à un pays pour se maintenir incorrompu dans son être national en défense de son héritage.

Ainsi, plutôt qu’à la terre des Pères, le nationalisme s’attache à la défense de l’esprit des Pères, de ceux qui ont forgé l’héritage moral, spirituel, intellectuel, qui fait ce qu’elle est devenue, façonnée par l’Histoire. C’est-à-dire, ce qui la rend différente de toute autre nation, comme un être humain est différent de tout autre du fait de sa genèse et de son éducation. « Le nationalisme, dit Maurras reprenant l’observation de Joseph de Maistre, est la sauvegarde due à tous ces trésors qui peuvent être menacés sans qu’une armée étrangère ait passé la frontière, sans que le territoire soit physiquement envahi »1.

On comprend ainsi la priorité du nationalisme sur le patriotisme, dans l’ordre des nécessités.

En effet, si perdre un territoire c’est perdre une partie du sol national et perdre des hommes, c’est perdre une partie de la chair et du sang de la nation, elle peut y survivre, se reconstituer, reconquérir les territoires perdus. Par contre, perdre l’idée nationale, le dessein national qui l’a constitué, c’est perdre l’âme même de la nation, cela mène à son oubli, à sa disparition.

De Gaulle et Pétain

De cette distinction d’essence entre nationalisme et patriotisme allait découler les choix différents faits après la Débâcle de 1940.

D’un côté les nationalistes qui se retrouvaient dans le maréchal Pétain appelé par le Président de la IIIème république, Albert Lebrun pour gérer les conséquences de la Débâcle du fait de l’abandon de poste des responsables de la déclaration de guerre au IIIème Reich.

De l’autre, ceux qui par patriotisme voulaient émotionnellement poursuivre le combat alors que l’Armée française était en pleine déroute. C’est sur cet irréalisme politique qu’allait prospérer le prétendu patriotisme de Charles De Gaulle.

En fuite, en ayant négocié financièrement son ralliement à l’Angleterre avant même que l’Armistice soit signé, cela en faisait ipso facto un déserteur en temps de guerre. Il allait en découler sa dégradation de son titre de général à titre provisoire et sa condamnation le 4 juillet 1940, à Toulouse par un tribunal militaire sous la IIIème république encore …

À Londres, De Gaulle allait retrouver les responsables du désastre qui, eux aussi, s’étaient enfuis pour échapper à leur responsabilité, des juifs et des francs-maçons2. Devant ces faits, où était le devoir ? Entrer en résistance avec les communistes et les démocraties anglo-saxonnes quitte à aggraver le poids de l’Occupation et les souffrances des Français ? Ou bien combattre d’abord la politique des responsables de l’une des plus humiliantes défaites militaires de notre histoire, en tournant le dos aux sophismes de la Révolution, comme s’y sont attachés le maréchal Pétain et ses partisans dans les plus mauvaises conditions historiques ?!

Une de l'humanité sur la victoire du front populaire

Les responsabilités étaient claires. Le Front Populaire de Léon Blum, nous avait dépossédé de nos armements modernes au profit des Rouges lors de la guerre civile d’Espagne en 1936.

C’était donc en parfaite connaissance de notre faiblesse que le féal à l’Angleterre, Reynaud, Premier ministre, allait déclarer la guerre à l’Allemagne pour répondre aux pressions bellicistes de l’Angleterre et du lobby juif.

Sans l’ambition pathologique, de De Gaulle, honni et méprisé de l’Armée depuis sa reddition sans combattre en mars 19163, l’affrontement franco-français qui en a découlé, aurait pu être évité. C’est ce qu’avait entrevu le colonel Rémy qui regrettait que par la faute de De Gaulle « l’un n’ait pas été le bouclier et l’autre le glaive ». Mais ce que le colonel Rémy n’avait pas compris, c’est que De Gaulle pour y parvenir avait besoin de deux choses : l’appui des lobbies responsables de la Débâcle et des Alliés.

Comme pour Robespierre pour lequel la Révolution ne pouvait perdurer sans que Louis XVI ne soit coupable, pour que De Gaulle ne soit pas le déserteur qu’il a été, il lui fallait faire de Philippe Pétain, un traître. Par la faute d’un De Gaulle, faux noble, faux homme de droite et faux patriote, la France s’est déchirée. Tout au long de “la carrière” de De Gaulle, les Français allaient payer leur aveuglement, leur lâcheté devant les crimes de l’Épuration gaullo-communiste, car dès lors l’anti-France revenait au pouvoir.

Ainsi ladite Libération ne fut qu’une réoccupation de la France par les lobbies, maçonnique et juif ! La politique gaulliste aligné sur celle des États-Unis allait conduire à la perte de notre empire comme il l’avait promis à Roosevelt dans son Discours de Brazzaville en

1944. Puis l’Algérie, département français, fut abandonnée aux tueurs du FLN auxquels il octroyait de surcroît sans contrepartie, le Sahara et les richesses que nous y avions découvertes en gaz, pétrole et minerais. Quant à l’immigration-invasion qui submerge aujourd’hui la France avec la complicité des Sarkozy, Hollande et Macron, elle est la conséquence directe des abandons et trahisons de De Gaulle.

Caricature de De Gaulle

Le « patriote » De Gaulle aura ainsi réduit la France au rôle de puissance secondaire, privée de ses ressources énergétiques, géopolitiques et humaines de notre Empire, et devenu simple supplétif de l’impérialisme mondialiste yankee et juif…

Alors que le maréchal Pétain avait réussi à maintenir notre Empire en dépit de l’Occupation, mais surtout des appétits anglo-saxons, le « patriote » De Gaulle ne nous aura légué qu’un Hexagone qui plus est, envahi ethniquement par sa faute. Ses alliances avec l’impérialisme anglo-saxon, avec les lobbies anti-nationaux et le communisme, pour lui permettre d’arriver au pouvoir, se sont soldées par deux guerres civi¬les franco-françaises : celle contre la Révolution nationale du maréchal Pétain, puis celle qui allait conduire à l’abandon de l’Algérie.

Loin d’être un patriote, De Gaulle n’aura été qu’un jacobin, plus soucieux avec ses alliés juifs, francs-maçons et communistes de combattre la Révolution nationale, que l’Occupant qui avait été le prétexte à sa désertion à Londres…

Tout ce que nous vivons et subissons aujourd’hui découle directement de ses alliances et de sa politique avec la faune de francs-maçons et de juifs qui l’avaient rejoint à Londres, se mettre aux ordres des Anglais.

De la réintégration de la maçonnerie interdite par l’État français, à la remise en vigueur du décret Crémieux, à la mainmise marxiste sur l’appareil administratif, jusqu’aux conséquences de la décolonisation avec l’immigration-invasion, on lui doit tout … !

Voilà comment un patriotisme mal compris, dévoyé, est devenu l’ennemi du nationalisme et de la France.

P. P. d’Assac

  1. J. P. d’Assac, Le Manifeste Nationaliste. Editions Plon, Paris 1972. ↩︎
  2. P. P. d’Assac. Charles De Gaulle de la légende à la réalité. Édit. S. P. P. ↩︎
  3. Yves Amiot. La Capture. Edit. Ulysse ↩︎
N'hésitez pas à partager nos articles !
Face aux rêvasseries des Droits de l’Homme : Politique d’abord ! 

Face aux rêvasseries des Droits de l’Homme : Politique d’abord ! 

 
Depuis le 26 août 1789, les Droits de l’Homme ne cessent d’imposer l’idée que l’individu est l’alpha et l’oméga de toute réflexion politique, ce qui revient à poser tout problème en termes de droits, donc en termes conflictuels, et débouche sur des luttes stériles et suicidaires entre clans, entre partis, entre lobbies. Puisque l’individu tant flatté est lui-même le fondement du droit, ses moindres désirs peuvent s’ériger en absolus et doivent alors, même s’ils sont contre-nature, être reconnus par la loi. Et malheur à quiconque s’y oppose au nom des lois non écrites ! Voilà donc la plus antipolitique des idéologies, espèce de théocratie sans Dieu, devenue la seule norme d’une société qui ne veut plus de normes ! Véritable histoire de fou. Et si encore lesdits Droits avaient amélioré l’espèce humaine ! En fait depuis deux siècles on a connu les pires guerres, massacres et génocides, nullement empêchés, parfois même justifiés par cette croyance laïque et obligatoire.
                                                       
 L’ordre naturel 
 
Que voulait dire le serment du sacre des rois de France, parlant de « rendre justice à chacun selon ses droits » ? Tout simplement que dans l’ancienne France, chaque Français jouissait de libertés, donc de droits en tant que membre de telle communauté dans laquelle son bien propre s’ordonnait au bien général selon toute une hiérarchie de droits et de devoirs (familiaux, communautaires, professionnels, provinciaux, nationaux…) que couronnait le roi incarnant le bien commun, reliant le temporel au surnaturel.
On savait alors, avec Aristote et saint Thomas, que l’homme « animal politique » n’a pas de besoin plus pressant que d’être membre du corps politique pour y recevoir, proportionnellement à sa place, à sa fonction, ce qui est juste, ce qui est son droit.
Peut-on croire que dans une telle société l’individu était étouffé ? Ce serait oublier que sous quelque régime que ce soit, est inscrite dans le cœur de chacun de nous la loi naturelle, la loi de la raison droite. Cette donnée immédiate de la conscience doit être cultivée par l’éducation, par la formation de l’intelligence et de la volonté, afin d’assurer l’articulation entre la liberté du sujet et son ordonnancement au bien objectif. Elle ne peut être soumise aux options d’aucun législateur ici- bas. Elle est la source de ce que les sociétés chrétiennes ont toujours appelé les droits fondamentaux, naturels, imprescriptibles de chaque homme.
Le père de Clorivière, dans ses Études sur la Révolution (1793) les définissait ainsi :
1) la connaissance de la Vérité ;
2) la poursuite du bien nécessaire à son bonheur et à sa fin ;
3) la liberté ou le pouvoir de faire tout ce qui n’est pas contraire au devoir ;
4) la conservation de sa personne et de ses biens. Les deux premiers sont absolus, les deux derniers le sont dans la mesure où l’on n’a pas mérité de les perdre par quelque crime.
Voilà des droits qui n’érigent nullement l’individu en absolu ; ils l’ordonnent au bien et chacun a le devoir de les défendre même au prix de sa vie, quand, par exemple, une autorité abuse de ses prérogatives, ou quand un État brade une nation ou lui impose une législation contraire à la religion et à la morale. L’objection de conscience est alors légitime défense. Pour apprendre à résister à tous les Néron, Staline ou Hitler, à tous les avorteurs, à tous les violeurs des âmes et des corps en ce bas monde, une bonne et vigoureuse formation de la conscience suffit, il n’y avait nul besoin d’une Déclaration tonitruante de Droits qui, le plus souvent, abandonnent les consciences à tous les vents médiatiques. 
 
Qui est l’Homme ?
 
“Libérer” l’homme de tout ordre naturel, l’arracher aux rapports nécessaires entre individus et communautés, à tout agencement de finalités liées à des situations données : tel fut le but des auteurs de la Déclaration de 1789. Chacun n’a plus qu’une destinée personnelle, la société n’est qu’une juxtaposition d’individus cohabitant par hasard, et le droit se rapporte uniquement à ceux-ci, sans référence au bien commun ; il n’a plus sa source qu’en l’homme lui-même et les droits deviennent subjectifs. L’absurdité de cette construction philosophique purement rationaliste fut ainsi exposée par le professeur Michel Villey : « Le droit est un rapport entre des hommes, multilatéral. Comment pourrait-on inférer une relation couvrant plusieurs termes d’un terme unique, l’homme ? » (Le Droit et les Droits de l’homme, PUF, 1983). L’Homme des Droits de l’Homme est un homme abstrait, “libéré” de tout ce qui le caractérise, de toute attache à une famille, à un métier, à une région, à une nation, à une religion et même à un sexe… En somme un homme qui n’existe pas, mais qu’il importe de créer : un homme nouveau (caricature de l’Évangile) qui refera le monde à son image, un homme devenu simple atome social, coupé de toute transcendance, afin de renaître en s’autodivinisant. Les Droits de l’Homme constamment martelés aboutissent à une confusion des ordres : changer l’homme, cela relève non de la politique, mais de la morale !
 
Théocratie
 
Les vigoureuses libertés traditionnelles des forces vives du pays survivent comme elles le peuvent dans cette permanente incitation aux revendications individualistes qui aboutit à la déification de tous les désirs voire de toutes les pulsions. Et malheur à celui qui, au risque de se faire remarquer par la HALDE et autres officines de vertu républicaine, oppose la Vérité, l’héritage historique, les lois naturelles et surnaturelles, le respect de la vie à naître, la défense de la famille…, à toutes ces pressions entretenues dans et par les médias pour faire entrer dans la loi leurs propres fantasmes ! On est en pleine “démocratie des mœurs” : l’État s’arroge le droit de légiférer en matière de mœurs. Est désormais tenu pour moral ce qui est légal, la démocratie sert de « substitut à la morale ». Cela s’appelle la tyrannie. Sur le plan international aussi, les grands rabbins des Droits de l’Homme portent d’énormes responsabilités dans bien des guerres et bien des interventions catastrophiques, pour apprendre, par exemple, la démocratie aux pays arabes… Il ne faut toutefois pas croire que cette théocratie sans Dieu puisse s’éterniser. Puisqu’elle n’est que subjectivisme, moralisme et bourrage de crânes, lui barreront un jour la route ceux qui diront Politique d’abord. Il n’y a pas de plus grand remède aux rêvasseries droits-de-l’hommistes que le réalisme, l’observation objective des lois naturelles et de l’expérience séculaire, en somme que l’empirisme organisateur que nous a enseigné Charles Maurras. 
                                                                                                                        Michel Fromentoux 

N'hésitez pas à partager nos articles !
L’AF expliquée par le marquis Marie de Roux 

L’AF expliquée par le marquis Marie de Roux 

La doctrine d’Action Française est si forte que ses détracteurs, plutôt que d’en discuter les thèses, ont souvent préféré se fabriquer une idée de l’Action Française à laquelle ils ont attribué des idées philosophiques et religieuses qu’elle n’a jamais professées. C’est cette malhonnêteté intellectuelle que dénonce le marquis de Roux, grand avocat des causes nationales, dans un petit mais substantiel ouvrage paru en 1927 sous le titre Charles Maurras et le nationalisme de l’Action Française. Sa lecture reste indispensable à quiconque veut se débroussailler l’esprit des idées toutes faites et des calomnies sans cesse déversées sur notre école de pensée.

L’intérêt national

L’essentiel s’y trouve, à commencer par l’affirmation que l’Action Française n’est pas un parti : elle se refuse « à ce rôle de faction organisée qui dominerait l’État. Elle déclare à l’avance que le roi, restauré par elle, devra gouverner avec le concours de tous et en employant les plus compétents ». De même, elle met en garde contre tout parlementarisme, « même tempéré par la couronne », car c’est toujours un gouvernement de partis. Première condition pour être d’Action Française : « éliminer de la discussion politique nos goûts, penchants ou répugnances, partis-pris de sentiment ou habitudes d’esprit ». Alors, s’étant ainsi libéré, savoir s’appuyer sur l’expérience historique montrant ce qui réussit ou échoue, ce qui produit des effets heureux ou malheureux : c’est « l’empirisme organisateur ». La première leçon de l’observation objective des faits est que « les intérêts particuliers doivent être non sacrifiés mais subordonnés à l’intérêt général » qui est pour nous Français « l’intérêt national », lequel requiert le bienfait de « l’autorité ». Celle-ci doit être désignée de façon qu’elle puisse « réaliser l’unité du commandement, avoir l’indépendance, la durée et la continuité » et que « l’intérêt de celui qui l’exerce coïncide avec l’intérêt de ceux sur qui et pour qui elle s’exerce ». C’est la monarchie héréditaire. Une monarchie respectueuse de la foi catholique, dont toute l’Histoire atteste les bienfaits. Une monarchie en outre assez forte pour ne pas avoir besoin d’entretenir une clientèle de fonctionnaires, donc pour décentraliser, faire revivre les petites « républiques locales » et les organisations professionnelles. Au bout de ce résumé de la méthode propre à notre mouvement, le marquis de Roux précise que les royalistes d’Action Française n’ont pas à attendre la restauration pour servir : « Ils ne sont royalistes que parce qu’ils sont patriotes : ils se sentiraient donc inexcusables de ne pas défendre de tout leur pouvoir l’héritage en l’absence de l’héritier. » Langage toujours actuel.

Définitions

Restent alors à bien définir trois locutions que la mauvaise foi a si souvent travesties : Le « nationalisme intégral » est « celui qui sacrifie au bien de la nation les préjugés révolutionnaires », donc celui qui conclut « à la monarchie » ; le « politique d’abord » exprime tout simplement la « priorité (et non la primauté) du moyen politique », étant bien entendu qu’il s’agit ici de l’ordre des moyens purement humains ; le « par tous les moyens » veut dire tous les moyens légaux ou illégaux, mais honnêtes et avouables, comme par exemple, même sans avoir encore la force de remplacer le mauvais législateur, tout mettre en œuvre pour faire échec à une mauvaise loi. Il faut lire attentivement les pages où le marquis de Roux parle de la nécessaire collaboration des croyants et des incroyants. Il en précise les conditions : se réunir au nom de l’intérêt national, dans un but donc temporel, qui ne suppose ni interconfesionnalisme, ni spiritualisme syncrétiste, ni libéralisme mettant toutes les religions sur le même plan. Voilà donc l’Action Française telle qu’elle est, telle qu’elle se définit, telle que l’honnêteté commande de la considérer, qu’on l’approuve ou non.

On a malheureusement voulu en faire un mouvement aux préoccupations philosophiques ou religieuses suspectes. Les diffamations de prétendus bien-pensants, démocrates chrétiens pour la plupart, aboutirent en 1926 à la mise à l’index de L’Action Française par Rome. C’est à eux que répond le marquis de Roux.

Le bienfait catholique

D’abord l’agnosticisme de Maurras. Notre maître avait eu en effet le malheur de perdre la foi au sortir de l’adolescence, mais il en souffrait et restait assoiffé de vérité.

« Ce n’est pas assez dire, écrit le marquis, de constater que la politique de Maurras ne se déduit pas de son agnosticisme. Loin d’en découler, elle est psychologiquement une réaction contre lui. »

Nul danger de paganisme, ou de panthéisme, ou d’immoralité à fréquenter Maurras ; sa façon de dénoncer les faux dieux que le monde moderne fait souvent passer pour le vrai a ramené plus d’un de ses amis à retrouver la foi de leur enfance (à commencer par Henri Vaugeois). Et si Maurras a montré qu’il existe « une physique politique qui étudie légitimement les conditions et les résultats de nos activités d’un point de vue qui n’est pas celui de la morale », il a toujours reconnu que la morale reprend ses droits « pour nous dicter notre devoir d’état de citoyen ». Il va même plus loin, reconnaissant que « non seulement l’obligation morale, mais l’obligation juridique n’a de sens et de force que par référence de l’Absolu ».

Tout à l’opposé de la morale kantienne, Maurras pense que « transformer en accord les oppositions de l’intérêt et du devoir c’est le chef-d’œuvre de la politique », en quoi il se trouve en plein accord avec les plus grands politiques catholiques qui avaient avant lui étudié les institutions secourables à la faiblesse humaine.

Accord qui se manifeste éminemment dans le domaine de la doctrine sociale de l’Église, si bien exposée et approfondie par le marquis de La Tour du Pin et que l’Action Française a faite sienne.

Universalité

Dans sa critique de la démocratie, dans son anti-libéralisme et dans sa conception du catholicisme, Maurras a toujours insisté « sur l’universalité du bienfait catholique, sur la situation privilégiée qui est due entre toutes les confessions, entre tous les cultes, à l’Église catholique sur la terre de France et sur toute la terre habitée ». On sait en effet où la “séparation” de la république d’avec la foi qui a fait la France nous mène aujourd’hui… Ce sens catholique de l’universalité, d’un juste et d’un bien communs à l’humanité inspire aussi le nationalisme de l’Action française, pour lequel « le génie national correspond aux façons qui nous sont le plus naturelles et faciles de nous élever à un type supérieur d’humanité ». Ce ne sont là que quelques exemples de la richesse de l’ouvrage du marquis de Roux. Un livre que le temps n’a pas usé, qui confirme les adhérents dans leur choix et qui guérit les hésitants de leurs états d’âme.

Michel Fromentoux, membre du Comité Directeur de l’Action Française

N'hésitez pas à partager nos articles !
L’Action Française et la vérité

L’Action Française et la vérité

En tant qu’école de pensée comme en tant que mouvement politique, l’AF a toujours affirmé que l’étape première de son combat était l’acceptation de la vérité. Notons que ce n’est pas fréquent pour un courant politique. La plupart d’entre eux mettent au premier rang une idée (le progrès, la liberté, la Personne humaine, l’individu ou l’émancipation par exemple) une vertu (l’honneur, le courage, le patriotisme, la Foi) un mythe (l’histoire, la race, la classe prolétarienne ou autre). Maurras, lui, choisit la vérité.

Et cette invocation imprégnait à ce point à tous les niveaux la première Action Française que ce vieux chant des Camelots du roi : « Quand on pendra la Gueuse au réverbère » termine un de ses couplets par ces mots devenus aujourd’hui énigmatiques : « …et la vérité ne couchera plus à la Santé. » De fait, Maurras se réfère sans cesse à cette notion dans des aphorismes qu’il parsème par dizaines dans ses articles. Par exemple dans l’AF du 24 décembre 1932 ; « Un objectif : le Bien public, un moyen de l’atteindre : la vérité (…) La vérité sauve. » Voilà également qui est original : la vérité n’est pas un but, c’est un moyen. Comment expliquer une posture si contraire à notre esprit actuel ? C’est que pour les maîtres fondateurs de l’Action Française, la vérité en question ne s’écrit pas avec un v majuscule. Son domaine n’est pas la destinée surnaturelle ou prométhéenne du genre humain mais la physique sociale qui permet de déterminer les chemins de la vie dans les ensembles formés par nos êtres.

Cette vérité sur laquelle Maurras entend s’appuyer, pour ne pas être fondée sur un « absolu », n’est donc pas pour autant modifiable à volonté comme la ligne du Parti Communiste au gré des choix de ses dirigeants. Maurras écrit en effet : « D’après les sociétés de pensée du XVIII° siècle, la vérité se fabriquait ; d’après la philosophie allemande, et dans un sens à peine différent, elle se fait. Nous avons le regret d’avoir à déclarer, dussions-nous être traité, soit de petit Français, soit d’affreux païen, que la vérité est ce qui est. » (AF, 24 septembre 1912). En bon aristotélicien, le Martégal pose qu’il existe des vérités humaines, mais immuables. Et que c’est le réel qui est le vrai. Cela posé, la notion de vérité induite bute sur des questions qui deviennent plus scabreuses à mesure que les siècles passent. Nous en donnons une petite liste :

D’abord, n’y a-t-il pas des vérités qui s’émoussent avec le temps, voire qui deviennent des erreurs ? D’autre part, chaque société connaît des interdits. Que faire quand ce qui est du domaine de la vérité d’une époque devient un crime à l’époque suivante ? Et comment continuer à s’exprimer si l’on est visé par ces interdits ? Ensuite, les stratégies sont-elles déterminées par la simple analyse de la vérité ou l’intuition, le savoir-faire, l’art politique en un mot ? Enfin, qui, dans un mouvement politique, si vénérable soit-il, a le rôle de dire ce qui est la vérité ?

Il est clair que l’Action Française, le plus ancien mouvement politique français, qui continue sa lutte parce que le succès n’est pas venu la couronner, est particulièrement exposée à ce questionnement. Quand on est solidaire de cinq ou six générations successives, on est amené à s’interroger sur le langage et les préoccupations de nos anciens, séparés de nous par un siècle et plus. Tentons tout de même de répondre à ces quatre questions.

 

Que devient la vérité politique avec le temps ? Il y a des choses qui changent rapidement, d’autres lentement et d’autres pas du tout. Par exemple, les alliances évoluent sans cesse au gré des rapports de force, ou des projets collectifs. Sommes-nous les alliés de l’Ukraine ou de la Croatie ? Faut-il favoriser l’importation de machines-outils chinois ? et ainsi de suite. En revanche, qu’en est-il de la définition des constantes de la politique française que l’AF a mises en lumière ? Ainsi la théorie des quatre états confédérés est-elle toujours pertinente aujourd’hui ? Leur modèle a en effet été suivi par d’autres groupes sociaux hostiles, ou devenus tels, à la tradition française, tandis que la voie séparée de certains, décidant de ne pas faire cause commune avec la tradition française, perdait de sa netteté. Plus grave encore, l’idée que l’Église catholique est « La seule internationale qui tienne » correspond-elle toujours à la réalité ? Ou est-elle devenue comme les autres ? Ou même pire que les autres ? Une réalité qui a changé de nature, et sur laquelle la Foi et la raison ne perçoivent pas la même chose. L’AF, alliance des catholiques fervents et des athées patriotes, toujours ? D’autre part, c’est une chose que de dire qu’une réalité a changé, et une autre que de reconnaître qu’elle n’a jamais existé et que notre mouvement s’est fourvoyé gravement sur des points essentiels. Dans ce cas on se demande pourquoi il aurait mérité de survivre jusqu’à aujourd’hui. À l’opposé, est-il légitime de se demander si Maurras ou l’AF ont fait le bon choix historique en considération de leur but, en certaines occurrences cruciales ? Citons le ralliement inconditionnel à Vichy ou l’Union sacrée, qui sont d’ailleurs l’effet du même principe. Il semble que oui : il est permis de se poser ce type de question à la condition expresse de n’apprécier les événements que replacés dans leur contexte, et en restant indifférent aux anathèmes du présent.

Ce sujet nous rapproche de la deuxième question : Que devient la vérité quand certaines formulations sont criminalisées ?

Ne nous cachons pas une réalité qui est une flagrante évidence : Notre société a construit depuis 70 ans une nouvelle échelle de valeurs dotée de marqueurs extrêmement puissants. Des marqueurs qui se traduisent par des sanctions très efficaces pour celui qui ne s’y soumet pas ; en bref, la mort civile pour les individus, la marginalisation ou l’interdiction pour les mouvements ou groupes récalcitrants. Les lois mémorielles et l’énorme corpus législatif anti-discrimination ont accumulé les entraves à la liberté d’expression et de pensée, avec une domination sur les médias sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’ici. De plus, les concepts criminalisés sont extensifs. Chaque année on voit que l’interprétation des idées « nauséabondes » dont il faut extirper les promoteurs devient plus large et les peines plus lourdes. Dès lors, quelle doit être l’attitude d’un mouvement de pensée soucieux de sa survie et de son expansion ? Faut-il risquer l’interdiction et la ruine en s’opposant de front à ces lois scélérates ? Ou bien faut-il s’y soumettre en s’efforçant de mettre en lumière que nous ne tombons pas sous le coup de ses dispositions ? N’y a t-il pas une certaine naïveté dans cette dernière attitude, qui suppose la sincérité chez les nouveaux inquisiteurs ? Ne faudrait-il pas plutôt se demander si, avec ses avatars successifs, passant de l’antiracisme classique à l’indifférencialisme, puis au wokisme, cette idéologie n’a pas pour but avéré de détruire tous nos héritages, y compris culturels ? De plus déclarer n’être pas visé par cette machine de guerre en désignant implicitement d’autres mouvements nationaux qui n’ont pas fait le même choix conduit à se désolidariser de tout un pan de la résistance nationale à la décadence. Une attitude que l’AF n’a jamais eue, et qui reste paradoxale à un moment où notre mouvement de pensée est loin d’avoir l’influence qu’elle eut pendant son âge d’or.

 

Ne serait-il donc pas plutôt souhaitable de combattre ces idées en profondeur, sans pour autant s’exposer aux rigueurs des lois idéologiques ? En effet, si une loi peut criminaliser certaines attitudes, elle ne peut formellement interdire les réflexions ayant pour but son abrogation. Ce serait conforme à la vocation de l’école de pensée maurrassienne de tester et rejeter les idées fausses. Bien sûr cela demande un gros effort dans le dialogue. C’est plus difficile que de fermer la bouche aux opposants au nom d’une « stratégie » qui ne définit jamais ses lignes. Car les idées ne sont pas un élément de stratégie. Une stratégie qui conduit à changer les fondamentaux de la doctrine ne peut pas être acceptable car elle échoue d’avance avant même d’avoir tenté de réussir.

C’est qu’en effet, dans un mouvement de pensée, une stratégie n’est pas l’affaire d’une personne, mais un travail collectif et cohérent de recensement et d’évaluation des faits, et par là nous revenons à la notion de vérité. Une personne peut feindre, mentir, jouer avec les mots et les gestes, mais un mouvement de pensée ne peut pas le faire car il s’expose au discrédit du discours imposteur. C’est ainsi que le Parti Communiste, rallié à tout ce qu’il méprisait, est considéré comme une survivance insignifiante par tous ceux qui connaissent encore son existence.

Il en est de même pour le choix des maîtres à penser de l’Action Française. Une tendance constante depuis quelques années est de mettre en avant Pierre Boutang ou Pierre Debray en regard de Maurras. C’est que ces deux penseurs sont moins l’objet de la haine des médias et de l’intelligentsia que l’auteur de « l’Enquête », tel Finkielkraut, qui déclara péremptoirement : « Décidément Maurras ne peut pas être pardonné ». Certes, Debray et Boutang sont de grands esprits, mais l’un comme l’autre a varié. Boutang fut à la fois un gaulliste enthousiaste et un antigaulliste fanatique, dont la pensée écrite, c’est le moins que l’on puisse dire, demanderait une clef pour être décodée. Quant à Debray, après avoir consacré l’essentiel de ses écrits à faire une critique sociale, il se fourvoya dans un militantisme religieux dans lequel il ne recueillit que des avanies, et son royalisme resta le plus souvent de principe.

Reste à répondre à la dernière question : qui doit être écouté pour proposer la vérité politique ? Pour cela, il faut formuler deux évidences : d’abord que l’Action Française n’a pas de propriétaire. Une Société commerciale peut décider de ses produits, de ses choix, en fonction des préférences de ses actionnaires. Il n’en est pas de même pour l’AF qui n’en a pas, puisqu’elle appartient aux Français par le sang et le cœur. Si des aggiornamentos doivent être effectués, ce ne peut être qu’à la suite d’un débat ouvert, non à la suite de décisions unilatérales de ses organes directeurs, même s’ils se pensent conduits par une inspiration divine. D’autre part, et c’est une conséquence de ce qui précède, le légalisme doit rester secondaire. Il ne sert à rien d’entasser les arguments juridiques sur la légitimité de ces organes et de leur composition si leurs décisions restent sans prise sur le réel. Même si une excellente gestion des hommes et des moyens est avancée pour justifier leur légitimité.

Il découle de ce qui précède que l’AF doit rester ouverte à tous les Français, quelle que soit leur religion, leur philosophie et les préférences auxquelles ils adhèrent à la condition qu’ils n’envisagent que le salut national et soient convaincus de la nécessité de la monarchie. Ceci implique une diversité raisonnable d’options, tout en respectant la discipline du Mouvement. Nous en manquons pour l’instant. Pourtant ce débat ne serait pas un facteur de division, à la condition de mettre une sourdine aux questions personnelles, aux querelles de boutique, aux violences et aux ragots qui nous discréditent. Il est indispensable de remettre sur le métier la trame de salut collectif que voulut tisser Maurras il y a 130 ans.

Robert Divoz

N'hésitez pas à partager nos articles !