« Oui ou non, la République peut-elle avoir une politique extérieure ? Oui ou non, sa nature de gouvernement d’opinion, de gouvernement de partis, de gouvernement divisé, fatalement diviseur de lui-même, l’a-t-elle mise en état d’infériorité dans les négociations qui ont précédé, accompagné, suivi cette guerre ? » (Charles Maurras, Kiel et Tanger).

La République des partis, délétère à souhait, fut toujours une de nos principales cibles car cette dernière, non contente d’être un système politique vicié dès l’origine, provoque dans son personnel politique une pensée que nous qualifierons de partisane. C’est-à-dire que l’homme de parti – le partisan – verra sa pensée se modifier pour correspondre à cet élément du politique qu’est le parti, le parti sera l’aboutissement d’un vice originel que nous portons en nous, à savoir le partisianisme.

L’Homme est un animal social, il convient qu’il vive en groupe dans des entités naturelles plus ou moins étendues et construites : la famille, la ville, la province, la nation, mais aussi la corporation, la religion ou le mouvement politique. Au sein de ces entités liées par le sort qui fit que des individus eurent à vivre ensemble sans qu’ils ne se choisissent, mais qui se maintiennent par une volonté commune au moins tacite, l’individu se sent appartenir à un tout et, faisant partie de ce tout, souhaite le défendre pour se défendre lui-même – sain instinct de préservation dont l’Homme occidental semble aujourd’hui dépourvu.

Le partisianisme n’est pas le sentiment d’appartenance à une entité naturelle, à un groupement humain uni par le sort et une volonté commune, il ne s’agit même pas de cet instinct salvifique de défense des siens contre l’Autre qui nous assaille, il s’agit de l’écueil de ces sains instincts. Ces entités naturelles, nous les appelons patries, le partisianisme les nomme partis. Quand les patries deviennent partis, quand l’instinct de préservation devient défense aveugle du groupe, quand toutes les références objectives sautent pour n’avoir plus que comme valeur fondatrice le groupe, nous sommes dans le partisianisme. Le partisianisme est ce mouvement de l’esprit qui fonde tout dans le groupe, dont la référence unique et normative est le groupe, le parti.

L’homme de patrie aimera profondément celle-ci, il souhaitera la défendre afin de se défendre lui-même et de protéger les siens, mais cette défense sera toujours en tension avec des normes morales – ses fondements – qui transcenderont le groupe qui, de ce fait, ne sera plus la source morale de tout notre agir. Autrement dit, le groupe sera défendu contre l’autre si le groupe poursuit un idéal de justice, de bonté ou de beauté – tant qu’il suivra les préceptes divins par exemple.

L’homme de patrie fondera son agir sur une morale dont la source sera autre que le groupe – soit l’ontologie même qu’est Dieu, soit le moi, soit une synthèse subjective comme l’Humanité, etc. Quant à l’homme de parti, le fondement de son agir, sa morale, procédera de la valeur fondatrice qu’est le groupe ; l’origine et la fin de son agir sera le parti. De ce fait, le partisan divisera le monde entre les siens – et leur idée – et les autres. Les siens ne pourront être que des êtres parfaits dont la pureté d’intention et d’action ne fera jamais aucun doute, les autres ne pourront jamais être que d’ignobles individus sans talent, sans honnêteté et ne pouvant être animés que d’une insatiable haine du bien, c’est-à-dire du parti : construction d’un camp du bien contre un camp du mal.

La première des conséquences étant que l’homme appartenant au camp du mal sera vu comme un ennemi absolu quel que soit sa valeur morale ou intellectuelle, il sera ontologiquement ennemi, puisque étant hors du parti. C’est pourquoi nous ne pouvons que constater la nocivité de l’actuel camp de bien qui ne s’embarrasse pas de détails et d’appréciation nuancées, il s’agit d’un parti qui se dresse contre nous et dont le fondement moral est le groupe, n’appartenant pas à celui-ci, nous sommes voués aux gémonies.

 Ce vice est magnifiquement illustré dans le roman Uranus de Marcel Aymé où est exposée la principale abjection du parti communiste ; ce dernier défendra les indéfendables – les pires tortionnaires et crapules – parce que appartenant au parti, et combattra avec la plus grande férocité les autres, réduits à n’être que des fascistes sans foi ni loi.

Quant à nous, il convient que nous nous demandions sans cesse si nos pensées sont celles d’un Homme de patrie ou de parti ; car il ne s’agira jamais de vaincre l’autre en tant qu’autre, mais de construire des patries saines en vue du Bien commun, le groupe n’étant qu’un élément nécessaire et structurant de cette entreprise.

Guillaume Staub

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