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Bien que le Royaume-Uni soit une monarchie constitutionnelle et que le pouvoir et l’influence de la famille royale soient plus que limités sur les destinées du pays, la mort du duc d’Edimbourg, le prince Philip, à quelques semaines de son centième anniversaire et après 73 ans de mariage avec la Reine, a suscité une forte émotion et une forme d’unanimisme en Grande-Bretagne qui est loin des querelles électorales habituelles et des questions d’ego. Non que la royauté britannique soit un modèle pour nous, tant s’en faut, vu la décadence de ses mœurs et ses positions judéo-protestantes, politiquement correctes et mondialistes (le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a d’ailleurs été le premier chef de gouvernement au monde à rendre hommage à la dépouille de l’ex-époux d’Elisabeth II, en saluant dans le prince défunt « un ami d’Israël » de longue date, c’est tout un symbole, on est vraiment loin d’un saint Louis !), mais, en dépit de tout ce qu’il faut à bon droit lui reprocher, la monarchie britannique, malgré la déliquescence continue de la Grande-Bretagne, incarne une certaine continuité historique dans le pays et reste le seul élément unissant encore aujourd’hui les Britanniques, le dernier et fragile ciment de leur unité. La distinction et l’élégance parfaites de la Reine, sa discrétion aussi, la longévité exceptionnelle de son règne (qui atteindra soixante-dix ans le 6 février 2022 ; elle pourrait battre la durée de règne de Louis XIV — 72 ans ! — courant 2024, faisant d’elle alors le souverain ayant régné le plus longtemps en Europe, sauf que le règne du Roi-Soleil était, lui, personnel et a assuré la grandeur de la France tandis que le long règne essentiellement symbolique d’Elisabeth II correspond à la décadence du Vieux Continent en général et du Royaume-Uni en particulier) sont très appréciées des Britanniques.

Même s’il s’agit essentiellement d’un symbole, d’une image, d’une apparence (mais après tout les apparences aussi comptent dans la vie des peuples, et dans la vie tout court), on ne peut nier qu’un discours de la Reine, en partie à cause de sa rareté, mais aussi à cause de la dignité qu’elle dégage, de son maintien, de sa longévité, de la solennité de ses propos, en impose davantage qu’une vulgaire allocution d’un Macron ou de tout autre politicien. Et c’est là qu’on voit que, malgré tout, une monarchie, même constitutionnelle, même abâtardie et en grande partie dévoyée, présente mieux et unit mieux un peuple que la République. Elle suscite davantage de respect et de considération que n’importe quel politicien élu. Car dans l’inconscient des peuples la monarchie, la royauté riment avec la grandeur, le prestige, la vertu, le sacré, le beau, le bien. Même si ces nobles principes, ces magnifiques réalités se conjuguent hélas au passé.

Dans un an presque jour pour jour devrait en principe avoir lieu le premier tour de l’élection présidentielle en France. Le quinquennat adopté en septembre 2000 a encore renforcé l’importance et la fréquence de l’élection-reine de la Ve République, mettant fin au septennat adopté en 1875 par une Assemblée nationale alors majoritairement monarchiste. L’élection présidentielle au suffrage universel est pourtant une novation relativement récente dans nos institutions puisque la Constitution de 1958 donnant naissance à la Ve République ne le prévoyait pas. C’est le général De Gaulle, un mois après l’attentat manqué du Petit-Clamart qui annonce, dans une allocution télévisée, le 20 septembre 1962, sa volonté d’inscrire dans la Constitution l’élection du président de la République au suffrage universel, remplaçant l’onction sacrée et divine des rois de France par l’onction populaire. Près de soixante ans après son adoption, on ne dira jamais assez combien cette réforme a eu des conséquences dévastatrices aggravant le poids des partis politiques, le culte de la personnalité avec la création d’écuries présidentielles, l’importance de l’image, de l’apparence et de l’ego au détriment des idées, d’un corpus doctrinal, de l’élaboration d’un grand dessein, de la recherche du bien commun. RIVAROL s’était fermement opposé à l’époque à cette réforme, prévoyant et prédisant que, loin de résoudre les problèmes se posant à notre nation, elle les aggraverait considérablement. C’est exactement ce qui s’est passé.

Le fait est que plus l’on vote, plus l’on fait voter les gens, plus les choses vont mal. Ces dernières décennies trois nouveaux scrutins ont été créés : l’élection présidentielle au suffrage universel direct instituée en 1962 et mise en œuvre concrètement depuis 1965, tous les sept ans, puis tous les cinq ans depuis 2002, les élections européennes tous les cinq ans depuis 1979 et les élections régionales tous les six ans depuis 1986. Et l’on a ajouté des tours de scrutin : les régionales qui étaient initialement au scrutin proportionnel à un tour sont désormais un scrutin à deux tours avec prime de 25 % à la liste arrivée en tête au deuxième tour.

Dans sont dernier ouvrage intitulé Une nouvelle ère : le coronalithique (aux éditions de Chiré pour 19 euros), consacré à l’absurdité de notre temps de coronalithique où l’on ne sait plus penser grand et où tout est étriqué, le coruscant Jean-Claude Martinez explique en conclusion que le premier des clusters dont il faudrait se débarrasser vu sa nocivité, c’est l’élection présidentielle au suffrage universel. Il n’est plus question désormais de choisir un chef qui va présider aux destinées de la nation et qui doit avoir les compétences et la vista nécessaires mais un morne politicien aux ordres de l’oligarchie financière et cosmopolite. Il faut se débarrasser du virus électoraliste et des illusions de l’élection présidentielle. Une nation a besoin de durée, de stabilité, de calme pour pouvoir perdurer, se développer, prospérer. Sa grandeur, sa pérennité sont radicalement incompatibles avec le choc des ambitions individuelles, les intérêts antagonistes des factions rivales, la fugacité des mandats électifs, les variations des programmes, les mensonges des carriéristes, la démagogie outrancière et répugnante des candidats et des partis, la puissance des forces anonymes et vagabondes qui agissent comme des marionnettistes faisant s’agiter des pantins pour tromper des nigauds pendant qu’elles font prospérer leurs affaires si peu catholiques mais ô combien lucratives et nuisant gravement à l’intérêt général.

Si les peuples européens pouvaient ne plus du tout s’illusionner au sujet de la démocratie et de l’électoralisme, et ne plus communier en rien à ces rites, ni croire à ses faux dogmes, ni applaudir ses personnages prétendument providentiels, et en fait choisis et cooptés par l’oligarchie à travers le filtre des 500 signatures, la sélection médiatique, le tri opéré par le financement public des partis politiques, alors un premier et grand pas serait fait vers leur délivrance, la lucidité étant l’un des principaux et plus nobles outils de l’intelligence humaine. Un instrument hélas généralement peu et mal utilisé en politique.

Jérôme BOURBON, RIVAROL

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