Jean Madiran toujours présent par Anne Brassié

Jean Madiran toujours présent par Anne Brassié

Lecture

par Anne Brassié

La littérature nous a réunis une après-midi à Sciences Po, en 1988. Nous signions nos livres en des temps reculés où les grands livres avaient encore droit de cité. Etaient présents Ionesco, Michel Mohrt, Michel Déon.
Il fut surpris qu’une personne de la pauvre génération 68 choisisse d’étudier comme lui Brasillach.
Je récidivais avec un autre de ses auteurs aimés, Jean de La Varende. Il en connaissait tous les titres, jusqu’à utiliser des expressions de La Varende, A l’aide les pancaliers !
Jean Madiran a été introduit très tôt dans ce monde littéraire. André Charlier prodiguait de merveilleuses leçons dans son école des Roches. Les soirées étaient consacrées à des lectures de beaux textes et des pièces de théâtre. Péguy, Giraudoux, Anouilh, Bernanos en étaient les héros. On récitait Corneille, Racine et Claudel.

« Les temps barbares, écrivait André Charlier, ont leurs grâces, que n’ont pas les temps policés. Seulement, la sottise du chrétien d’aujourd’hui est qu’il espère pouvoir composer avec la barbarie, et se ménager avec elle un honnête petit mariage. Le chrétien des premiers âges savait qu’il n’avait qu’une chose à faire, c’est de s’enfoncer comme un fer rouge au cœur du monde et que même il ne pouvait faire autre chose. »
Je crois que la littérature était à la fois pour Jean Madiran un viatique et une arme pour ces temps en effet barbares. Charles Maurras lui avait montré la voie.
Tout naturellement donc il continua à découvrir les écrivains de son temps. Il publia avec Hugues Kéraly les premiers textes de Soljenitsyne dans Itinéraires. Cette revue devint le plus prodigieux recueil de textes d’écrivains de son temps.
Il aimait Pourrat dont il offrait volontiers le fantastique Gaspard des Montagnes, Gustavo Corceo, Eugenio Corti. Il aimait l’élégante prose d’un Georges Laffly, d’un François Leger. Il aimait Jacques Perret, Michel de Saint Pierre et Louis Salleron.

Il publia l’été, dans Présent, le délicieux Suzanne et le Taudis de Maurice Bardèche puis Le voyage du Centurion de Psichari.
Observer la bibliothèque d’un homme révèle toute son âme, ses admirations, ses aspirations et ses combats.
Le combat vint justement bousculer cette vie. La division diabolique venue de Rome, le massacre de la tradition, l’exclusion des hommes respectueux du magistère séculaire de l’Eglise, le nouveau culte obligatoire du progrès dans l’exercice public de la Foi comme dans une cuisine ont contraint l’amoureux des lettres à monter aux créneaux de la défense de notre civilisation. Et tous les écrivains qu’ils avaient aimés sont venus à son aide. Son constat, on le voit chaque jour davantage, était affreusement exacte : 
« Nous vivons quelque chose de beaucoup plus profond qu’une crise politique, intellectuelle ou morale ; de plus profond qu’une crise de civilisation. Nous vivons ce que Péguy voyait naître et qu’il nommait une “décréation“. Dans l’évolution actuelle du monde, on aperçoit la domination à de mi-souterraine d’une haine atroce et générale, une haine de la nation, une haine de la famille, une haine du mariage, une haine de l’homme racheté, une haine de la nature créée… »

Il partit en guerre, comme les manants de La Varende, appelant : « A l’aide, les pancaliers » dans les pages de Mann d’Arc. Mais les pancaliers ne vinrent pas à l’aide des combattants, écrit-il le 12 mars 2010 dans Présent, « Ou plutôt ils ne poussent le dévouement, dans nos luttes civiles, que jusqu’à ramasser les blessés, quand ils sont à terre, et à les soigner. Les pancaliers, vous ne connaissez pas, reprend La Varende, ce sont les tièdes: de braves gens…sans bravoure. Une mollesse heureuse les affaiblit lentement et les réduit…On leur a donné ce nom par allusion à ces grands choux de l’Ouest, vous savez, dont les tiges sont des cannes un peu épaisses mais si légères, dont le bouquet est fait de feuilles épanouies, des choux sans cœur, Monsieur. »
Les évêques du temps firent pire : ils condamnèrent Itinéraires et son directeur.
La littérature n’est pas une affaire de prix Goncourt et de best sellers, elle aide les hommes de cœur à vivre ici-bas, elle brûlait l’esprit et le cœur de Jean Madiran et ses héros écrivains devinrent ses frères d’armes.

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Jean Madiran toujours présent par Anne Brassié

Jean Madiran toujours présent

jean madiran

 

La littérature nous a réunis une après-midi à Sciences Po, en 1988. Nous signions nos livres en des temps reculés où les grands livres avaient encore droit de cité. Etaient présents Ionesco, Michel Mohrt, Michel Déon.
Il fut surpris qu’une personne de la pauvre génération 68 choisisse d’étudier comme lui Brasillach.
Je récidivais avec un autre de ses auteurs aimés, Jean de La Varende. Il en connaissait tous les titres, jusqu’à utiliser des expressions de La Varende, A l’aide les pancaliers !
Jean Madiran a été introduit très tôt dans ce monde littéraire. André Charlier prodiguait de merveilleuses leçons dans son école des Roches. Les soirées étaient consacrées à des lectures de beaux textes et des pièces de théâtre. Péguy, Giraudoux, Anouilh, Bernanos en étaient les héros. On récitait Corneille, Racine et Claudel.

« Les temps barbares, écrivait André Charlier, ont leurs grâces, que n’ont pas les temps policés. Seulement, la sottise du chrétien d’aujourd’hui est qu’il espère pouvoir composer avec la barbarie, et se ménager avec elle un honnête petit mariage. Le chrétien des premiers âges savait qu’il n’avait qu’une chose à faire, c’est de s’enfoncer comme un fer rouge au cœur du monde et que même il ne pouvait faire autre chose. »
Je crois que la littérature était à la fois pour Jean Madiran un viatique et une arme pour ces temps en effet barbares. Charles Maurras lui avait montré la voie.
Tout naturellement donc il continua à découvrir les écrivains de son temps. Il publia avec Hugues Kéraly les premiers textes de Soljenitsyne dans Itinéraires. Cette revue devint le plus prodigieux recueil de textes d’écrivains de son temps.
Il aimait Pourrat dont il offrait volontiers le fantastique Gaspard des Montagnes, Gustavo Corceo, Eugenio Corti. Il aimait l’élégante prose d’un Georges Laffly, d’un François Leger. Il aimait Jacques Perret, Michel de Saint Pierre et Louis Salleron.

Il publia l’été, dans Présent, le délicieux Suzanne et le Taudis de Maurice Bardèche puis Le voyage du Centurion de Psichari.
Observer la bibliothèque d’un homme révèle toute son âme, ses admirations, ses aspirations et ses combats.
Le combat vint justement bousculer cette vie. La division diabolique venue de Rome, le massacre de la tradition, l’exclusion des hommes respectueux du magistère séculaire de l’Eglise, le nouveau culte obligatoire du progrès dans l’exercice public de la Foi comme dans une cuisine ont contraint l’amoureux des lettres à monter aux créneaux de la défense de notre civilisation. Et tous les écrivains qu’ils avaient aimés sont venus à son aide. Son constat, on le voit chaque jour davantage, était affreusement exacte :
« Nous vivons quelque chose de beaucoup plus profond qu’une crise politique, intellectuelle ou morale ; de plus profond qu’une crise de civilisation. Nous vivons ce que Péguy voyait naître et qu’il nommait une “décréation“. Dans l’évolution actuelle du monde, on aperçoit la domination à de mi-souterraine d’une haine atroce et générale, une haine de la nation, une haine de la famille, une haine du mariage, une haine de l’homme racheté, une haine de la nature créée… »

Il partit en guerre, comme les manants de La Varende, appelant : « A l’aide, les pancaliers » dans les pages de Mann d’Arc. Mais les pancaliers ne vinrent pas à l’aide des combattants, écrit-il le 12 mars 2010 dans Présent, « Ou plutôt ils ne poussent le dévouement, dans nos luttes civiles, que jusqu’à ramasser les blessés, quand ils sont à terre, et à les soigner. Les pancaliers, vous ne connaissez pas, reprend La Varende, ce sont les tièdes: de braves gens…sans bravoure. Une mollesse heureuse les affaiblit lentement et les réduit…On leur a donné ce nom par allusion à ces grands choux de l’Ouest, vous savez, dont les tiges sont des cannes un peu épaisses mais si légères, dont le bouquet est fait de feuilles épanouies, des choux sans cœur, Monsieur. »
Les évêques du temps firent pire : ils condamnèrent Itinéraires et son directeur.
La littérature n’est pas une affaire de prix Goncourt et de best sellers, elle aide les hommes de cœur à vivre ici-bas, elle brûlait l’esprit et le cœur de Jean Madiran et ses héros écrivains devinrent ses frères d’armes.

Anne Brassié

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