Nationalisme intégral

TOUT CE QUI EST NATIONAL EST NÔTRE !

Par Michel FROMENTOUX

Les 120 ans d’existence de notre mouvement politique nous invite à redécouvrir notre doctrine. Michel Fromentoux, président de l’Institut d’Action Française et membre du Comité Directeur expose ici l’originalité du nationalisme intégral

Le président François Hollande se permit en 2016 de dire que la guerre de 1914 avait éclaté « à cause des nationalismes qui n’avaient pas été dominés ». Cette assertion aurait dû valoir à son auteur un bonnet d’âne, car il ne savait manifestement pas de quoi il parlait. Son successeur Emmanuel Macron, s’enfonce dans la même ânerie quand il dit que la « pègre » (sic) nationaliste est cause de guerres ; c’est pire encore, un ignoble mensonge.

Les nationalistes sont les seuls qui posent au centre du débat politique cette réalité concrète qu’est la nation, sa défense et sa pérennité, attitude toute naturelle pour quiconque prétend veiller aux intérêts de son pays, lesquels ne sauraient intéresser le banquier européiste qui règne à l’Élysée. Maurras a souvent déploré qu’il eût fallu, au début de XXe siècle, créer en France un « état d’esprit nationaliste », mais ce fut le lamentable état de la France qui le poussa à envisager une réaction de défense. La même tâche aujourd’hui nous appelle.

Nous sommes des héritiers

La nation est une chose concrète, un produit de l’Histoire, une communauté de destin, une réalité qui nous fait être ce que nous sommes. Il faut constamment se reporter à la déclaration de l’Action Française du 15 novembre 1899 et aux quatre principes que ce mouvement qui fait, depuis plus d’un siècle, campagne pour le nationalisme intégral, a toujours présentés comme ses « idées-mères ». Citons :
1° – L’homme individuel n’a pas d’intérêt plus pressant que de vivre en société : tout péril social enferme de graves périls pour l’individu.
2° – De toutes les formes sociales usitées dans le genre humain la seule complète, la plus solide et la plus étendue est évidemment la nationalité. Depuis que se trouve dissoute l’ancienne association connue au Moyen Âge sous le nom de Chrétienté, et qui continuait, à quelques égards, l’unité du monde romain, la nationalité reste la condition rigoureuse, absolue, de toute humanité. Les relations internationales, qu’elles soient politiques, morales ou scientifiques, dépendent du maintien des nationalités. Si les nations étaient supprimées, les plus hautes et les plus précieuses communications économiques ou spirituelles de l’univers seraient également compromises et menacées ; nous aurions à craindre un recul de la civilisation. Le nationalisme n’est donc pas seulement un fait de sentiment : c’est une obligation rationnelle et mathématique.
3° – Entre Français, citoyens d’un État évidemment trahi par la faction qui le gouverne et menacé de rivalités redoutables, toutes les questions pendantes, tous les problèmes diviseurs doivent être coordonnées et résolus par rapport à la nation. Les groupements naturels des Français doivent se faire autour du commun élément national. Par-dessus leurs diversités politiques, religieuses et économiques, ils doivent se classer suivant le plus ou moins d’intensité et de profondeur de leur foi française.
4° – Le devoir des Français conscients de ces vérités est aujourd’hui de les formuler aussi publiquement, et aussi souvent que possible, afin d’y ramener leurs compatriotes aveugles ou négligents.

Ces quatre articles adoptés, le Comité de rédaction de l’Action Française en a voté la publication et l’envoi à M. Maurice Barrès auquel il adresse toutes ses félicitations. Suivent les signatures des fondateurs de l’Action française, dont Maurice Pujo, Henri Vaugeois, Frédéric Amouretti et le colonel de Villebois-Mareuil.

Ces lignes, relues cent vingt ans plus tard, n’ont pas pris une ride. On relèvera seulement que des expressions, comme « l’intensité » et la « profondeur » de la « foi française » ne mettent pas à l’abri de jugements subjectifs, alors que « l’intérêt national » dont Maurras allait ensuite de préférence parler, permettrait de se guider sur un critère plus objectif et indiscutable…
Il reste que ces éléments de doctrine, énoncées par l’Action Française, alors qu’elle n’était pas encore royaliste, contiennent l’essentiel du nationalisme et montrent l’urgence de venir au secours de la France dès qu’elle se trouve soumise à une mafia médiatico-politique mondialiste et immigrationniste, n’ayant pas de dessein plus pressé que de transformer les Français en simples consommateurs unis autour du plus vil commun dénominateur.
Quand notre pays est malade, nous ne pouvons hésiter à lui donner un remède de cheval. Il faut toujours se souvenir qu’au long des siècles, se sont établies des institutions, dessinées des frontières, réalisé un amalgame harmonieux d’hommes parfois très divers. L’habitude de « vivre ensemble », non pas les uns à côté des autres, mais selon les mêmes références naturelles et surnaturelles, de se comprendre, de se compléter, de développer un art de vivre propre à notre nation, c’est ce qui fonde notre manière d’être au monde et, du fait même, nous ouvre à l’universel. Supprimez ces protections que défend le nationalisme, ces directions, cet héritage, non seulement vous appauvrirez les individus, mais encore vous enlèverez au concert international toute considération autre que celle des intérêts mercantiles.

De Luther à la Révolution

Pas question d’ériger la nation en absolu ! La référence des « idées-mères » à la Chrétienté de jadis est suffisamment parlante : il fut un temps où l’Europe existait, où le monde civilisé formait une grande famille, où un langage commun servait de point d’appui, par-delà les conflits, aux communications supérieures entre les hommes.
Survint en 1517 Martin Luther : la foi se trouva éparpillée dans les consciences individuelles et les princes ne reconnurent plus les mêmes freins à leurs appétits et à leur volonté de puissance. Les États durent s’affirmer plus fortement et abriter derrière des frontières renforcées leur héritage matériel, moral et spirituel.
Puis les principes de 1789 mirent l’Europe à feu et à sang en fondant les nations, non plus sur l‘héritage, mais sur les volontés populaires massifiées pouvant dès lors identifier leurs luttes à des idéologies, à des ressentiments, ou à des concepts de race ou de classe. La Déclaration dite des Droits de l’Homme ne se rapporte qu’à un homme désincarné, coupé de toute racine comme de toute transcendance, un homme qui n’existe pas, mais que l’idéologie droit-de-l’hommiste entend faire naître tel un «homme nouveau». Une communauté réunissant de tels hommes, même si l’on se permet de lui donner le nom de nation, n’est en fait que le fruit d’un contrat entre des individus sans épaisseur historique, sans passé, sans avenir qui ne s’accordent pour vivre ensemble qu’autant qu’ils y trouvent un certain intérêt, qu’autant qu’ils s’y sentent bien, qu’autant qu’ils le veulent bien. Une nation ainsi pensée, pure idéologie, est condamnée à vaciller constamment entre l’exaltation exacerbée et le plus lâche abandon, entre le jacobinisme style 1793 et la démission nationale style européiste, tandis qu’elle ne peut résister à l’invasion migratoire… Ce n’est pas pour rien si l’article 3 des Droits de l’Homme, qui écrasait, fût-ce par la Terreur, les hommes concrets sous le joug d’une entité collective, servit de modèle à tous les totalitarismes hégémonistes des siècles suivants. Cette caricature de nationalisme est réellement fauteur de guerres.
À l’aube du XXe siècle, qui allait, au nom de ces faux principes, vivre deux guerres d’enfer et tant d’autres conflits qu’on pourrait appeler de «normalisation» idéologique, le nationalisme français offrait, à la France et au monde, les enseignements qui eussent empêché tant de malheurs. S’il fallut se dire nationalistes, ce ne fut point par agressivité envers les autres peuples, ce fut tout simplement par réaction de défense dans un monde devenu celui de tous les dangers par la faute des principes de 1789 dont celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui fit naître des nations artificielles, «idéologiquement» pures, cherchant leur espace vital au soleil par tous les moyens, alors que les royaumes et les empires que l’on s’acharna à renverser en 1919 avaient toujours été des éléments de stabilité et d’équilibre.

Vers la monarchie

Dans son exaltation de la nation, le vrai nationalisme ne montre aucune trace d’isolationnisme, encore moins d’hégémonisme ! Il s’agissait de retrouver les lois qui permissent à la France de demeurer incorrompue dans son être national, car, étant tout simplement mais énergiquement elle-même, elle pourrait redevenir, de par sa longue expérience civilisatrice, de par son héritage latino-catholique, de par son opposition de toujours aux blocs expansionnistes, de par sa mission de protectrice des petites nations, un élément de paix dans le monde.
« Le nationaliste, disait encore Maurras, conçoit donc, il traite, il résout toutes les questions pendantes dans leur rapport avec l’intérêt national. Avec l’intérêt national et non avec sa paresse d’esprit, ou ses calculs privés ou ses intérêts personnels.» Il est clair que cette exigence s’accorde fort mal avec le système démocratique, et Maurras n’eut de cesse de faire de l’Action Française un « laboratoire » d’idées pour des hommes très divers, même souvent venus de gauche, mais tous également soucieux du redressement de la France.
Déjà, le 20 juin 1899, Henri Vaugeois déplorait qu’il n’y eût plus de souveraineté : la démocratie « n’a pas de tête en qui elle se ramasse et prenne conscience de soi. » Cette tête qui manquait à la France, c’était celle du roi, la personne dont l’intérêt personnel et familial se fondait jadis dans l’intérêt national et dont le cœur vibrait au rythme des joies et des peines des hommes et des femmes de la nation. Henri Vaugeois pressentait cela, mais ne pouvait le dire, car il n’était pas encore royaliste. Seul Maurras pouvait écrire en 1899 : « Je ne suis pas républicain. Je tiens la doctrine républicaine pour absurde et puérile, le fait républicain pour le dernier degré de la décadence française, cause et effet de notre abaissement ».
Dès juillet 1900, Maurras entreprit, non dans la revue d’Action Française, mais dans la très royaliste Gazette de France fondée jadis par le cardinal de Richelieu, son Enquête sur la Monarchie, demandant à un certain nombre de personnalités : « Oui ou non, l’institution d’une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée est-elle de salut public ? » Des correspondants acquiescèrent aussitôt comme Paul Bourget et beaucoup d’autres, également d’accord sur le principe, objectèrent que la monarchie leur semblait difficile à réaliser… À quoi Maurras répondait en substance : avoir raison est déjà considérable, sachons courageusement nous tenir prêts, un moment viendra où les républicains seront déconsidérés, sachons faire acte d’héritiers présomptifs et les Français se tourneront vers nous.
Preuve d’honnêteté intellectuelle, les rédacteurs de la revue d’Action Française adhérèrent sans précipitation, se donnant le temps de mûrement réfléchir : Henri Vaugeois se rallia en août 1901, Léon de Montesquiou peu après, Lucien Moreau en 1903… Avec le ralliement de Jules Lemaître en 1908, toute l’Action Française fut royaliste. Et d’un royalisme traditionnel et moderne, les vieilles fidélités s’appuyant sur l’observation positive des faits, les grands travaux de Louis de Bonald, Joseph de Maistre, Frédéric Le Play, Louis Veuillot, recevant confirmation des témoignages de Balzac, Taine, Renan, Auguste Comte.

Vive le Roy!

La démarche nationaliste en France ne pouvait que déboucher sur la monarchie. La recherche des lois qui convinrent à la pérennité de la nation devait aller à la racine des choses. C’est en ce sens que le nationalisme de l’Action Française se dit intégral. Il est monarchique, à l’image de la nation qui se continue de génération en génération. La France est essentiellement, avec l’aide de Dieu, l’œuvre de l’intelligence et de la volonté de la lignée capétienne, qui a su avec plus ou moins de bonheur selon les époques, mais toujours avec obstination imposer sa légitimité tant aux convoitises impérialistes de l’étranger qu’aux puissances de la féodalité et de l’Argent à l’intérieur. Les Capétiens surent admirablement jouer de l’indépendance que leur conférait l’hérédité et l’obligation pour chaque roi de transmettre intégral l’héritage dont il était comptable devant Dieu et devant ses enfants.
Avec cela, libre de tout souci électoraliste, donc naturellement fédérateur au-dessus des intérêts particuliers, le roi de France pouvait laisser s’épanouir les diversités françaises et les libertés locales et professionnelles. Comme le disait Maurras : « L’autorité en haut, pour que vivent les libertés en bas. »
La nation française n’est pas une abstraction quand elle est incarnée dans une famille qui se perpétue d’âge en âge par les lois mêmes qui perpétuent le genre humain, celles de l’hérédité. Aujourd’hui, il semble encore plus difficile qu’au temps du jeune Maurras de restaurer la monarchie. Il n’en est pas moins vrai que la république, sous le banquier Emmanuel Macron, vit probablement ses derniers instants, et que les Français, se détournent résolument de la classe politique, trop déconnectée des réalités, et se sentent des plus en plus pressurés par les institutions « européennes » aux mains de la « fortune anonyme et vagabonde », que dénonçait déjà Louis-Philippe-Robert d’Orléans (1869-1926), duc d’Orléans, de jure Philippe VIII.
Il est urgent de dire à ces Français désespérés que la France n’est pas condamnée à mourir, qu’elle jouit de la protection de la Vierge Marie qui l’a promise à saint Remi, à Noël 496, à la veille du baptême de Clovis, « si elle reste fidèle »… Reconnaissons en sainte Jeanne d’Arc le modèle du vrai nationalisme, elle qui fut envoyée par Dieu pour rétablir la justice et la paix entre les nations et entre les Français. Quiconque marche dans son sillage ne saurait perdre l’espérance !