Nous nous retrouvons pour un entretien avec l’abbé Claude Barthe, à l’occasion de la publication de son livre « La tentation de ralliement. Être catholique en démocratie » aux éditions de l’Homme Nouveau. Il va sans dire que l’annonce de cette parution nous réjouit particulièrement et cela pour une raison bien précise :  nous constatons, depuis de nombreuses années, que le clergé catholique a cessé de s’intéresser aux questions politiques fondamentales. Rares sont les critiques qui portent sur les nouvelles propositions de loi ou les cadres institutionnels, dans lesquels celles-ci sont prises ! C’est ici que l’auteur se démarque, en critiquant précisément ce qui était laissé de côté. Cette critique qu’établit l’abbé Barthe est, certes, une critique catholique, mais les réflexions menées peuvent intéresser également ceux qui se trouvent hors de l’Église. Voici un autre mérite de ce livre : en peu de pages, l’auteur parvient à saisir le cœur du problème auquel se heurte la conscience catholique et à nous l’exposer le plus clairement possible. Qu’il en soit sincèrement remercié, nous espérons que cette réflexion inspirera de nombreux catholiques.

Action Française : Monsieur l’abbé, nous vous remercions d’avoir bien voulu nous accorder cet entretien. Nous aimerions, premièrement et en guise de préambule, que vous éclaircissiez un point : quel regard porte traditionnellement, l’Église, sur la démocratie comme système politique « neutre » ? Ceci étant précisé, de quelle démocratie traitez-vous dans cet ouvrage ? Est-ce une forme de démocratie particulière, quels en sont ses éléments constitutifs ? En effet, vous écrivez dans votre livre : « Elle montre aussi le caractère hasardeux des déclarations ecclésiastiques contemporaines sur le « système démocratique ». Elles supposent en effet que ce système est en soi neutre, en le ramenant à l’une des formes possibles de gouvernement des sociétés politiques naturelles : monarchie, aristocratie, démocratie, régimes mixtes ; de ce fait, elles font abstraction de l’essence contre-nature et areligieuse, du régime considéré, celui de la démocratie moderne » (p. 64).

 

Abbé Claude Barthe : Vous allez tout de suite au cœur du sujet. Jean Madiran, dans Les Deux Démocraties (Nouvelles Éditions latines, 1977), soulignait que la source de la confusion – volontaire ou pas – de ceux qui veulent « baptiser » la démocratie moderne, celle née de la Révolution, résidait dans le fait qu’ils l’assimilent à la démocratie « traditionnelle », celle d’Athènes ou des cantons suisses de jadis. Cette dernière est une forme de gouvernement parmi d’autres. On peut, et on doit discuter de son adéquation ou de son inadéquation avec tel peuple déterminé, mais elle peut en soi, permettre la recherche du bien commun de la Cité. En revanche, la démocratie de Rousseau, qui veut que le pouvoir souverain émane de l’ensemble des citoyens et que la loi soit l’expression de la volonté générale – deux principes gravés dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 -, va contre la nature de la société des hommes, dans laquelle le pouvoir, même s’il est exercé par le peuple, émane de Dieu, et dans laquelle la loi humaine se raccorde à la loi naturelle, inscrite par Dieu dans le cœur des hommes. Par le fait, si une nation est baptisée, ce décrochement se fait aussi par rapport à la Religion, dont le Prince ou les magistrats sont les défenseurs-nés (cf. le serment du sacre des rois de France).

AF : Ceci étant dit, nous aimerions vous poser une seconde question préliminaire. Vous écrivez : « User du monde comme n’en usant pas : vivant au sein d’un monde mauvais, il faut en sortir au moins moralement, en s’élevant contre lui, en se préparant effectivement à le remplacer. ». En quoi ce monde est-il mauvais ? En quoi les systèmes institutionnels, issus de la Révolution française sont-ils mauvais ?

Abbé Claude Barthe : Dans la mesure où l’élaboration de la loi humaine ignore par principe, la transcendance de la loi divine, totalement ou partiellement ; aussi longtemps que l’état de l’opinion reste influencé par le catholicisme, elle devient ce que Jean-Paul II qualifiait de « structure de péché ». Il parlait de la loi mauvaise, mais ce n’est pas seulement la loi démocratique qui est source de péché (elle peut d’ailleurs parfois être bonne, accidentellement pourrait-on dire), c’est le principe même, qui veut que la loi, émanant de la « volonté générale », cherche à s’accorder aux désirs des individus, qui est vicié. La subversion de la loi naturelle ne se réduit certes pas à celle de la morale familiale : ainsi le seul fait que la société soit laïque, c’est-à-dire athée est déjà contre-nature ; le Prince ou les magistrats ont, comme le père de famille, en tant que chef de famille, des devoirs religieux. Il ne faut cependant jamais oublier qu’une des grandes « conquêtes » de la Révolution va contre la structure familiale : la loi sur le divorce. La destruction de la société familiale est un marqueur de déstabilisation révolutionnaire. Aujourd’hui, avec l’accélération de la transformation individualiste d’une société de plus en plus sécularisée, l’envahissement d’un marché mondialisé, l’auto-asservissement idéologique des individus « libérés », la subversion du droit naturel est devenue maximale : sous nos yeux, de législature en législature, la « volonté générale » de Rousseau et de l’Encyclopédie, se traduit par une suite d’« avancées » libérales, qui sont en fait des compromis entre les désirs divers et parfois opposés, des individus.

AF : Voici donc devant nos yeux la nouvelle Cité qui s’est érigée après la Révolution française et qui s’est donné des institutions déterminées, une Cité diamétralement opposée à la Cité chrétienne. Pouvez-vous maintenant nous préciser ce que vous entendez par ralliement et nous donner les grands moments historiques de ce mouvement ? Nous connaissons tous celui de Léon XIII, le plus célèbre, mais certaines formes de ralliement n’existèrent-elles pas avant et après celui-ci ?

Abbé Claude Barthe : Entre ces deux bouleversements majeurs que furent la Révolution française pour la société et le Concile Vatican II pour l’Église, dans un espace de près de deux siècles, cette dernière a fonctionné sur deux registres. Son magistère pontifical a été sans discontinuité anti-libéral, condamnant les principes idéologiques de la société moderne, dont la principale forme, comme n’a cessé de le répéter Bernanos, est politique. De Pie V, condamnant la Constitution civile du Clergé, à Pie XII, rappelant les droits de la vérité dans la loi, Pie IX, Pie X, Léon XIII (Immortale Dei, sur la constitution chrétienne des États), Pie XI (Quas primas, sur le Christ-Roi).

Mais dans le même temps, la diplomatie des hommes d’Église – je prends ce terme dans un sens très large de négociation entre l’Église et la société – a cherché, dans l’intention de donner une place publique au culte chrétien, à l’enseignement catholique, etc., des accommodements semi-idéologiques avec les régimes issus de la Révolution. On peut discuter des avantages et inconvénients du Concordat signé avec Bonaparte, mais on ne peut douter que le fait que Pie VII ait accepté de sacrer l’héritier et le consolidateur de la Révolution, ait eu une portée morale de ralliement de l’institution ecclésiastique à l’État nouveau.

Ensuite sont venus les consignes de ralliement de Léon XIII, par l’encyclique Au milieu des sollicitudes de 1892, demandant aux catholiques français d’adhérer « sans arrière-pensée » au régime fondé sur cette conception moderne de liberté que le même Léon XIII condamnait dans son encyclique Libertas. Léon XIII séparait, pour ce faire, les lois mauvaises de la IIIème République, du régime lui-même supposé neutre. L’adhésion au régime pouvant permettre, selon lui, par le biais des élections, de faire changer les lois…

Il y eut aussi ce qu’on a nommé le « Second Ralliement », à savoir ce concordat informel intervenu, à partir de la première guerre mondiale, à la faveur de « l’union sacrée », entre l’Église et la République française, qui aboutit, en 1921, au rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège ;  avec le retour des congrégations, chassées par la loi de Séparation, le tout dans une atmosphère d’entente cordiale entre les hommes d’Église et la démocratie, dont ils affirmèrent volontiers la « légitimité » au titre du pouvoir établi.

L’abandon des Cristeros, ces catholiques du Mexique, insurgés au cri de Viva Cristo Rey ! contre les lois laïques tyranniques, a résulté des arreglos du 27 juin 1929, aux termes desquels le culte était théoriquement rétabli, mais avec obligation pour les Cristeros de remettre leurs armes, ils furent dès lors, massacrés.

On pourrait continuer : le radio-message adressé au monde entier par Pie XII, le 24 décembre 1944, dans le contexte de  fin de  guerre avec l’Allemagne, faisait plus que jamais bénéficier la démocratie de la légitimité du pouvoir établi, mais en rêvant à une « vraie et saine démocratie » qui serait « fondée sur les principes immuables de la loi naturelle et des vérités révélées », avec laquelle n’avait rien à voir la démocratie à laquelle participaient activement les partis démocrates chrétiens en France, Allemagne, Italie, Belgique.

AF : Vous inscrivez dans ce mouvement, la condamnation de l’Action française – plus exactement de son journal et de certaines œuvres de Charles Maurras – en 1926 par Pie XI. Nous aimerions nous y arrêter car nous pensons que cette question est d’une importance capitale, il s’agit à vrai dire, d’une question nodale. Précisons qu’il ne s’agit pas du cœur de votre livre et que vous ne faites qu’évoquer l’événement dans un contexte plus large, ajoutons aussi, que la question est d’une réelle complexité et que la bibliographie qui traite de cet événement commence à être conséquente. Néanmoins, selon vous, est-ce que cette tentative de ralliement – on parle même de second ralliement – est première dans les motivations qui poussèrent à cette condamnation ? Est-ce qu’au-delà des questions doctrinales, ce qui mit en mouvement cette affaire est d’ordre politique ?

Abbé Claude Barthe : Il est sûr que dans le contexte de rétablissement des relations diplomatiques de la France avec le Saint-Siège, en 1921, la mise à l’index, cinq ans après, de L’Action française est apparue comme un cadeau inespéré pour la démocratie de Briand, qui a été, de fait ou intentionnellement, un des éléments de la négociation.

Tout était étrange dans cette affaire. D’abord, la « condamnation » n’était en réalité qu’une mise à l’index, c’est-à-dire une inscription sur la liste des écrits que les catholiques n’avaient pas le droit de lire, mais elle était assortie des peines dignes d’une excommunication pour les récalcitrants : refus d’absolution, refus des derniers sacrements et de l’enterrement à l’église. Ensuite, Pie XI n’a jamais explicité ses reproches doctrinaux. Il a seulement dit que Maurras faisait partie de ceux « qui mettent les intérêts des partis au-dessus de la religion et font servir celle-ci, à ceux-là », leurs doctrines étant « dangereuses tant pour la foi et la morale que pour la formation catholique de la jeunesse », sans autre précision (allocution aux cardinaux, 20 décembre 1926). On aurait pu reprocher à Maurras, l’agnostique, de ne pas faire du catholicisme de l’État, l’essence d’une restauration, comme le voulait le cardinal Billot, qui paya son amitié pour l’Action française d’une privation de la pourpre romaine. On aurait pu lui reprocher son naturalisme politique, mais le naturalisme de la démocratie chrétienne italienne qu’aimait Pie XI, était autrement manifeste.

La « condamnation » du principal mouvement antirépublicain a évidemment poussé vers la République un nombre de catholiques qui, déjà, depuis le Second Empire, se détachaient de la poursuite de restauration d’un État traditionnel. Un autre effet du ralliement de la « condamnation » tient à ce que, outre le cardinal Billot, tous les catholiques dits « intégraux », hostiles au Ralliement prôné par Léon XIII, entrèrent dans une période noire et furent marginalisés : par exemple, le P. Henri Le Floch, spiritain, supérieur du Séminaire français de Rome, dut se démettre, de même que le directeur de La Croix, l’abbé Bertois. Et surtout, au fur et à mesure que disparaissaient les évêques « intégraux » nommés ou poussés par saint Pie X (Marty à Montauban, Penon à Moulins, Ricard à Auch), étaient nommés des évêques démocrates : Feltin à Bordeaux, Liénart à Lille, Gerlier à Lyon, qui conduiront les destinées de l’Église de France jusqu’au Concile, et pour lesquels la contestation politique se réduisait à la défense de l’école libre.

AF : Monsieur l’abbé, selon vous, y a-t-il eu un véritable changement de politique, quant au ralliement, avec le second concile du Vatican ?

Abbé Claude Barthe : Jusqu’à Vatican II, l’adhésion à la démocratie libérale née de la Révolution, était d’ordre diplomatique, avec la pensée que cette adhésion vaudrait reconnaissance et liberté pour l’Église, mais le magistère rappelait invariablement les principes anti-libéraux qui, du point de vue politique, condamnait les principes de l’État « de droit nouveau ». Avec Vatican II, il y a eu adhésion de principe. Le retournement s’est fait techniquement de la manière suivante : la doctrine morale, et donc politique, classique, considère qu’on ne peut donner de droit au mal et à l’erreur ; cependant, pour éviter de grands désordres, dans certaines circonstances, on peut tolérer (c’est-à-dire ne pas punir) certains maux ou erreurs (l’édit de Nantes était un édit de tolérance typique). Mais la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse de Vatican II a fait de la tolérance un droit, en affirmant en son n° 2 que « tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus, que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain, que ce soit ; de telle sorte qu’en matière religieuse, nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. » Bien entendu, on avait toujours affirmé qu’on ne pouvait pas agir en matière religieuse contre sa conscience : par exemple, il n’a jamais été permis d’obliger au baptême. En revanche, la doctrine traditionnelle enseignait qu’un État œuvrant à la recherche du bien commun, devait empêcher la diffusion de l’erreur et du mal, sauf légitime tolérance afin d’éviter des maux plus grands.

Le retournement de principe s’est notamment manifesté par le fait que Paul VI, dès la fin du  Concile, a imposé aux États qui se réclamaient encore à l’époque, de la doctrine du Christ-Roi, d’adopter la liberté religieuse. Et ce fut la fin des États catholiques. L’enseignement officiel postconciliaire a posé le principe de « non-confessionnalité de l’État, qui est une non-immixtion du pouvoir civil dans la vie de l’Église » (Jean-Paul II, lettre aux évêques de France du 11 février 2005, à l’occasion du centenaire de la loi de 1905), avec au reste les meilleures et très naïves intentions du monde : on croyait qu’une « bonne » laïcité pouvait être un contre-feu au laïcisme.

La suite nous est bien connue : l’Église est désormais considérée comme une association parmi d’autres. À l’occasion de ce que l’on a nommé la crise sanitaire, on a pu noter à quel point semblait naturel le ralliement du catholicisme aux institutions modernes. Dans le monde entier, avec quelques exceptions courageuses, les épiscopats nationaux, se sont soumis aux directives des États au sujet de l’exercice du culte, alors qu’ils auraient dû défendre le principe de la liberté native de l’Église (quitte à décider eux-mêmes, au nom du bien général, des règles de prudence). En France, en Italie et en d’autres pays, ils ont même anticipé les mesures gouvernementales d’interdiction du culte public. On a vu en France, l’épiscopat interdire la célébration de baptêmes et de mariages pour se soumettre aux règles étatiques.

AF : Vous nous dites : « Retrait de compromissions, à la longue mortifères, ce qui donnerait plus de force à l’annonce du message et d’absence de complexe dans la prédication, à propos de la mise en œuvre de la doctrine du Christ-Roi, qu’il s’agisse du but ultime et lointain à poursuivre, celui du rétablissement d’une Cité chrétienne » (p. 95). Pensez-vous que, durant cet exil, qui devrait atteindre les catholiques intègres, la politique d’Action Française soit viable d’un point de vue catholique ? Nous pensons ici à un point particulier, celui du politique d’abord, et de l’alliance dans un mouvement laïc, de chrétiens qui militent pour la France et pour l’établissement d’une Cité chrétienne, et de non-chrétiens qui ne se battent pas pour l’établissement d’une telle Cité mais pour que l’Église, en tant que saine institution, soit défendue et promue, sans que rien ne l’empêche d’établir cette Cité ? Selon vous, cette position peut-elle être tenue pour un catholique ou la condamnation de Pie XI porte-t-elle précisément sur ce point ?

Abbé Claude Barthe : La condamnation de Pie XI, encore une fois, n’a jamais été explicitée. On peut rêver : si Charles Maurras avait intégré dans sa doctrine la pensée du comte de Chambord sur les rapports de l’Église et de l’État ou celle des théoriciens du carlisme espagnol, on eût été dans un tout autre contexte.

Il n’est pas dans mon rôle de clerc de dire ce qui concrètement, peut ou doit se faire pour une reconstruction politique. Mais je ne me dérobe pas pour autant à votre question à propos de la politique d’Action française au regard du combat pour le rétablissement d’une Cité chrétienne. Je remarque à ce propos que le catholicisme intégral français s’est renouvelé après la guerre avec une jeune génération de laïcs, aujourd’hui morts, qui étaient issus des rangs maurrassiens ou très influencés par la pensée de Maurras : Louis Salleron, Jean Ous­set, Jean Arfel (Jean Madiran), et bien d’autres. Mais après le Concile et Mai 68, le thème qui devint le plus prégnant au sein du catholicisme intégral fut simplement celui de la nécessité d’une « formation intellectuelle et morale » : on étudiait le corpus des encycliques anti-libérales, on magnifiait, à juste titre, Quas primas, et par osmose, par « capillarité », pour reprendre un terme célèbre de l’organisation de la rue des Renaudes (Jean Ousset), on rêvait de réinvestir de l’intérieur, la société en la christianisant. On imaginait pouvoir renverser l’hégémonie culturelle adverse, non pas au moyen de l’action politique, mais en établissant une hégémonie culturelle chrétienne ; hégémonie qu’il était bien sûr, impossible à la pensée politiquement dominante, d’admettre. En clair, on abdiquait tout projet proprement politique. Il me semble que le « politique d’abord » doit se comprendre comme le fait que le roi de France se voulait – ce que manifestait le sacre de Reims – le lieutenant de Dieu et le protecteur de l’Église, et pour cela faisait d’abord de la politique. Salazar, très influencé par la pensée de Maurras, n’est peut-être pas modèle en tout ce qu’il a réalisé, notamment pour que son œuvre lui survive, mais il a fait  de la politique, d’abord pour tenter de rétablir des institutions justes et soumises à la loi du Christ. De la droite organisation de la Cité, qui encourage la vertu et prépare à recevoir l’Évangile, dépend le salut possible d’un grand nombre.

Malgré son glissement concret hors du politique, le fait qu’une pensée issue du maurrassisme (la Cité catholique, fondée par Jean Ousset en 1946, avec son périodique, Verbe, devenu Permanences en 1963, son livre de référence, Pour qu’Il règne, de 1959, préfacé par Mgr Marcel Lefebvre, alors Évêque de Dakar) ou se réclamant expressément du maurrassisme (l’abbé Georges de Nantes, et sa Contre-Réforme catholique), ait cultivé l’idée d’une restauration de la Cité chrétienne, indique que les arrières-petits fils de Maurras peuvent aujourd’hui parfaitement adhérer à une théologie politique du Christ-Roi. Qu’il y ait dans leurs rangs, ou dans les rangs de mouvements analogues, des non-catholiques, ne change rien à l’affaire si ces derniers servent le bien commun : Sully, un des plus grands serviteurs de la monarchie, ne partageait pas la religion de son Prince, mais servait pleinement ses desseins. Nous n’en sommes pas là. Le vrai problème, dans l’état de déréliction où se trouve la France, est celui de penser les étapes par lesquelles on doit concrètement passer afin d’aller vers la nécessaire restauration d’une Cité juste, autrement dit ? penser une transition semblable à la fameuse transition démocratique, comme celle de l’Espagne, mais en sens inverse, une transition de restauration. Ceci est aussi un problème, directement politique, le vôtre.

AF : Nous vous remercions d’avoir bien voulu répondre à nos questions ! Nous encourageons tous nos lecteurs à se procurer au plus vite cet ouvrage, bien utile pour poser les jalons d’une réflexion catholique sérieuse, sur les institutions dans lesquelles nous vivons, en tant que catholique ou en tant que Français.

Propos recueillis par Guillaume Staub


Barthe Claude, La tentation de ralliement. Être catholique en démocratie, Paris, Éditions de l’Homme Nouveau, 2022, 111 p., 13 euros.
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