Vraie et fausse laïcité

Vraie et fausse laïcité

Vrai et Fausse laïcité, Philippe Prévost
Vrai et Fausse laïcité, Philippe Prévost, Éditions d’Action Française 

Nouveauté aux Éditions d’Action Française : Vraie et fausse laïcité, Philippe Prévost, 13 €.

Fidèle à sa volonté de donner une véritable colonne vertébrale intellectuelle à ses amis, Philippe Prévost, historien et essayiste, militant d’AF depuis de longues années, publie un essai aux jeunes éditions d’Action Française.

Charte de la laïcité, polémiques sur le voile ou l’abaya, fête de Hanoucca à l’Elysée, Comme l’a écrit Jean-Marie Mayeur, historien spécialiste de la IIIe République, « Peu de mots sont plus chargés de passion que celui de laïcité ».

Ce concept a deux sens très différents, pour ne pas dire opposés. Un sens traditionnel dérivé de la parole du Christ: « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » et celui donné à partir de la Révolution ou sous prétexte d’unité, tout a été donné à César et rien à Dieu. 

Ces deux conceptions de la laïcité sont incompatibles contrairement à ce qu’ont cru les partisans du Ralliement et du dernier Concile.

C’est cette histoire mouvementée ou les torts ne sont pas tous du même coté, loin de là, que raconte ce livre… 

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Autour de Jeanne d’Arc, réédition par « La délégation des siècles »

Autour de Jeanne d’Arc, réédition par « La délégation des siècles »

Réédition d'Autour de Jeanne d'Arc

Il faut s’imaginer l’état des forces morales de la nation en 1917 pour mesurer l’importance que peuvent avoir l’œuvre et la démarche d’un écrivain soucieux de leur porter secours. À cette date, en pleine guerre, chaque foyer français est privé d’un frère, d’un mari, d’un fils, tous mobilisés pour l’immense combat qui se joue pour la défense de la patrie. Nous connaissons la souffrance des Poilus, la rigueur de leur engagement, la dureté de leur quotidien et l’effroyable tension qui s’abat et dégrade leur énergie. Nous savons par exemple que beaucoup de ceux qui reviendront des tranchées n’en reviendront pas indemnes psychologiquement. Côté Poilus, c’est entendu : tout était terrible. Ce que l’on pense moins souvent à honorer de nos souvenirs, c’est la cruauté de l’épreuve imposée par la guerre aux épouses, aux parents, aux enfants restés dans les foyers. Ils vivaient dans la peur quotidienne de recevoir un jour le courrier qui leur annoncerait la mort du cher parent.

En 1917, Maurice Barrès convoque Jeanne d’Arc au chevet de la France

Alors les jeunes filles, les épouses, les familles, pour mieux s’associer à leur manière au combat mené là-bas par les hommes, avaient également besoin qu’on leur donne les nourritures morales et spirituelles indispensables pour soutenir une pareille épreuve. L’écrivain Maurice Barrès, très sensible aux puissances profondes, soucieux à la fois du sort des Poilus sur le front et de celui des épouses, a jugé nécessaire de convoquer, pour les renforcer tous d’un même mouvement, la figure précieuse, grandiose, historique, nationale et religieuse de Jeanne d’Arc. Il organise alors des rassemblements, des dépôts de gerbes, des discours, il aide à structurer les forces autour de Jeanne qui, cinq siècles plus tôt, a fait la démonstration que la France, dès qu’elle est défendue par l’ardeur de ses enfants, se sort forcément des situations qui paraissent insurmontables. Dans la presse, il multiplie les articles ; à la Chambre, il travaille à l’instauration d’une journée en souvenir de Jeanne d’Arc. Plusieurs fois, il se rend devant la statue de l’héroïne, entouré des jeunes filles de Paris, pour redire aux cœurs tristes qu’il ne faut pas l’être et pour prendre chez la grande Lorraine de l’énergie exemplaire pour la faire germer sur le sol déprimé d’une nation en guerre.

Une nation unie autour de ses héros

Dans Autour de Jeanne d’Arc, publié en 1917, il explique sa démarche, rappelle qu’une nation ne peut survivre que si elle rappelle à ses contemporains le souvenir grandiose de leurs ancêtres pour qu’ils s’en inspirent et reproduisent, à leur mesure, leurs exploits. Sans cet effort, le sol qui a besoin de la sueur des braves pour se cultiver sans cesse s’assèche et prend le risque de périr. Mais cet effort indispensable, l’écrivain le sait, ne peut être mené qu’à la condition d’être « énergisé » par des modèles, par des maîtres. En cette manière, Jeanne d’Arc apparaît comme la figure incontournable et incontestable. Le livre fournit aux lecteurs les méditations patriotiques de Maurice Barrès, écrivain à la fois intellectuel et sensible dont la plume, je le rappelle chaque fois, savait dire avec émotion des choses intelligentes et des choses intelligentes avec sensibilité. L’action de Barrès en 1917 a porté ses fruits en son temps ; et comme il a eu l’excellente idée de la consigner dans un livre, ce même livre aujourd’hui disponible peut également avoir un effet mobilisateur, réconfortant et inspirant pour le lecteur de 2023. Aux Français désolés de voir leur pays dans un état aussi déplorable, l’exemple de Jeanne d’Arc et la plume mobilisatrice de Maurice Barrès rappellent que ce n’est pas la première fois dans son histoire que la France prend des coups et qu’à chaque fois elle s’est relevée. Souvent, il ne faut pour amorcer ce relèvement qu’un homme, qu’une jeune femme, qu’un exemple, qu’une étincelle… !

Autour de Jeanne d’Arc : réédition de trois ouvrages majeurs de Barrès

L’ouvrage Autour de Jeanne d’Arc et autres textes réédité désormais agrège également deux autres écrits importants du grand écrivain, Les traits éternels de la France et La terre & les morts. Dans le premier texte, il prononce à leur sujet l’éloge que les officiers français et les soldats méritent qu’on leur adresse. Héritiers de traditions plusieurs fois centenaires, cœurs vaillants au feu, dignes représentants de la race des combattants, les officiers français, descendants de Bayard, largement sacrifiés pendant la Grande guerre, formaient alors une élite, presque une aristocratie du cœur et de l’attitude. Barrès leur rend un hommage d’autant plus mérité qu’ils paieront cher leur contribution à l’effort de guerre.

Enfin, La terre & les morts. Le 10 mars 1899, Maurice Barrès devait donner une conférence à La ligue de la patrie française sur le thème de l’enracinement, du patriotisme et du lien particulier qui unit les êtres à leurs ancêtres, lien qui les constitue en qualité de peuple. La conférence ne sera finalement pas donnée mais le texte a heureusement été conservé et il est intégré dans Autour de Jeanne d’Arc et autres textes, concentré barrésien pur jus que je m’honore de rééditer à La délégation des siècles.

Jonathan Sturel

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Recension : Drôle de voyage et autres romans de Pierre Drieu la Rochelle

Recension : Drôle de voyage et autres romans de Pierre Drieu la Rochelle

Après la consécration que connut Pierre Drieu la Rochelle en étant édité dans la prestigieuse collection  La Pléiade (“Romans, récits, nouvelles”) en 2012, voici que notre auteur maudit – mais peut-être pas tant ! – vient de se voir éditer par “Bouquins” ! Cette dernière édition comporte six romans, accompagnés de leur présentation, ainsi qu’un passionnant dictionnaire de Drieu la Rochelle, sorti tout droit de l’impressionnante érudition de ses trois éditeurs : Julien Hervier, Frédéric Saenen et Stéphane Guégan. Saluons ce beau travail d’édition qui nous permet de mieux approcher ce géant de la littérature moderne !
Ces six romans, publiés entre 1925 et 1944 offrent une belle image de cet écrivain qui fut, à l’instar de beaucoup d’autres, comme Céline, profondément marqué par la guerre et par les crises qui en découlèrent : crise sociale, crise morale, crise religieuse, crise esthétique. Plus que beaucoup d’autres, Drieu fut cet enfant de l’Entre-deux-guerres : sorti d’une boucherie innommable, il fut à la fois tenté par l’action politique et par la débauche des Années folles. Cette génération, en quête d’idéaux, se perdit dans l’Europe et dans le corsage des femmes. Ces six romans sont un magnifique témoignage de son temps.
Le premier, L’Homme couvert de femmes, nous semble bien illisible : “Un jeune homme, Gille, est invité à la campagne par une veuve assez libre, Finette. Il veut se lier avec elle, mais d’abord il joue avec ses amies ; ensuite il sent de la répugnance pour son entourage et les maximes qu’elle affecte. Il s’éloigne, mais il revient bientôt, après une débauche à Paris. Alors, comme elle lui fait des avances et qu’il songe à y répondre, il se montre médiocre et galant.”. Contrairement à bien d’autres romans de notre auteur, celui-ci nous semble le plus éloigné de nous, le plus difficile à appréhender pour celui qui n’est pas imprégné de cet esprit bourgeois exécrable. Nous ne rejetons ni le sujet lui-même, ni une certaine description crue des aventures de ce Gilles, mais plutôt le fait de voir l’Homme réduit à cette dimension de séducteur, cette dimension médiocre et oisive, cette réduction totale à la matière et au retour sur soi à travers l’autre. Drieu a le génie de nous faire plonger au fond d’une certaine misère humaine et il y arrive d’autant mieux que lui-même perce à travers ce personnage, Drieu se scrute, scrute ses propres misères dans ce roman. Gille cherche l’amour, il ne trouve que l’inassouvissement de ses besoins.
Le deuxième roman, Une femme à sa fenêtre, offre encore un beau portrait d’une femme de la bourgeoisie, l’auteur y combine l’exaltation de la passion et l’engagement politique. A travers un récit se déroulant en Grèce, nous pouvons voir la rencontre d’une bourgeoise oisive et rêveuse, mal aimée, et d’un militant communiste plein de force, prêt à mourir pour sa cause. Si ce roman demeure une critique de la bourgeoisie dans ce qu’elle est fondamentalement : un principe de mort, c’est-à-dire que sa veulerie, son manque d’énergie, son manque de force ne peut qu’entraîner la lente descente vers le néant, elle pose une autre question fondamentale : Est-ce que la femme, toujours imprégnée d’un puissant réalisme, ne peut aimer un homme que pour sa force et son prestige ?
Le troisième roman, Drôle de voyage, est le tableau d’une certaine faune parisienne qui se montre très libertine – nous retrouvons ici encore, les descriptions crues de l’Homme couvert de femmes. De même, il s’agit encore d’un récit bien autobiographique où la misère du personnage nous révèle la misère extrême dans laquelle pourra se trouver notre écrivain. Il s’agit de l’histoire d’un mariage manqué : “Décidément, j’aime plus l’amour que les amoureuses. Je suis plutôt fait pour Dieu que pour Beatrix. […] Beatrix, adieu, tant pis; l’entreprise de te changer serait trop longue, trop périlleuse, je glisserais dans ton argent.”. Tout le drame se trouve révélé dans ces quelques lignes du roman, cette génération rêve d’un idéal et, rêvant, s’abîme dans la non-réalisation de celui-ci ! J’aimerais l’amour, mais je n’ai que des amoureuses ! Je veux une grande aventure politique, mais là où il y a des Hommes, il y a des hommeries. Éloignée du socle du réel, la générosité devient poison.
Le quatrième roman, Beloukia, est un conte orientalisant qui se déroule dans une Bagdad imaginaire. Il s’agit d’une pure lettre d’amour aux charmes certains !
Le cinquième roman, L’Homme à cheval, est sûrement l’un des chefs-d’œuvre de Drieu ! Jaime Torrijo, lieutenant dans un régiment de cavalerie bolivien, se passionne pour la politique de son pays et rêve d’y faire renaître le sentiment de magnanimité qui fit jadis la grandeur de Bolivar. Brillant, doté de force et d’audace, adoré de ses hommes, aimé par les femmes, tout lui est possible. Par un coup de force, il renverse don Benito, le chef suprême de l’Etat, et s’installe dans son fauteuil. Désormais, il est le maître de la Bolivie. Mais la situation s’envenime. Troubles, complots, scandales, assassinats et révoltes agitent le pays, empêchant Jaime de réaliser son idéal politique. Il réprime la rébellion avec une sauvage énergie. Redevenu maître de la situation, il découvre alors que sa victoire est un pur néant et renonce au pouvoir. Il part explorer seul des régions mal connues puis décide de sacrifier à la manière des anciens indiens, son seul dieu, son cheval. L’homme à cheval est désormais à pied. Dans ce roman, Pierre Drieu la Rochelle donne dans l’épopée et le fait avec bonheur ! Certaines touches sonnent, certes, un peu décoloniales, mais l’énergie y est formidable. C’est une des richesses de notre auteur, celui-ci ne s’enferme pas dans les petits salons bourgeois, il sait également nous parler de grandeur, de guerre, de vitalité !
Enfin, le sixième roman, Les Chiens de paille, confronte un industriel gaulliste, un garagiste communiste, un médecin collaborateur, un patriote à la tête d’un chantier de la jeunesse et un trafiquant du marché noir. Ce roman, publié le 31 juillet 1944, met magnifiquement en scène les protagonistes de la guerre civile. Il décrit avec son réalisme et son cynisme habituels, les attitudes de ces Hommes capables des plus glorieux actes, mais plus souvent des plus basses vilenies… Les sombres époques dévoilent les âmes enfouies.
Homme écorché et tiraillé, Pierre Drieu la Rochelle se suicida et, de ce fait, nous priva de son talent. Il aurait pu devenir un de ces grands auteurs qui nous tirent de notre médiocrité en nous révélant tels que nous sommes : débiles et faibles. Sa plume crue et son style cynique sont autant d’armes qui écorchèrent vivement les mœurs bourgeoises de son temps, que n’aurait-il pas écrit à notre époque. “Nous étions des bêtes. Qui sentait et criait ? La bête qui est dans l’homme, la bête dont vit l’homme. La bête qui fait l’amour et la guerre et la révolution (La comédie de Charleroi).
Guillaume Staub
Pierre Drieu la Rochelle, Drôle de voyage et autres romans, Paris, Editions Bouquins, 2023, 1056 pages.
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Culture, entretien avec Monsieur l’abbé Grégoire Celier

Culture, entretien avec Monsieur l’abbé Grégoire Celier

Nous nous retrouvons aujourd’hui pour un entretien que Monsieur l’abbé Grégoire Celier a bien voulu nous accorder, à l’occasion de la sortie de son livre Le XIXe parallèle – Flâneries littéraires hors des sentiers battus, aux éditions Via Romana, et nous l’en remercions chaleureusement ! Nous vous invitons à vous procurer, au plus vite, cet ouvrage bien riche, qui nous permet de rencontrer, tantôt des figures bien connues, tantôt des personnages oubliés, qui appartiennent soit à ce que l’auteur appelle l’antilibéralisme catholique, soit au nationalisme. C’est un livre accessible, clair et, le plus important, qui nous projette hors des positionnements trop faciles, des idées toutes faites – que ce soit pour le camp du politiquement correct ou celui de nos milieux, trop souvent formatés et se laissant bercer par les facilités de l’idéologie. L’abbé Grégoire Celier nous bouscule, il nous interroge, et pour cela, qu’il en soit remercié ! Nous ne pourrons, malheureusement, nous arrêter sur chaque figure de ce livre, s’y trouvent représentés : Mgr Dupanloup, Maurice Barrès, Mgr Benigni, la Comtesse de Ségur, Louis-Ferdinand Céline, Louis Veuillot, Charles Maurras pour n’en citer que quelques-uns. Nous avons choisi de sélectionner trois figures : Louis-Ferdinand Céline l’inclassable, Charles Maurras et l’Action française, Melchior du Lac. Nous vous prévenons toutefois, en reprenant les termes (ironiques) de l’auteur, que cet entretien « n’est pas un “safe space”. Il comporte l’usage de mots inconvenants, choquants, crus, sans filtre, qui peuvent heurter les sensibilités, agresser certains esprits ; le lecteur risque d’en être blessé et meurtri » (p. 13-14). ,

AF : Monsieur l’abbé, avant de nous intéresser au fond de votre ouvrage à travers quelques figures, j’aimerais vous poser une question préliminaire. Pourquoi vous être lancé dans ces flâneries littéraires ? Est-ce seulement par goût ou également mû par un certain devoir ? Je m’explique. Les ecclésiastiques, et plus généralement les catholiques, ne se désintéressent-ils pas trop de la littérature et des arts profanes ? Des publications telle que la vôtre semblent bien rares.

Abbé Grégoire Celier : Il est évident, comme le rappelait le pape saint Pie X, qu’un ecclésiastique doit en priorité s’adonner aux sciences sacrées. C’est ce que je fais, car les livres (une quinzaine) que j’ai déjà publiés sont consacrés à la liturgie, à la philosophie thomiste, à la situation actuelle de l’Église. Mais il n’est pas interdit, il peut même être bon, si un ecclésiastique en a le temps et les dispositions, qu’il s’intéresse aussi aux réalités profanes. Rappelons que le fondateur de la génétique moderne, Mendel, était un ecclésiastique, tout comme l’était le chanoine Georges Lemaître, inventeur du concept du « Big Bang ». Ceci étant, mon dernier livre, celui dont nous parlons, qui traite d’histoire et de littérature, est consacré essentiellement à des figures catholiques, ou liées à l’Église (comme Maurras, pour lequel j’examine la condamnation papale de 1926). Seuls les deux derniers chapitres sont presque purement « laïcs ».

AF : Nous ne résistons pas à la tentation de commencer notre entretien par un chapitre qui me tient particulièrement à cœur, celui nommé « Une opinion sur Charles Maurras et le devoir d’être catholique », où effectivement, vous traitez de la condamnation de l’Action française par Pie XI en 1926. Cette question étant le principal sujet de nos études universitaires – que ce soit en théologie catholique ou en histoire -, nous ne pûmes qu’apprécier la manière dont vous l’abordâtes, c’est-à-dire avec des remarques pondérées, objectives et soigneusement pensées. La question est d’une réelle complexité, bien éloignée de toutes les caricatures, et mérite d’être approchée avec beaucoup de modestie et bien du courage ! D’autant que les implications doctrinales et les conséquences concrètes de celle-ci, semblent immenses et agitent encore de nos jours, le monde catholique et la vie politique. Il s’agit, j’ose le dire, d’une question nodale. Présentement, nous ne pouvons pas revenir ici sur tous les événements de cette condamnation, pour ce faire nous invitons nos lecteurs à lire votre ouvrage ainsi que la bibliographie indiquée dans celui-ci. J’aimerais que nous allions au cœur du sujet ! D’après vous, quelle fut la cause profonde de cette condamnation ? Fut-ce une condamnation politique recouverte d’excuses doctrinales ou peut-on discerner, objectivement, un fond doctrinal à cette condamnation, les événements historiques s’y greffant et obscurcissant l’affaire ?

Abbé Grégoire Celier : Il est difficile de déterminer exactement ce que voulait Pie XI, dans la mesure où il ne s’est jamais vraiment expliqué : dans cette affaire, il manque, une encyclique doctrinale. Je ne puis donc donner qu’une opinion personnelle, appuyée sur une étude attentive du dossier. Au départ, me semble-t-il, il y a l’Action française et l’Action catholique. Je m’explique. Pie XI est préoccupé du fait qu’un groupe politique, l’Action française, de surcroît dirigé par un agnostique déclaré, Charles Maurras, draine la plus grande partie des militants catholiques, et attire les intellectuels et les jeunes. Or, Pie XI possède en réserve une solution : l’Action catholique. D’après lui, si tous ceux qui adhèrent à l’Action française rejoignaient l’Action catholique, la situation religieuse et politique de la France changerait du tout au tout.

Ensuite, Pie XI voit dans l’Action française, comme dans tous les partis politiques français de l’époque, une anomalie grave : il ne s’agit pas d’un mouvement catholique sur le plan politique (même si ses membres sont en majorité d’ardents catholiques). Or, n’oublions pas que Pie XI est le pape qui a institué la fête du Christ-Roi, contre « la peste du laïcisme », ainsi qu’il l’écrit. Une action politique qui n’a pas pour but ultime le règne du Christ-Roi, lui semble inconcevable pour un catholique.

Se greffe sur ce fond proprement doctrinal et ecclésiastique une question de politique européenne. Le Saint-Siège veut tout faire pour éviter le retour de la guerre en Europe, il lui semble que les efforts en faveur de la paix, déployés par Briand en France et Stresemann en Allemagne (accords de Locarno en 1925) sont très prometteurs. Or l’Action française combat ardemment ce rapprochement franco-allemand, qui lui semble utopiste et très dangereux pour la sécurité de la France. Contrairement aux affirmations de l’Action française de l’époque, je ne crois pas que cet arrière-fond politique soit la cause déterminante de la condamnation, mais il a certainement pesé dans la balance, quand Pie XI a décidé d’engager le fer.

Après, il y a eu le raidissement et la maladresse de Pie XI, le raidissement et la maladresse de l’Action française (reconnus par Maurras lui-même, des années après), des polémiques qui mettaient de l’huile sur le feu (de part et d’autre), des sanctions démesurées, etc. Ce fut un drame terrible et souvent injuste.

AF : Je vous avouerai, in fine, que votre analyse nous semble la bonne et c’est précisément là que réside le drame ! J’aimerais que nous allions plus loin ensemble et que vous répondiez, si vous le voulez bien, à une question épineuse qui ne cesse de nous agiter. Dans le cadre des nations modernes, peut-on encore tenir une position entièrement catholique ? Je m’explique. Nous nous trouvons dans un cadre politique que l’on nomme nation – je ne parle même pas de démocratie ou de République, j’évoque simplement le plus fondamental dénominateur commun, notre pays. Quand celui-ci est attaqué de toutes parts, quand les assauts se font incessants, ne faut-il pas s’unir pour le défendre, partant du principe qu’il s’agit d’une entité bonne et bénéfique pour son peuple ? Or, notre pays est profondément déchristianisé et un parti catholique, seul, semble incapable de le défendre. Dans ce cas, ne faut-il pas créer un mouvement laïc au sein duquel catholiques et non-catholiques pourraient  agir ensemble,  avec un objectif commun respectant les finalités propres des deux composantes ? Car il semble que demander à un non-catholique, c’est-à-dire une personne n’ayant pas encore accompli une démarche de foi, de se battre dans un mouvement catholique, serait une contradiction. Elle  peut, certes, se battre pour la liberté de l’Église en tant qu’institution, bonne pour le pays, mais non comme un soldat interne de l’institution,  se trouvant hors de celle-ci. Pardonnez-moi cette assertion osée, mais la position de Pie XI n’est-elle pas seulement une position de chrétienté ? N’est-ce pas une impasse dans laquelle les chrétiens s’engouffrèrent et qui les perdit ? Devrions-nous, en 2022, en tant que catholiques, refuser tout engagement politique, laïc ? J’aimerais que vous nous exposiez ce que vous pensez être la position catholique la plus classique et la plus traditionnelle.

Abbé Grégoire Celier : La question que vous posez manifeste précisément tout l’intérêt politique à revenir sur la condamnation de l’Action française : il ne s’agit pas des cendres du passé, mais bien d’une question brûlante de notre époque. Dans quelles conditions des catholiques peuvent-ils intervenir politiquement, en une société multireligieuse et multiculturelle ? La situation a encore beaucoup évolué depuis 1926, puisque la majorité des Français ne sont plus baptisés, et que seulement 5% vont à la messe le dimanche.

La difficulté est la suivante : Il est évident que dans un système électoral où il faut rassembler une majorité, les catholiques, qui ne sont plus qu’une minorité, ne peuvent agir seuls, et doivent donc s’unir à d’autres. Il est évident aussi que si les catholiques n’ont pas leurs propres structures politiques, pour poursuivre leur but spécifique (disons le règne du Christ-Roi, comme objectif final), ils n’auront aucun poids politique, et seront noyés dans la masse, donc sans influence. Toute la question est de savoir comment articuler ces deux nécessités. Sur le plan théorique, on peut évidemment envisager un cartel électoral. Sur le plan pratique, c’est beaucoup plus compliqué : Avec qui s’allier ? Sur quel point de doctrine ne pas transiger, sur quel autre faire des concessions, pour avoir une chance de gagner ? Peut-on, dans le monde où nous vivons, affirmer clairement (dans des structures franchement catholiques) que l’on veut le règne du Christ-Roi, sans empêcher absolument l’établissement d’un cartel électoral ?

Ce sont des questions difficiles, pour lesquelles je n’ai pas vraiment de réponse. Mais si, en tant qu’écrivain, j’ai contribué à ce que des personnes engagées en politique se les posent, je pense avoir atteint mon but, et j’en suis très heureux.

AF : Selon vous, en tant que catholiques, comment devons-nous nous situer par rapport à  Charles Maurras dans le domaine des idées politiques ? Son œuvre est-elle toujours d’actualité, Est-elle toujours bénéfique pour la construction de la Cité ?

Abbé Grégoire Celier : Charles Maurras est un écrivain politique. Il s’est intéressé à certaines questions, même s’il en a négligé d’autres (l’aspect économique, par exemple, lui échappe presque complètement). Il reste, à mon sens, tout à fait important pour nous aider à réfléchir sur la philosophie et la pratique politiques. Il a pointé du doigt, tout d’abord, l’existence d’une véritable science politique, qui permet d’atteindre des résultats certains et pérennes, au lieu de se contenter de suivre des impressions, voire des passions. Il a, évidemment, beaucoup réfléchi sur la question des institutions, sur leur valeur comparée, sur leur efficacité, sur leur pérennité. Le général de Gaulle, en instituant la « monarchie républicaine » de la Cinquième République, a démontré que sa lecture de Maurras ne lui avait pas été inutile.

Il a réfléchi sur la politique étrangère de la France (Kiel et Tanger) et, là aussi, le positionnement « hors des deux blocs » du Général n’est pas sans rappeler le slogan « La France seule » de l’Action française, durant la Seconde Guerre mondiale. On pourrait encore continuer longuement, en soulignant tout ce que l’œuvre de Maurras peut apporter à la réflexion politique contemporaine.

Action française : A présent, j’aimerais que nous nous arrêtions sur la figure de Melchior du Lac, et ce 77 afin de faire nôtre votre volonté : « Il serait juste de rendre hommage à ce pionnier et de tirer son nom d’un oubli immérité » (p. 155). En effet, je pense que ce nom n’est guère connu de nos lecteurs, pouvez-vous brièvement nous le présenter ?

Abbé Grégoire Celier : Melchior du Lac fut le principal rédacteur du journal catholique L’Univers, jusqu’à ce que Louis Veuillot, qui avait rejoint le journal en 1839, n’en devienne rédacteur en chef, en 1844. Par ses qualités intellectuelles et morales, par son habileté dans les relations sociales, par sa patience et sa persévérance, par son désintéressement, par son intégrité, il est le modèle du journaliste catholique travaillant dans un journal pauvre et décrié par les adversaires de l’Église. Il consacra, en effet, presque quarante ans de sa vie à L’Univers, contribuant à faire de ce journal le grand quotidien catholique, jusqu’à ce que La Croix, à partir de 1883, ne contribue à l’éclipser. Il est, pour moi, qui suis journaliste dans la presse religieuse depuis trente ans, un exemple, un modèle et une source d’inspiration, comme il le fut pour Louis Veuillot, qui le considérait comme son maître.

AF : A cette époque existaient des liens très forts entre le parti légitimiste et la cause catholique, situation qui nous semble aujourd’hui bien étrangère et, pour beaucoup, incompréhensible. Pouvez-vous nous dire ce qu’avait d’audacieuse la position de Melchior du Lac, position que vous nommez, celle de « L’Église seule » ? Pensez-vous que celle-ci se soit ensuite pleinement imposée ou souffre-t-elle encore de quelques manques – manques qui ne seraient pas nécessairement du même bord politique ?

Abbé Grégoire Celier : Pour comprendre la position de Melchior du Lac, il faut partir de la situation d’avant la Révolution. A part quelques intellectuels isolés et très discrets, tout le monde est alors unanimement et spontanément royaliste… parce que cela est évident, après plus de mille ans de monarchie. Les vingt-cinq ans qui vont s’écouler entre le début de la Révolution et la Restauration, vont complètement bouleverser la donne. Quand Louis XVIII monte sur le trône, il y a des royalistes légitimistes, des royalistes orléanistes, des royalistes survivantistes, des impérialistes, des républicains de diverses nuances et tendances, et beaucoup de « riendutoutistes », des personnes désabusées de tous les régimes qui se sont succédé si rapidement.

Une partie des légitimistes est franchement catholique, beaucoup étant revenus à la foi en raison des malheurs qui les ont frappés. Ou, à l’inverse, peut-on dire, une partie des catholiques est légitimiste. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas intégré l’évolution qui s’est produite : ils réagissent comme si le fait d’être légitimiste était aussi évident et naturel que celui d’être royaliste sous l’Ancien Régime. Ce qui ne manque pas de poser problème, dans la mesure où les catholiques, pour une bonne partie d’entre eux, ne sont plus réellement légitimistes.

L’option de Melchior du Lac, qui lui vient en fait de l’école mennaisienne, est de détacher complètement l’Église, la vie chrétienne, d’un choix politique défini. L’Univers sera ainsi un journal franchement catholique, qui accueillera dans ses rangs des légitimistes, des orléanistes, des impérialistes, des républicains, des indifférents. Et c’est l’option qui, en fait, a été retenue par l’Église elle-même : alors que Pie VI, au temps de la Révolution, n’hésitait pas à dire que la monarchie est le meilleur des régimes, ses successeurs vont se garder de prendre parti entre les diverses et honnêtes options politiques.

Ce positionnement de l’Église est tout à fait sage, prudent, adéquat, en cette époque postrévolutionnaire. Son inconvénient sur le long terme, je le signale en passant, est de favoriser l’indifférentisme politique : tous les régimes politiques seraient équivalents, pourvu qu’ils soient dirigés par des gens honnêtes. Mais ce n’est pas vrai, certains régimes sont meilleurs, politiquement que d’autres, et sur ce point il est clair que Charles Maurras, a attiré notre attention et suscité notre réflexion.

AF : Actualité oblige – mais pas seulement ! -, j’aimerais que nous nous arrêtions maintenant sur la figure de Louis-Ferdinand Céline dont le chapitre, avec celui sur Maurice Barrès, fut spécialement écrit pour ce volume. Pourquoi avoir voulu traiter de cet auteur qui ne semble pas pouvoir être qualifié ni de catholique antilibéral, ni de nationaliste ?

Abbé Grégoire Celier : Céline n’était certes pas catholique, c’est un euphémisme de le dire. Il n’est nullement nationaliste dans ses romans, c’est pourquoi il a pu être pris, pour un auteur de gauche. Mais par ses quatre pamphlets, puis par diverses activités politiques subséquentes, il a été reconnu comme participant (à sa façon, très originale, évidemment) au courant nationaliste, avec un côté plutôt « racial ». Même s’il est moins directement au cœur de ma visée historique (antilibéralisme catholique et nationalisme français), il s’en rapproche néanmoins .

AF : Vous nous rappelez à plusieurs reprises que votre critique de Céline est une critique littéraire – c’est-à-dire ni historique, ni morale -, nous aimerions aller au-delà pour vous demander : pourquoi lire Céline ? Autrement dit, qu’apporte-t-il à l’Homme qui s’y plonge ou à la Cité qui l’étudie ? N’est-ce qu’un apport littéraire – et dans ce cas quel apport ? – ou nous apporte-t-il bien plus ? Peut-être une solution à l’embourgeoisement de nos mœurs et de nos pensées, peut-être une certaine vitalité ? Nous avançons ces quelques éléments, car ils pourraient rejoindre votre conclusion, c’est-à-dire que l’aura particulière de Louis-Ferdinand Céline est sans aucun doute liée à l’existence de ses pamphlets, qui l’empêchent de devenir un « classique ».

Abbé Grégoire Celier : Mon intérêt pour Céline se justifie d’abord parce qu’il est un auteur majeur de la littérature française du XXe siècle, peut-être le plus important, disons au moins l’un des cinq premiers. C’est comme l’Arc de Triomphe, le Sacré-Cœur ou la Tour Eiffel : on peut ne guère les apprécier esthétiquement, mais il est impossible de nier qu’ils font partie des monuments majeurs de Paris.

Ensuite, par sa noirceur, son pessimisme et son humour, Céline projette sur la modernité une lumière très crue, il la déshabille, en quelque sorte, il lui arrache ses oripeaux, il la met à nu. Ce n’est pas une lumière catholique, mais à partir du résultat clinique, de cette sorte d’autopsie brutale (n’oublions pas que Céline était médecin), on peut projeter sur la modernité une lumière catholique débarrassée des faux-semblants et des illusions. Sans recommander à qui que ce soit de lire du Céline, car ses ouvrages sont, à de multiples égards, plutôt effrayants, je dois reconnaître qu’ils m’ont aidé personnellement à faire le point, à me détacher des mirages de la modernité, et finalement, à avoir la pleine liberté de la considérer d’un point de vue catholique, au demeurant essentiel.

Après, je dois confesser humblement que j’aime son style et son humour noir : Mea culpa !, comme disait Céline lui-même (c’est le titre de son premier pamphlet, contre l’Union Soviétique).

AF : Un dernier mot sur notre auteur, quelle fut votre réaction en apprenant la sortie des manuscrits disparus, la longue introduction D’un château l’autre ne prend-t-elle pas un tout autre aspect ? Qu’en attendez-vous ?

Abbé Grégoire Celier : Je suis un lecteur attentif et intéressé de Louis-Ferdinand Céline, mais je ne suis pas un maniaque de son œuvre. Ce qui vient d’être découvert, conformément d’ailleurs aux affirmations de Céline à la fin de sa vie (lui qui fut un grand affabulateur, ne mentait nullement sur ce point), jette un éclairage très intéressant sur toute la partie déjà connue de son œuvre, et certainement, je m’y plongerai lorsque le temps sera venu. Ceci étant, ces manuscrits n’ont pas été publiés par l’auteur, sans aucun doute parce qu’il ne les considérait pas comme complètement aboutis. Or c’est l’œuvre publiée par un auteur qui est première et normative, les inédits (donc les manuscrits récemment découverts) devant être lus et appréciés à la lumière de l’œuvre publiée.

AF : In fine, nous aimerions vous donner plus librement la parole en vous demandant : parmi les figures présentes dans votre ouvrage, y en a-t-il une qui, selon vous, mériterait d’être particulièrement redécouverte, soit parce qu’elle vous a beaucoup apporté personnellement, soit parce qu’elle est malheureusement inconnue ou injustement méconnue ?

Abbé Grégoire Celier : Si l’on parcourt le livre avec un peu d’attention, on voit facilement la place qu’occupe Louis Veuillot. Deux chapitres lui sont directement consacrés, tandis qu’il trône au centre des chapitres consacrés à la Comtesse de Ségur et à Melchior du Lac, enfin, il est présent en filigrane dans ceux consacrés à Mgr Dupanloup, à dom Guéranger et au père Vincent de Paul Bailly. Veuillot, dont j’ai lu avec passion les quarante gros volumes des Œuvres complètes, est un de mes grands héros, et une source permanente d’inspiration. J’admire son dévouement sans faille à l’Église, son intégrité de journaliste catholique, la qualité de son style littéraire, son esprit enfin et son à-propos.

Après, bien sûr, il faut placer Drumont (« sans les Juifs »), qui est celui qui m’a ouvert de nombreuses portes intellectuelles et sans lequel ce livre n’aurait jamais été écrit. Or, puisque vous vous référez à Maurras, il faut se souvenir de ce que celui-ci écrivait à la mort de Drumont : « La formule nationaliste est ainsi née, presque toute entière de lui, Daudet, Barrès, nous tous, avons commencé notre voyage à sa lumière ».

AF : Nous vous remercions encore d’avoir bien voulu répondre à nos questions et espérons que votre livre soit une source à laquelle viendront, s’abreuver de nombreux Français, et plus particulièrement notre jeunesse !

Propos recueillis par Guillaume Staub

Grégoire Celier, Le XIXe parallèle – Flâneries historiques et littéraires, hors des sentiers battus, Via Romana, 2022, 348 pages, 24 euros.

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Livre événement : Précis d’histoire de l’Action  Française

Livre événement : Précis d’histoire de l’Action Française

Que recouvre l’appellation fameuse d’ “Action Française” ? Un mouvement politique, un journal, une pensée, une méthode, des combats, des polémiques, des hommes – d’abord Charles Maurras – qui ont profondément marqué la vie intellectuelle, politique et même religieuse de la première moitié du XXe siècle français… De nombreux écrivains, philosophes et hommes politiques ont fréquenté “l’école d’Action Française” ou ont, du moins, été influencés par “le Maître de Martigues”.
Voici enfin un livre qui offre une présentation – résumée mais complète – de l’Action Française et de son célèbre penseur, qu’on évoque encore souvent, à droite et à gauche, sans toujours savoir de quoi il retourne exactement. Par la même occasion, l’auteur propose une défense pied à pied de la doctrine et des combats de l’Action française face aux accusations diverses dont ils ont pu faire l’objet.
Gérard Bedel, membre du Comité Directeur de l’Action Française propose ici un ouvrage précieux pour quiconque désire posséder une culture politique élémentaire et connaître un point de vue “d’AF”.

 Vous pouvez commander l’ouvrage au prix de 22 euros en écrivant à notre secrétariat : contact@lactionfrancaise.fr

Introduction

Il n’y a aucune possibilité de restauration de la chose publique sans une doctrine

Barrès, Journal, 30 octobre 1899

Mon royalisme vient de mon patriotisme

Berryer

Pour le cent cinquantième anniversaire de sa naissance, Charles Maurras figurait dans le Livre des commémorations nationales publié à la fin de 2017 avec un avant-propos du ministre de la Culture. Cette publication provoqua les hurlements des chiens de garde de la Pensée unique, la presse aux ordres emboîta le pas, le ministère se coucha et l’ouvrage fut retiré de la vente. Le nom de Maurras doit disparaître du monde contemporain comme celui du poète Heine sous le IIIe Reich[1]. Tant il est vrai que l’idéologie salit tout dans les régimes totalitaires et obscurcit les esprits.

Et pourtant des ouvrages consacrés à Maurras ou à Bainville paraissent, les éditions Robert Laffont, par exemple, ont publié L’Avenir de l’intelligence et autres textes[2].

Mais on est étonné de voir comment l’Action française est souvent traitée par ceux qui se réclament d’elle. Il semble qu’on a honte de l’attitude du mouvement dans l’Affaire Dreyfus, honte du soutien qu’il apporta au maréchal Pétain dans la plus grande épreuve que subit la France à cause de l’incurie de la République. Une « Action française » dreyfusarde et gaulliste ? Ce paradoxe est devenu réalité après mai 68.

Dans l’Action française « revisitée », pour utiliser un terme à la mode, Pierre Boutang, qui quitta le mouvement, semble au moins aussi important que Charles Maurras, Jacques Bainville est présenté comme un professeur de Sciences-Po et Léon Daudet poussé vers la porte de service. Boutang, prestigieux professeur de philosophie, plus métaphysicien que politique, adopta une attitude ambigüe face au gaullisme, entre sympathie et rejet. On constatera aussi que dans les études postérieures à 1968, la Nouvelle Action française et tout ce qui en est sorti semble plus important que la Restauration nationale et Aspects de la France. On sent aussi une résignation à une monarchie constitutionnelle, une Ve République couronnée, rêve de certains bourgeois gaullistes dits « de droite ».

Pourquoi une nouvelle histoire de l’Action française ? On peut lire dans l’histoire du mouvement de François Huguenin les propos suivants qui laissent perplexe : « Incohérente politiquement, la position de Maurras est explicable psychologiquement. »[3] Et le livre, plein de faits et de références intéressants, est truffé de ces petites piques qui amènent à se demander si on ne perd pas son temps quand on s’occupe de l’Action française ! Alors, comme les histoires classiques du mouvement ne sont pas rééditées et semblent le plus souvent passées sous silence parce qu’elles n’entrent pas dans le moule universitaire, j’ai pensé que le moment était venu pour une nouvelle histoire libre du mouvement royaliste, libre des condamnations a priori, des réticences et des silences qui ouvrent les portes officielles de l’empyrée démocratique.

Je suis d’Action française, politiquement et intellectuellement. Je suis d’autant plus attaché à ce mouvement qu’il est dénigré par beaucoup de ceux qui s’en réclament et voudraient tout changer en gardant le nom. Il existe cependant des tendances, encore modestes mais sûres, qui permettent d’espérer un renouveau.

Certains voudraient sauver Maurras écrivain, poète et philosophe, le faire accepter en sacrifiant l’homme politique, mais, je l’ai montré dans plusieurs études, s’il a pu montrer l’opposition entre le politique et le poète chez Anatole France, un tel distinguo est impossible chez lui : « Notre nationalisme commença par être esthétique ».

Je propose un Précis d’Action française.

Il est possible, en prenant son temps, d’accumuler des fiches pour rédiger un ouvrage de mille pages ou plus dans lequel les détails étouffent les vues générales comme c’est le cas dans la biographie à l’américaine. J’ai voulu, au contraire, en écartant toute érudition, montrer l’essentiel, les grandes idées, les grands thèmes, la méthode et l’esprit de la méthode, exposer les grandes campagnes d’un mouvement politique qui n’eut qu’un but, l’intérêt de la France, guidé par des chefs qui furent des hommes comme on n’en rencontre pas dans chaque siècle de l’Histoire. Il s’agit cependant d’éviter l’hagiographie. J’aurais pu consacrer un chapitre aux faiblesses du mouvement ; d’autres se sont chargés de le faire, et avec un tel zèle qu’il est superflu que je vienne porter ma pierre à l’édifice du dénigrement.

Ceci est un livre d’espoir, le livre d’une histoire qui espère ouvrir sur un avenir, celui de la France.

Gérard Bedel, membre du Comité Directeur de l’Action Française

 

 

[1] Heine était juif. Ses poèmes les plus célèbres furent attribués à un poète inconnu.

[2] Charles Maurras, L’Avenir de l’intelligence et autres textes, Préface de Jean-Christophe Buisson, Edition établie et présentée par Martin Motte, Bouquins, Robert Laffont, 2018.

[3] Il s’agit de l’attitude de Maurras et de l’AF pendant la seconde guerre mondiale. Edition Perrin, collection Tempus, 2011.

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Transhumanisme : changer la nature de l’Homme par Jean-Pierre Dickès

Transhumanisme : changer la nature de l’Homme par Jean-Pierre Dickès

Lecture

Dépassant la nature humaine ils prétendent mener l’Homme à l’immortalité.

Le Dr Jean-Pierre Dickès réfléchit depuis plus de 20 ans aux questions relatives au transhumanisme. Il inaugure aujourd’hui le premier d’une série d’articles consacrés à cette thématique. La destruction des nations passe par la dé-civilisation et par la volonté de changer l’Homme.

 

Episode 1
Transhumanisme : changer la nature de l’Homme

Le transhumanisme paraissait il y a une quinzaine d’années comme une forme d’exaltation de la science dopée par l’émergence des progrès en micro-informatique. Il semblait ouvrir une porte sur un univers nouveau et fabuleux assez bien concrétisé par les smartphones qui permettaient de rester en contact avec sa famille, ses amis de l’autre bout du monde, et faire face à toutes les demandes et situations; il se disait aussi que chacun pouvait avoir accès immédiatement à une connaissance universelle: on trouvait tout sur Google en matière d’information et de besoins commerciaux. Un saut qualitatif s’était produit sur le plan mondial.
Peu de gens se souciaient des conséquences qu’un tel progrès pouvait avoir sur l’Homme lui-même. La science s’emballait; mais dans quel sens ?
Pourtant la réponse était sous notre nez dans le mot lui-même. Quand nous parlons de transport, nous désignons le changement de port, de destination. Le transgenre est celui qui change de sexe. Le transhumanisme vise tout simplement à nous changer d’humanité: il s’agit bien de créer un homme nouveau dont les contours restent encore flous.
Il y a douze ans, j’écrivais avec ma fille un ouvrage intitulé L’Homme Artificiel. La couverture représentait un couloir impersonnel. Au premier plan entre deux plaques de béton émergeait une fleur. Au fond du couloir une forme menaçante pouvant être un humain, un robot, ou plus vraisemblablement un hybride mélange d’organisme humain et de machine. Son ombre se dirigeait vers la fleur.
Dans quel but ? Il y avait là une sorte de défi. La fleur représentait la nature, l’ordre naturel. L’être inquiétant qui s’approchait semblait vouloir la détruire: il ne resterait plus alors qu’un univers morne, sans âme et sans espoir. Le peintre ami qui avait réalisé cette œuvre picturale il y a 20 ans avait été un visionnaire.
Le symbole est très fort. L’Homme mécanisé allait détruire l’œuvre de Dieu en transformant les créatures et en créant un monde nouveau. Cette créature pouvait tout-à-fait être un homme-robot, une sorte de cyborg ; mais aussi un robot dans lequel une intelligence humaine serait introduite. Homme-robot ou robot-Homme ? Le cinéma dans Metropolis de Fritz Lang (1927) est la première œuvre de science-fiction. De même le modèle type de Frankenstein avec Boris Karloff est de 1935: le roman de Mary Shelley dont il est issu est de 1818. Le titre exact en est Frankenstein ou le Prométhée moderne. Le Professeur Henry Frankenstein est un savant qui se prend pour Dieu et veut créer un homme. Prométhée est un démiurge qui en volant le feu des Dieux, atteindra leur puissance.
Nous sommes exactement dans cette perspective avec le transhumanisme. C’est le God syndrome: des scientifiques se prennent pour Dieu en voulant changer la nature humaine. Nous sommes alors sur le plan de l’idéologie qui fait fi des réalités liées à la nature. Nous connaissons les ravages causés par les idéologies. La révolution dite française, le marxisme, le nazisme, le système de Pol Pot sont des idéologies destructrices des sociétés: elles se terminent dans le sang et dans l’horreur. Toutes prétendaient créer un homme nouveau. Or le transhumanisme né dans la Silicone Valley se veut messianique. Dépassant la nature humaine il prétend mener l’Homme à l’immortalité.
Le mot de « transhumanisme » aurait été inventé par l’occultiste Julian Huxley, frère d’Aldous Huxley, auteur du fameux ouvrage Le meilleur des Mondes. Le courant intellectuel se revendiquant de cette idéologie, a pris corps en récupérant ce mot vers 1980. Le transhumanisme s’est développé dans la Silicone Valley. Et beaucoup de chercheurs s’y réfèrent. Le plus représentatif d’entre eux est sans doute Raymond Kurzweil qui dirige actuellement le comité scientifique de Google. Cette entreprise est le holding le plus grand et le plus puissant au monde ; il a racheté la quasi-totalité des entreprises de robotique et une partie importante de la micro-informatique. Tout cela va être rassemblé sous le vocable bien anodin de Alphabet.
Mais dans l’idée de ses promoteurs, il en est bien différemment. Le verbe anglais to bet signifie parier. Google nous fait le pari qu’il sera l’alpha, le début d’une nouvelle humanité qui émergera vers 2029…(à suivre).

Jean-Pierre Dickès

couverture_transhumanisme
Broché: 304 pages
Editeur : Editions de Paris (1 avril 2006)

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