Réflexion sur “l’avenir de l’intelligence”

Réflexion sur “l’avenir de l’intelligence”

stéphanie bignon

“Intelligent” nous vient de la racine latine intelligere, inter-legere : discerner, démêler, comprendre. « Legere » vient lui-même du grec « legô » signifiant « recueillir » d’où « écrire » et « lire », sens retenu par Maurras dans  L’avenir de l’intelligence écrit en 1905. Avant de nous plonger dans le beau texte du père de l’Action Française et pour bien comprendre qui sont nos adversaires, voici comment Jules Michelet, « le faussaire de l’histoire », définit l’intelligence dans son introduction à l’histoire universelle : « L’intelligence agit lorsqu’elle tire de ce qu’on a senti quelque chose qui ne tombe point sous le sens ».

Donc… puisque cela ne tombe pas sous le sens, pourquoi l’intelligence ne permettrait-elle pas qu’une grand-mère puisse être père ? Et si, au contraire, l’intelligence était de se conformer à ce qui « tombe sous le sens » et apprendre toujours plus qui nous sommes plutôt que de décider qui nous sommes ? « Au commencement était le verbe », le logos, la puissance créatrice, les encyclopédistes ne s’y sont pas trompés en commençant la révolution des mœurs par celle des mots !

Charles Maurras, aux antipodes de toute idéologie, dissèque pour nous un des sens du mot intelligence. Notre académicien commence donc par : « Tout d’abord, précisons. Nous parlons de l’intelligence comme on en parle à St Pétersbourg : du métier, de la profession, du parti de l’intelligence. » Il reconnaît ensuite : « Ce lustre n’est pas contestable ; nous fîmes tous fortune il y a quelques 200 ans. Depuis lors, avec tout le savoir-faire du monde ou toute la maladresse du monde, né bien ou mal, pauvre ou riche, …, un homme dont on dit qu’il écrit et qu’il se fait lire, … a reçu de ce fait un petit surcroît de crédit ». Jusqu’ au XVII siècle, Maurras explique que le rang de Corneille, La Bruyère, Malherbe… « était considérable, mais subordonné. Les Lettres faisaient leur fonction de parure du monde. Elles s’efforçaient d’adoucir, de polir et d’amender les mœurs générales. Elles étaient les interprètes et comme la voix de l’amour, l’aiguillon du plaisir, l’enchantement des lents hivers et des longues vieillesses ; l’homme d’état leur demandait ses distractions, et le campagnard sa société préférée ; elles ne prétendaient rien gouverner encore ». Au XVIII siècle, en revanche, « Les lettrés deviennent rois », « La réforme, le changement des idées admises et des goûts établis… fut le but marqué des écrivains du XVIII siècle ». « Leurs ouvrages décident des révolutions de l’État… Ce sont des mécontents. Ils apportent au monde une liste de doléances, un plan de reconstitution ». « Ils sont aussitôt applaudis de ce coup d’audace. Le génie et la modestie de leurs devanciers du grand siècle avaient assuré leur crédit ». « Cela doit être mesuré au degré de la tolérance dont Jean Jacques réussit à bénéficier. Il faut se rappeler ses manières, ses goûts et toutes les tares de sa personne. Que la société la plus parfaite de l’Europe, la première ville du monde l’ait accueilli et l’ait choyé ; qu’il ait été un homme à la mode ; qu’il y ait figuré le pouvoir spirituel de l’époque ; qu’un peuple tributaire de nos mœurs française, le pauvre peuple de Pologne, lui ait demandé de rédiger à son usage une « constitution », cela en dit plus long que tout. »

Le piège dans lequel l’intelligence va tomber est ensuite clairement décrit et analysé et Maurras lui donne le nom « d’industrie littéraire » : « On usa de sa plume et de sa pensée, comme de son blé ou de son vin, de cuivre ou de son charbon… ». « La vraie gloire étant évaluée en argent, les succès d’argent en reçurent, par une espèce de reflet, les fausses couleurs de la gloire ». La déconsidération de la presse devient alors inéluctable : « En même temps que la liberté politique, chose toute verbale, elle (la presse) a reçu la servitude économique, dure réalité, en vertu de laquelle toute foi dans son indépendance s’effaça, ou s’effacera avant peu. » Le fondateur de l’Action Française ajoute comme pour donner raison aux Gilets Jaunes : « Une seule réalité énergique importe donc en journalisme : l’argent, avec l’ensemble des intérêts brutaux qu’il exprime. Le temps paraît nous revenir où l’homme sera livré à la Force pure, et c’est dans le pays où cette force a été tempérée le plus tôt et le plus longtemps, que se rétablit tout d’abord, et le plus rudement, cette domination ». Notre force est bien d’avoir raison depuis 120 ans ! L’auteur de « L’avenir de l’intelligence » nous invite à remettre l’intelligence à sa place. Pour lui l’intelligence doit faire preuve d’une indispensable modestie et n’occuper qu’un rôle consultatif (Avec certains pseudo-philosophes nous avons aujourd’hui de beaux contre-exemples ! ). Elle ne doit pas porter la couronne mais doit de façon transitoire montrer qui doit la porter « par la fédération solide et publique des meilleurs éléments de l’intelligence avec les éléments les plus anciens de la nation ; l’intelligence s’efforcerait de respecter et d’appuyer nos vieilles traditions philosophiques et religieuses… ». Pour conclure cette modeste  synthèse de la lumineuse démonstration de Charles Maurras, je citerai Ludwig van Beethoven : « Je ne connais pas d’autres marques de supériorité que la bonté ». La bonté ne va pas sans humilité et s’exerce par le sacrifice de soi. Elle a permis à la France ce développement et cette longévité unique dans l’histoire. La vraie intelligence se mesure avec le temps et non avec l’argent… elle cherche l’Éternité ou elle n’existe pas. Pour me faire bien comprendre je fais appel à Sainte Catherine de Sienne (lettre N° 16 à un grand Prélat) citée par le cardinal Sarah dans « Des profondeur de nos cœurs » : « En ces temps difficiles, chacun doit craindre d’entendre un jour Dieu lui « adresser ces paroles acerbes en manière de réprimande : Maudit sois-tu, toi qui n’as rien dit. Ah ! Assez de silence ! Criez en cent mille langues. Je vois qu’à force de silence le monde est corrompu, l’Épouse du Christ est toute pâle, elle a perdu ses couleurs, parce qu’on lui suce le sang, le sang du Christ qui est donné par grâce. […] Ne dormez plus du sommeil de la négligence. Faites promptement ce que vous pourrez ».

VIVE LE CHRIST-ROI ET SON LIEUTENANT LE ROI DE FRANCE !

 

Stéphanie BIGNON

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