Le mouvement de la Jeunesse royaliste, les prémices de l’Action française

Le mouvement de la Jeunesse royaliste, les prémices de l’Action française

Aujoud’hui oublié, le mouvement jeunesse royaliste fut pourtant, durant la dernière décennie du XIXe siècle, l’espérance d’un renouveau de la mouvance monarchiste en France, et joua le rôle de phase de transition entre les traditionnels courants légitimiste et orléaniste, et le monarchisme profondément rénové de Maurras.

 

La naissance et l’efflorescence rapide du mouvement de la Jeunesse royaliste

 

Durant les années 1880, un mouvement royaliste de combat reprend le flambeau du monarchisme, de plus en plus vacillant, et mène tambour battant le combat pour une nouvelle restauration royale. Il s’agit de la Jeunesse royaliste, appellation sous laquelle se rangent alors divers groupes de jeunes monarchistes surgis, entre 1881 et 1888, dans le Sud, puis dans d’autres régions et villes (Rennes, Angers, Bordeaux, Agen, Toulouse, Marseille, Montpellier, Sète) et à Paris. Trois hommes jeunes, décidés et entreprenants, vont rassembler ces groupes en un tout cohérent. À la différence de la plupart des notables du royalisme, ces nouveaux venus sont d’origine roturière, issue de la bonne bourgeoisie, sans aucune attache familiale royaliste. Roger Lambelin (1857-1915) descend de grands propriétaires et industriels lillois, spécialisés dans le commerce de l’huile et du pétrole ; Eugène Godefroy (1862-1928) et Paul Bézine (1861-1928), tous deux avocats, sont des fils de la haute bourgeoisie parisienne. Le 8 mai 1893, jour de la saint Philippe[1], à Paris, ils unissent en une Fédération de la Jeunesse Royaliste de France ces divers groupes de jeunes royalistes. De par leur origine comme de par leur état d’esprit et leur forme de pensée, ces hommes, bientôt rejoints par des compagnons d’envergure, apportent un sang neuf à la cause de la restauration monarchique. Ils multiplient les congrès, les brochures et les manifestations, et dotent le mouvement monarchiste d’une doctrine ferme et cohérente, et d’un programme précis et concret. Et ils ont un certain succès. On assiste, à partir de 1888, à une véritable renaissance du royalisme, singulièrement assoupi depuis une dizaine d’années. Cinq congrès de la Fédération de la Jeunesse Royaliste de France se tiendront entre 1884 et 1894. En 1898, la fédération englobera 18 groupes parisiens, 34 associations départementales et 30 000 adhérents. Dès 1899, les groupes jeunes royalistes existeront dans presque tous les départements.

 

Des royalistes d’un type nouveau

 

Ces nouveaux royalistes sont audacieux et se distinguent de leurs aînés des années 1870 par le caractère rationnel de leur engagement. Eugène Godefroy déclare : « Je ne suis pas royaliste de sentiment, ni royaliste de tradition », et se définit comme « royaliste de raison ».

Cela étant, ils heurtent la mouvance monarchiste, fondée sur la tradition et pénétrée d’elle de part en part, et en laquelle le sentiment a une part prépondérante. Et ils s’opposent de fait au Ralliement préfiguré par le Toast d’Alger du cardinal Lavigerie (12 novembre 1890) et favorisé par le pape Léon XIII, suivant son encyclique Inter sollicitudines du 16 février 1892. Contre Léon XIII, ils estiment que tous les gouvernements ne sont pas légitimes et que le bien public, qu’invoque le Pontife à l’appui de son encyclique, exige, en France, l’abolition de la République et le rétablissement de la monarchie. Ainsi, bien que catholiques, ils défient, quoiqu’ils en aient, le Saint-Siège. Par là, ils sont singulièrement isolés, malgré la relative audience que leur vaut leur combativité auprès de la jeunesse studieuse.

 

Un mouvement qui donne une nouvelle vigueur à la mouvance monarchiste

 

En regard de cela, la mouvance jeune royaliste continue à s’organiser et à avancer. L’échec électoral des ralliés la sert, d’autant plus que ses animateurs et ses militants se dépensent sans compter. Ils ne se sont pas laissés dissuader par l’encyclique du pape Léon XIII, même si elle les a un court moment ébranlés, non plus que par les objurgations des évêques et des publicistes catholiques appelant à l’acceptation des institutions républicaines. Leur combativité paye, et, durant la période 1893-1898, ils vont réussir ce tour de force de donner le jour à une nouvelle génération de monarchistes, jeunes, ardents et issus de milieux sociaux jusqu’alors insensibles à la cause du roi, et différents de la noblesse qui en était le vivier exclusif et étroit. Ces nouveaux monarchistes appartiennent, en effet, à la jeunesse étudiante, à la bourgeoisie non attachée à l’Eglise, au barreau. Ils élargissent donc l’audience et la base militante de leur mouvance. Et leur dynamisme est si communicatif qu’ils incitent à renouer avec l’action politique bon nombre de caciques nobles du royalisme auxquels l’encyclique papale et les consignes impérieuses des évêques et des périodiques catholiques avaient imposé le silence. Ainsi, la Jeunesse royaliste voit se rallier à elle un Frédéric de Ramel, un Paul-Gabriel d’Haussonville, un Henri de Mayol de Lupé, un Fernand de Parseval, un Eugène de Lur-Saluces, et même le vieil Athanase Charrette de La Contrie, descendant du célèbre chef chouan. Ces ardents royalistes se sentent irréprochables au regard de Dieu en raison de la sincérité de leur foi, du caractère orthodoxe de leur conception du catholicisme, et de leur adhésion à la cause de l’institution monarchique, seule compatible avec l’instauration ou le maintien d’un ordre social chrétien. Certes, ils ne contestent en aucune manière, ni à aucun degré, l’autorité du pape, et ne font souffler nul vent — nulle brise, même — de contestation au sein de l’Eglise ou des milieux catholiques laïques. A aucun de leurs cinq congrès nationaux tenus de 1893 à 1899, à aucune de leurs réunions départementales, à aucune de leurs conférences, à aucun de leurs colloques, ils n’élèvent la voix contre la politique pontificale du Ralliement. Ils poursuivent leur activité politique militante sans s’en soucier, dans une indifférence respectueuse.

 

Des monarchistes résolus et inconditionnels

 

Les Jeunes Royalistes ne combattent certes pas l’attitude de neutralité du Saint-Siège et de l’Eglise vis-à-vis du régime. Ils voient même là une constante de l’Eglise catholique. Ils pensent, comme le pape, comme les cardinaux de France, qui viennent de publier leur manifeste, que les catholiques doivent observer une attitude de neutralité, voire de bienveillance à l’égard des lois saines, justes et bonnes, tout en combattant avec la plus entière détermination celles qui portent atteinte aux droits de l’Eglise et de la religion. Et ils distinguent avec force le devoir de soumission à l’autorité pontificale dans son enseignement en matière de foi et de mœurs, où elle est infaillible, et leur droit et leur devoir de combattre en faveur de la restauration de la monarchie, cette dernière se présentant comme le seul régime propre à la défense des droits de Dieu, de l’Eglise et des chrétiens. Lors de sa réunion du 12 février 1893, le président du comité royaliste de la Gironde, Eugène de Lur-Saluces, déclare, à la suite de la protestation publique des cardinaux de France : « Ainsi, comme catholiques, nous nous inclinerons constamment devant la doctrine infaillible du Souverain Pontife, mais, comme citoyens français, nous appartenons à un parti qui a ses traditions et qui représente un passé dans lequel la défense des droits de l’Eglise a toujours été au premier rang. Notre patriotisme nous impose de rester fermement attaché au principe qui, se trouvant à l’abri des fluctuations du suffrage universel, s’élève au-dessus des partis et peut seul garantir les intérêts permanents du pays en même temps que ramener l’ordre et l’apaisement social »[2]. Le comité, toujours par la voix d’Eugène de Lur-Saluces, se félicite du succès obtenu par le manifeste des cardinaux français auprès de l’opinion publique et de la formation de groupements visant à la défense des droits de la religion et de l’Eglise, tels que la Ligue populaire pour la revendication des libertés publiques qui regroupe des catholiques de toutes obédiences politiques, monarchistes et non monarchistes. Cependant — et ici il parle au nom de l’ensemble de la Fédération de la Jeunesse Royaliste de France —, il refuse de se fondre dans un amalgame catholique conservateur indifférencié qui aboutirait à une neutralité constitutionnelle de principe et, in fine, à l’acceptation tacite et passive de la République : « Mais notre conscience ne nous permet pas d’aller plus loin. En dehors d’un concours ainsi limité, il nous est impossible d’entrer dans aucune combinaison électorale dont la base serait l’acceptation du programme d’adhésion à la forme républicaine »[3]. Cela ne doit en aucun cas être pris pour une incitation au repli passif et résigné : « Mais nous ne devons pas nous contenter de rester fidèles à la Cause, comme l’honneur du parti royaliste nous le commande, et croire avoir accompli notre devoir en conservant la foi monarchique à l’état de conviction intime »[4]. Et le président du comité exhorte ses troupes à l’action : « Il faut agir plus que jamais… C’est dans l’action que doit être notre but suprême, et ainsi unis, nous ne donnerons pas au parti républicain la satisfaction de nous considérer comme un parti qui s’ensevelit dans les souvenirs et les gloires de son passé »[5]. Eugène de Lur-Saluces conclut en distinguant avec précision et clarté, pour les royalistes, leur devoir de catholiques et leur devoir propre, politique, de royalistes. Le premier impose de soutenir les initiatives de défense des intérêts religieux d’où qu’elles viennent, le second, en accord étroit avec lui, mais distinct, consiste à défendre la monarchie comme le régime qui garantit au mieux ces derniers. Ces deux devoirs s’accordent sans se confondre et sans que la cause à laquelle se rapporte le second soit occultée, subordonnée ou sacrifiée à celle impliquant le premier. Ils ne peuvent se concevoir l’un sans l’autre ou au détriment de l’autre.

 

Le soutien initial du duc d’Orléans

Les Jeunes royalistes bénéficient alors de l’appui total du prince Philippe d’Orléans, prétendant au trône de France depuis le décès, le 8 septembre 1894, de son père, le comte de Paris. Ce prince, jeune (il a 25 ans au moment où il succède à son père), dévoré du besoin d’agir, se sent très proche des Lambelin, Godefroy, Bézine et des militants de la Jeunesse royaliste, et leur offre un soutien appuyé que relaient activement Paul Gabriel d’Haussonville, son représentant attitré, et André Buffet, chef de son bureau politique. Il n’accepte pas la République, se pose ouvertement en prétendant, et ne cache pas son ambition de tout faire pour restaurer la monarchie. Il a un goût très vif de l’autorité et une conception volontariste (dirions-nous aujourd’hui) et active de la fonction royale, qu’il ne veut pas purement symbolique. Il reprendrait volontiers à son compte la formule de Guizot, « Le trône n’est pas un fauteuil vide ». Et il entend agir pour restaurer la monarchie et monter sur le trône. Il fait foin des prudences politiciennes des notables conservateurs, de la stratégie cauteleuse et équivoque du Saint-Siège, des évêques et des intellectuels catholiques, tout comme d’ailleurs des conceptions providentialistes de la monarchie qui attendent la restauration de celle-ci de la volonté de Dieu et de la conformité au principe de la royauté de droit divin. Il écrit au duc d’Audiffret-Pasquier en 1896 : « Il faut cependant choisir entre figurer la monarchie ou la faire. Ce n’est point le principe qui ramènera le prince, mais le prince qui ramènera le principe ». Il renoue ainsi avec l’audace capétienne de Robert le Fort (sauveur du royaume franc contre les Normands et précurseur de la dynastie capétienne). Philippe ignore la consigne pontificale de ralliement et s’active afin de restaurer le trône sur lequel il espère bien monter, lui aussi. Ce prince se sait justifié au jugement de Dieu par sa foi catholique et sa défense d’un ordre monarchique de droit divin.

Le mouvement de la Jeunesse royaliste se sent conforté et stimulé par ce prince qui incarne si bien leur espérance, et que nulle autorité spirituelle et morale, surtout pas l’Eglise catholique aux principes de laquelle il est si conforme, ne saurait récuser. Le pape et les “ralliés” peuvent prêcher leur politique et s’assurer l’adhésion des fidèles par des consignes et des objurgations, le « jeune royaliste », lui, sait, où est son devoir, se sent pénétré des valeurs et principes qui l’inspirent, et il persévère ardemment et sans esprit de dissidence morale dans la conduite qu’il lui dicte.

 

L’échec politique des catholiques ralliés

 

En 1893, le mouvement de ralliement des catholiques à la République en est à ses premiers balbutiements. On est loin d’en parler comme d’un événement politique majeur (moins encore d’un événement historique) dont on écrirait le nom avec un R majuscule ou en italiques. Le toast du cardinal Lavigerie n’a pas encore produit tous ses effets et demeure un geste contesté, même pour beaucoup d’évêques. Le pape publie son encyclique le 16 février de cette année 1892. A la suite de cette publication, la propagande des milieux intellectuels catholiques et ecclésiastiques, par leurs journaux et livres, commence de manière torrentielle, il convient de le préciser. Albert de Mun et Jacques Piou, les ténors catholiques de la Chambre, annoncent leur ralliement à la République[6] et transforment leur groupe parlementaire en Droite constitutionnelle. Mais les élections législatives des 20 août et 3 septembre 1893, marquées par un progrès général de la gauche, une percée du socialisme, et un recul de la droite, seront un échec pour les catholiques ralliés, qui voient se dresser contre eux des monarchistes récalcitrants. Aussi, ils ne parviennent pas à s’imposer comme une force parlementaire. Les militants de la Jeunesse royaliste, eux, ont beau ne pas avoir de représentants à la Chambre, ils existent et se manifestent par une intense activité faite de grandes réunions publiques (on ne parlait pas encore de meetings), de discours, et de diffusion de brochures. Et ils séduisent la jeunesse intellectuelle. À n’en pas douter, nous assistons, dans les dernières années du XIXe siècle, à une renaissance du mouvement monarchiste, qui semblait alors s’acheminer vers son extinction. D’aucuns croient alors à la formation imminente d’un vrai parti royaliste.

 

Le revirement du duc d’Orléans

 

Mais la vie politique n’a rien d’un long fleuve tranquille, et, au contraire, se nourrit d’imprévus, de péripéties et de convulsions qui infirment les pronostics les plus sûrs et déçoivent les plus grands espoirs.

Ainsi, l’ascension continue du mouvement jeune royaliste va se trouver brusquement arrêtée par un événement, de prime abord imprévisible : le revirement du duc d’Orléans, prétendant à la couronne de France.

C’est que, hélas, ce prince jeune, ardent, au caractère entier, prompt à l’action et à l’engagement, prétendant rêvé pour ses partisans, va bientôt montrer des limites qui manifestent qu’il est bien en phase avec l’esprit de son époque, que pourtant il combat. Dans une lettre à Eugène Dufeuille (chef de son bureau politique) du 17 décembre 1897, il écrit ces lignes prosaïques du plus pur jus orléaniste, dignes de son père, le comte de Paris, et de son arrière grand-père Louis-Philippe, roi des notables : « Je demande aux royalistes de travailler au triomphe des idées d’ordre, de conservation sociale et de liberté. La France ne retrouvera qu’avec la monarchie constitutionnelle et libérale la prospérité et la grandeur dont elle a joui sous la Restauration et sous le gouvernement de Louis-Philippe mon aïeul ». Le comte de Paris avait tenu de semblables propos quelques années plus tôt. Dans son manifeste de 1887, on peut lire ces lignes consternantes : « Ils [les monarchistes] ne doivent donc s’occuper aujourd’hui que de défendre les intérêts conservateurs de la fortune publique… Ils auront ainsi bien mérité de la France conservatrice ».

Atterrés par cette inattendue profession de foi conservatrice et bourgeoise, donc d’acceptation de l’ordre social issu de la Révolution, les Jeunes Royalistes protestent en mettant en cause l’entourage du prétendant afin de ne pas heurter de front ce dernier qui les avait habitués à une tout autre conception de l’engagement monarchiste. Nous ne pouvons, dans les limites du présent travail, exposer par le menu les péripéties de la controverse les opposant au bureau politique du prince. Le 27 décembre, le comité central de la Jeunesse Royaliste réitère ses objections et réaffirme sa conception traditionnelle de la monarchie de droit divin, tout en réaffirmant sa fidélité au prétendant. Mais les jeunes royalistes, même s’ils s’efforcent de croire que le prince va revenir à la conception traditionnelle et non libérale de la monarchie, qu’il avait défendue jusqu’alors, sont irrémédiablement déçus et brisés. Ils ont soudain compris que ce prince, qu’ils avaient idéalisé et adoré, n’est pas un nouveau Robert le Fort ou un nouvel Henri IV, preux chevalier de la restauration de la monarchie de droit divin, prompt à tirer l’épée et à charger lance au poing, mais l’arrière-petit-fils de Louis-Philippe, tenant d’une monarchie constitutionnelle fondée sur les principes et l’œuvre de la Révolution et du Consulat, au service de la bourgeoisie libérale, et gouvernée par des Guizot et des Thiers. Autrement dit une monarchie qu’il suffit de faire évoluer avec le temps et le jeu de succession et de différences des générations, pour la transformer graduellement en République des Ducs, puis, une fois la phase “révolutionnaire” et anticléricale passée, en une République bourgeoise libérale (couronnée ou non), conservatrice des “acquis” de 1789 et s’accommodant parfaitement de la politique de Ralliement. Philippe, par une lettre du 2 janvier 1898, annonce à Roger Lambelin, président de la Fédération de la Jeunesse Royaliste de France, qu’il place cette dernière sous le contrôle étroit de son bureau politique, alors dirigé par André Buffet. En février de cette nouvelle année, le duc de Luynes, un des amis les plus proches du prétendant, exhorte, dans un discours, les Jeunes Royalistes, à se mobiliser pour assurer le « triomphe des idées d’ordre, de conservation sociale et de liberté », reprenant textuellement les termes du prince dans sa lettre à Dufeuille du 17 décembre 1897, et prouvant ainsi que celle-ci exprimait bien la pensée de Philippe lui-même non dévoyée ou déformée par de mauvais conseillers.

 

La soumission de la Jeunesse royaliste au duc d’Orléans

 

L’année 1898 voit s’élargir la faille entre le bureau politique du prince et les Jeunes royalistes. Le premier, conformément à l’inclination du prince lui-même, semble s’orienter vers la recherche d’une union des monarchistes avec les conservateurs ralliés dans une sorte de nouveau « parti de l’Ordre ». Les seconds, soutenus par des caciques de la cause royaliste, tels Athanase de Charrette et Eugène de Lur-Saluces, combattent résolument cette tendance et, lors des élections municipales et législatives, n’hésitent pas à faire cause commune avec les radicaux et les socialistes contre les républicains modérés et les “ralliés”. Et les vieux clivages entre légitimistes, orléanistes et tenants de la tradition plébiscitaire (“bonapartistes”) que le mouvement de la Jeunesse Royaliste avait dépassés dans une audacieuse synthèse et par son dynamisme même, ressurgissent. Placée sous la coupe du bureau politique du prince, la direction de la Fédération de la Jeunesse Royaliste de France se laisse peu à peu gagner à ses vues. Et ses anciens chefs, naguère fiers lanciers chargeant sabre au clair, s’enkystent en son sein. Paul Bézine (1900-1909) puis Roger Lambelin (1909-1912) occupent successivement le poste de chef de ce bureau politique et poursuivent la politique d’André Buffet conformément aux vues orléanistes classiques de conservation sociale exprimées par Philippe d’Orléans lui-même. En définitive, le mouvement Jeune Royaliste n’aura été qu’un feu de paille, l’illusion de la renaissance d’un monarchisme authentique.

Il reste cependant que la jeunesse, l’énergie et le dynamisme de ses meneurs et de ses militants, le caractère rationnel de leur engagement, leur absence d’attaches familiales à l’égard de la cause de la restauration royale, auront indiqué à de nouveaux venus, tels Henri Vaugeois, Maurice Pujo et Charles Maurras, la voie à suivre pour le profond renouvellement du mouvement monarchiste. La Jeunesse royaliste de France aura préparé l’apparition de l’Action française, créée en 1899.

 

Paul-André DELORME

Article paru dans le journal Rivarol du 28 avril 2021.

 

 

[1]. Le prétendant à la couronne de France est alors Philippe d’Orléans, petit-fils de Louis-Philippe.

 

[2]. Compte rendu de La Gazette de France du 13 février 1892.

 

[3]. Ibidem

 

[4]. Ibidem

 

[5]. Ibidem

 

[6]. En réalité, Albert de Mun, légitimiste de cœur et d’âme, n’acceptera jamais intimement et officiellement le Ralliement. Il se contentera de ne pas contester la République.

 

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