L’attaque d’Annecy, une fable moderne

L’attaque d’Annecy, une fable moderne

Jeudi 9 juin 2023 au matin, un “réfugié Syrien”, un “migrant”, “une chance pour la France”, en réalité un immigré clandestin demandant frauduleusement à jouir d’un droit d’asile devenu fou, un remplaçant, un soldat de la guerre d’occupation et de terreur menée à la France et à l’Europe à frappé comme la foudre.
 
Il a frappé d’un couteau des assistantes maternelles, il a frappé des enfants en bas âge dans leurs poussettes. Il a frappé les imaginations jetant l’effroi dans la foule hébétée, glaçant les masses par la terreur d’une menace pouvant s’abattre sur tous – jusqu’aux bébés – dans les recoins les plus calmes et les plus sûrs du territoire, comme un square d’enfants d’Annecy.
 
Cette Attaque d’Annecy, puisqu’il faut lui donner le nom que l’histoire retiendra pour marquer cette “première” qui ne manquera pas de reproduire, est une fable moderne. Cette histoire ne manque pas d’incohérences comme souvent dans ces attaques sidérantes, de Nice au Bataclan, des moines de Tibérine à Charlie Hebdo, d’Abdelhakim Dekhar à Salah Abdeslam, du commandant Beltrame à Samuel Paty.
En ce sens cette histoire est fabuleuse, elle fabule, elle affabule. L’assaillant qui s’est déclaré chrétien, aurait revendiqué l’attaque au nom de Jésus et aurait été trouvé en possession d’une bible. Ce sont en tout cas des éléments produits par les médias du mensonge de masse. 
 
Cette Attaque relève du registre de la fable car c’est un résumé exemplaire de contraction, une compression de l’époque.
L’auteur de cet acte inimaginable serait un réfugié Syrien qui aurait passé presqu’une décennie en Suède où il se serait marié, avant de se voir refuser le statut de réfugié, avant de tenter de l’obtenir en France… et d’y essuyer deux refus. 
Cette banale histoire de tourisme du statut de réfugié politique avec tous ces avantages en nature et en numéraire nous parle des choix catastrophiques pris par les oligarchies cosmopolites de France et de Suède ayant conduit ces deux pays au fond du gouffre migratoire où ils s’abîment.
Cette affaire est un fable en elle-même, les éléments de la dramaturgie étant proprement incroyables, fabuleux lorsqu’on veut bien les examiner à tête reposée. Nous ne contestons pas leur réalité, encore que la mise en scène plus ou moins complexe soit toujours possible, mais nous voudrions attirer l’attention du lecteur sur la façon dont cette histoire est narrée et comment elle s’insère dans le gouvernement par le chaos. 
Le régime du ferichisme de la marchandise spectaculaire que sont les démocratures juives ne veulent pas être jugées sur leurs résultats mais sur leurs ennemis.
C’est pourquoi, si l’horreur médiatique est à son comble, et quelques soient les mensonges ou leurs usages, il est utile de rappeler quelques faits généraux que la sidération terroriste cherche à sublimer : 
Pour compenser la baisse tendancielle du taux de profit, les oligarchies qui administrent la dette faramineuse de l’économie de la fausse monnaie importe massivement des ressortissants du tiers monde ayant traversé les traumatismes de la guerre terroriste des organisations islamistes takfiri pilotées sous faux drapeau par l’Otan afin de tirer les salaires et les coûts à la baisse. Il est inévitable qu’en important des esclaves atteints de syndromes post traumatiques, on devienne le tiers monde atteint de syndrome post traumatique. 
Il n’y a donc pas lieu d’être surpris ou ému. Ce qui était prévisible finit par se produire.
Cette Attaque n’est que la cristallisation de tout ce qui ne tourne pas rond dans ce pays failli qui fut naguère la France, maîtresse des armes, des arts et des lois. Cela fait plus de 120 ans que l’Action française averti des conséquences d’une mauvaise politique, du régime de l’Étranger, du règne de l’Ennemi. 
Ne vous épouvantez pas, ne soyez point au comble de l’horreur, ne perdez pas vos moyens. Cette Attaque n’a rien de surprenant. A faire entrer par paquets de mille des takfiri des zones de guerre contrôlées par l’armée turque de l’Otan, il fallait s’attendre à ce que les horreurs qui endeuillent la Syrie depuis 10 ans s’en vinssent sur nos rivages
 
Quelles solutions me direz-vous ? Remigrer tout ce beau monde, arrêter les guerres par proxy de l’Otan, mettre fin au laxisme en toute matière, remettre l’église au centre du village… mais avant, reprendre le pouvoir des mains des oligarchies génocidaires en abattant leur République du gouvernement par la terreur.
Car ne vous y trompez pas : ces attaques sont des actes de gouvernement. Je ne dis pas des actes du gouvernement. De gouvernement. Une fois encore, le Reichtag brûle.
Sébastien de Kerrero 
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Les délires démocratiques dans le premier laboratoire sociétal de l’Occident

Les délires démocratiques dans le premier laboratoire sociétal de l’Occident

“Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir.
Peu de choses lui manque pour crier : « Je suis libre … » Mais le petit homme ?

Au petit homme, il manque tout. Bien avant de courir, il a besoin d’être tiré de sa mère, lavé, couvert, nourri. Avant que d’être instruit des premiers pas, des premiers mots, il doit être gardé de risques mortels. Le peu qu’il a d’instinct est impuissant à lui procurer les soins nécessaires, il faut qu’il les reçoive, tout ordonnés, d’autrui”

Charles Maurras

 

Jacinda Ardern, premier ministre de Nouvelle-Zelande

La Nouvelle-Zélande est-elle devenue le laboratoire progressiste du monde occidental et en particulier de son hémisphère sud ? En effet, ces dernières années, sous l’impulsion, l’égide ou la représentation du chef du gouvernement réélu l’année dernière pour un nouveau mandat, l’hystérique Jacinda Ardern, le pays du kiwi sombre dans les plus noirs marécages de la révolution sociétale, faisant passer la France, pour l’heure, à un pays conservateur. C’est dire !

Le dernier projet tout politique mené par la jument de Wellington a été dévoilé lundi 21 novembre à l’issue d’un arrêt de la Cour suprême de Nouvelle-Zélande : l’ouverture du droit de vote aux plus jeunes. En effet, le tribunal composé de juges proches du parti travailliste et du parti progressiste (donc proches de Jacinda Ardern) a estimé que l’âge actuel du droit de vote, fixé à 18 ans, enfreignait « les droits des plus jeunes ».

Les gamins vont-ils urner ?

Pour y remédier l’exécutif propose dès maintenant que le parlement abaisse cette limite d’âge à 16 ans.

« Je soutiens personnellement un abaissement de l’âge, mais ce n’est pas une question qui me concerne ou même [qui concerne] le gouvernement », a expliqué Ardern. « Tout changement de la loi électorale de cette nature requiert le soutien de 75 % des parlementaires. C’est pour cela que, selon nous, il s’agit d’une question plutôt destinée au Parlement, pour que chacun puisse s’exprimer », a-t-elle ajouté. Une manière insidieuse de dire que cette tendance vers une égalité toujours plus forte ne serait pas le fait du politique, d’une décision arbitraire mais le fruit d’une longue maturation de l’opinion désireuse d’une nouvelle réforme en la matière. Dès 2023, de jeunes adolescents pourraient donc enfiler l’urne pour les élections générales. Le camp progressiste néo Z a l’air très confiant quant à l’avenir de ce projet qui ressemble d’ores et déjà à une étape d’une révolution politique consistant à terme à donner un droit de vote aux enfants de 7 ans et plus. Nous pouvons en faire le pari. Mais à quoi ça sert ?

Le camp progressiste a envahi les esprits, il n’entend plus les quitter

Derrière le prétexte de l’égalité politique (La Nouvelle-Zélande s’enorgueillit d’avoir été la première nation à avoir accordé le droit de vote aux femmes en 1893) qui serait un peu la marque de fabrique de la démocratie néo-zélandaise, existent d’autres enjeux. Le premier d’entre eux est la perpétuation de l’infâme politique dite progressiste mise en application par un personnel politique qui assume parfaitement son rôle de pionnier en matière de révolution sociétale. Pourquoi ? Tout simplement parce que les plus jeunes sont aujourd’hui majoritairement, en Nouvelle-Zélande comme dans la plupart des pays occidentaux, plus enclins à soutenir tous les délires démocratiques qui gangrènent nos sociétés moribondes. Donner accès à l’urne chaude aux plus jeunes est un moyen pour la gauche dégénérée de remporter les prochaines élections, et certainement les plus importantes d’entre elles.  Cet instrument politique va permettre en définitive de poursuivre cette funeste révolution sociétale, inlassablement, jusqu’à la liquéfaction parfaite de la société résiduelle traditionnelle. La jeunesse, la plus verte, n’aura en effet connu durant son existence que la plus brutale des propagandes homosexualistes, abortives et transgenres avec les résultats effroyables que nous connaissons ici même en France. Mais la Nouvelle-Zélande est ce laboratoire social dont les interminables « avancées » prouvent que le pire est toujours possible.

L’avortement pour toutes, où elles veulent, quand elles veulent

Alors que jusqu’en 2020, une forme d’hypocrisie recouvrait les avortements dans ce pays effectivement très noir (la tenue de leurs rugbymen adorés symbolise très bien ces ténèbres) puisque l’avortement n’était pas légal mais pratiqué dans 98% des cas sous le prétexte fallacieux d’une maladie mentale de la génitrice, la dépénalisation aura été là-bas le prétexte d’une libéralisation totale de l’IVG considéré désormais comme un soin pour lequel aucun justificatif n’est demandé et cela jusqu’à 20 semaines de gestation. Après ce délai, la génitrice n’a qu’à consulter un médecin à deux reprises pour qu’elle puisse éliminer le bébé à naître dans l’une de ces rutilantes cliniques prévues à cet effet. La permissivité abortive est si large que des Américains (des couples et des Américaines sexuellement incontinentes) ont décidé de vivre en Nouvelle-Zélande uniquement pour cette raison ! Ce n’est pas une très mauvaise plaisanterie, malheureusement non, et depuis les menaces pesant sur la liberté abortive aux Etats-Unis, les demandes d’immigration au pays du mouton ont augmenté de 65% !

Le transsexualisme glorifié !

Autre délire poussé plus loin qu’ailleurs sur ces îles australes, le transgenre et le transsexualisme. Phénomènes qui ont le vent en poupe avec le personnel très libéral aux manettes et avec un parlement qui revendique comme LGBT plus de 10% de ses députés.  En 2020, le Comité olympique de Nouvelle-Zélande (soutenu par Jacinda Ardern) annonce la qualification pour les Jeux olympiques d’été de 2020 dans la catégorie des +87 kg l’haltérophile Laurel Hubbard, un homme affirmant qu’il est femme dans sa tête. Et ça passe ! Les cheveux longs, il devient (elle devient, devrions-nous dire si nous étions poli et zozo) alors le premier athlète trans à concourir aux Jeux olympiques et l’haltérophile le plus âgé à se qualifier avec, à 43 ans, plus de vingt ans de plus que la plupart des autres concurrentes. Le pauvre Hubbard n’est autre que le fils (pardon fille) de l’ancien maire d’Auckland, la plus grande ville du pays. Cela en dit long sur la putréfaction de ses élites.

Enfin, les lecteurs de l’Action française ne sont pas sans savoir que la Nouvelle-Zélande a légalisé l’euthanasie en 2021 et que tout individu considéré comme « condamné » a le droit de jouir des bons services des hommes en noir. A la lumière des dernières évolutions politiques, gageons que le kiwi qui a déjà perdu ses ailes, perdra bientôt ses petites pattes. Restera le temps de son agonie.

Max Lacogne

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Catholicisme et démocratie : entretien avec l’abbé Claude Barthe

Catholicisme et démocratie : entretien avec l’abbé Claude Barthe

Nous nous retrouvons pour un entretien avec l’abbé Claude Barthe, à l’occasion de la publication de son livre « La tentation de ralliement. Être catholique en démocratie » aux éditions de l’Homme Nouveau. Il va sans dire que l’annonce de cette parution nous réjouit particulièrement et cela pour une raison bien précise :  nous constatons, depuis de nombreuses années, que le clergé catholique a cessé de s’intéresser aux questions politiques fondamentales. Rares sont les critiques qui portent sur les nouvelles propositions de loi ou les cadres institutionnels, dans lesquels celles-ci sont prises ! C’est ici que l’auteur se démarque, en critiquant précisément ce qui était laissé de côté. Cette critique qu’établit l’abbé Barthe est, certes, une critique catholique, mais les réflexions menées peuvent intéresser également ceux qui se trouvent hors de l’Église. Voici un autre mérite de ce livre : en peu de pages, l’auteur parvient à saisir le cœur du problème auquel se heurte la conscience catholique et à nous l’exposer le plus clairement possible. Qu’il en soit sincèrement remercié, nous espérons que cette réflexion inspirera de nombreux catholiques.

Action Française : Monsieur l’abbé, nous vous remercions d’avoir bien voulu nous accorder cet entretien. Nous aimerions, premièrement et en guise de préambule, que vous éclaircissiez un point : quel regard porte traditionnellement, l’Église, sur la démocratie comme système politique « neutre » ? Ceci étant précisé, de quelle démocratie traitez-vous dans cet ouvrage ? Est-ce une forme de démocratie particulière, quels en sont ses éléments constitutifs ? En effet, vous écrivez dans votre livre : « Elle montre aussi le caractère hasardeux des déclarations ecclésiastiques contemporaines sur le « système démocratique ». Elles supposent en effet que ce système est en soi neutre, en le ramenant à l’une des formes possibles de gouvernement des sociétés politiques naturelles : monarchie, aristocratie, démocratie, régimes mixtes ; de ce fait, elles font abstraction de l’essence contre-nature et areligieuse, du régime considéré, celui de la démocratie moderne » (p. 64).

 

Abbé Claude Barthe : Vous allez tout de suite au cœur du sujet. Jean Madiran, dans Les Deux Démocraties (Nouvelles Éditions latines, 1977), soulignait que la source de la confusion – volontaire ou pas – de ceux qui veulent « baptiser » la démocratie moderne, celle née de la Révolution, résidait dans le fait qu’ils l’assimilent à la démocratie « traditionnelle », celle d’Athènes ou des cantons suisses de jadis. Cette dernière est une forme de gouvernement parmi d’autres. On peut, et on doit discuter de son adéquation ou de son inadéquation avec tel peuple déterminé, mais elle peut en soi, permettre la recherche du bien commun de la Cité. En revanche, la démocratie de Rousseau, qui veut que le pouvoir souverain émane de l’ensemble des citoyens et que la loi soit l’expression de la volonté générale – deux principes gravés dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 -, va contre la nature de la société des hommes, dans laquelle le pouvoir, même s’il est exercé par le peuple, émane de Dieu, et dans laquelle la loi humaine se raccorde à la loi naturelle, inscrite par Dieu dans le cœur des hommes. Par le fait, si une nation est baptisée, ce décrochement se fait aussi par rapport à la Religion, dont le Prince ou les magistrats sont les défenseurs-nés (cf. le serment du sacre des rois de France).

AF : Ceci étant dit, nous aimerions vous poser une seconde question préliminaire. Vous écrivez : « User du monde comme n’en usant pas : vivant au sein d’un monde mauvais, il faut en sortir au moins moralement, en s’élevant contre lui, en se préparant effectivement à le remplacer. ». En quoi ce monde est-il mauvais ? En quoi les systèmes institutionnels, issus de la Révolution française sont-ils mauvais ?

Abbé Claude Barthe : Dans la mesure où l’élaboration de la loi humaine ignore par principe, la transcendance de la loi divine, totalement ou partiellement ; aussi longtemps que l’état de l’opinion reste influencé par le catholicisme, elle devient ce que Jean-Paul II qualifiait de « structure de péché ». Il parlait de la loi mauvaise, mais ce n’est pas seulement la loi démocratique qui est source de péché (elle peut d’ailleurs parfois être bonne, accidentellement pourrait-on dire), c’est le principe même, qui veut que la loi, émanant de la « volonté générale », cherche à s’accorder aux désirs des individus, qui est vicié. La subversion de la loi naturelle ne se réduit certes pas à celle de la morale familiale : ainsi le seul fait que la société soit laïque, c’est-à-dire athée est déjà contre-nature ; le Prince ou les magistrats ont, comme le père de famille, en tant que chef de famille, des devoirs religieux. Il ne faut cependant jamais oublier qu’une des grandes « conquêtes » de la Révolution va contre la structure familiale : la loi sur le divorce. La destruction de la société familiale est un marqueur de déstabilisation révolutionnaire. Aujourd’hui, avec l’accélération de la transformation individualiste d’une société de plus en plus sécularisée, l’envahissement d’un marché mondialisé, l’auto-asservissement idéologique des individus « libérés », la subversion du droit naturel est devenue maximale : sous nos yeux, de législature en législature, la « volonté générale » de Rousseau et de l’Encyclopédie, se traduit par une suite d’« avancées » libérales, qui sont en fait des compromis entre les désirs divers et parfois opposés, des individus.

AF : Voici donc devant nos yeux la nouvelle Cité qui s’est érigée après la Révolution française et qui s’est donné des institutions déterminées, une Cité diamétralement opposée à la Cité chrétienne. Pouvez-vous maintenant nous préciser ce que vous entendez par ralliement et nous donner les grands moments historiques de ce mouvement ? Nous connaissons tous celui de Léon XIII, le plus célèbre, mais certaines formes de ralliement n’existèrent-elles pas avant et après celui-ci ?

Abbé Claude Barthe : Entre ces deux bouleversements majeurs que furent la Révolution française pour la société et le Concile Vatican II pour l’Église, dans un espace de près de deux siècles, cette dernière a fonctionné sur deux registres. Son magistère pontifical a été sans discontinuité anti-libéral, condamnant les principes idéologiques de la société moderne, dont la principale forme, comme n’a cessé de le répéter Bernanos, est politique. De Pie V, condamnant la Constitution civile du Clergé, à Pie XII, rappelant les droits de la vérité dans la loi, Pie IX, Pie X, Léon XIII (Immortale Dei, sur la constitution chrétienne des États), Pie XI (Quas primas, sur le Christ-Roi).

Mais dans le même temps, la diplomatie des hommes d’Église – je prends ce terme dans un sens très large de négociation entre l’Église et la société – a cherché, dans l’intention de donner une place publique au culte chrétien, à l’enseignement catholique, etc., des accommodements semi-idéologiques avec les régimes issus de la Révolution. On peut discuter des avantages et inconvénients du Concordat signé avec Bonaparte, mais on ne peut douter que le fait que Pie VII ait accepté de sacrer l’héritier et le consolidateur de la Révolution, ait eu une portée morale de ralliement de l’institution ecclésiastique à l’État nouveau.

Ensuite sont venus les consignes de ralliement de Léon XIII, par l’encyclique Au milieu des sollicitudes de 1892, demandant aux catholiques français d’adhérer « sans arrière-pensée » au régime fondé sur cette conception moderne de liberté que le même Léon XIII condamnait dans son encyclique Libertas. Léon XIII séparait, pour ce faire, les lois mauvaises de la IIIème République, du régime lui-même supposé neutre. L’adhésion au régime pouvant permettre, selon lui, par le biais des élections, de faire changer les lois…

Il y eut aussi ce qu’on a nommé le « Second Ralliement », à savoir ce concordat informel intervenu, à partir de la première guerre mondiale, à la faveur de « l’union sacrée », entre l’Église et la République française, qui aboutit, en 1921, au rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège ;  avec le retour des congrégations, chassées par la loi de Séparation, le tout dans une atmosphère d’entente cordiale entre les hommes d’Église et la démocratie, dont ils affirmèrent volontiers la « légitimité » au titre du pouvoir établi.

L’abandon des Cristeros, ces catholiques du Mexique, insurgés au cri de Viva Cristo Rey ! contre les lois laïques tyranniques, a résulté des arreglos du 27 juin 1929, aux termes desquels le culte était théoriquement rétabli, mais avec obligation pour les Cristeros de remettre leurs armes, ils furent dès lors, massacrés.

On pourrait continuer : le radio-message adressé au monde entier par Pie XII, le 24 décembre 1944, dans le contexte de  fin de  guerre avec l’Allemagne, faisait plus que jamais bénéficier la démocratie de la légitimité du pouvoir établi, mais en rêvant à une « vraie et saine démocratie » qui serait « fondée sur les principes immuables de la loi naturelle et des vérités révélées », avec laquelle n’avait rien à voir la démocratie à laquelle participaient activement les partis démocrates chrétiens en France, Allemagne, Italie, Belgique.

AF : Vous inscrivez dans ce mouvement, la condamnation de l’Action française – plus exactement de son journal et de certaines œuvres de Charles Maurras – en 1926 par Pie XI. Nous aimerions nous y arrêter car nous pensons que cette question est d’une importance capitale, il s’agit à vrai dire, d’une question nodale. Précisons qu’il ne s’agit pas du cœur de votre livre et que vous ne faites qu’évoquer l’événement dans un contexte plus large, ajoutons aussi, que la question est d’une réelle complexité et que la bibliographie qui traite de cet événement commence à être conséquente. Néanmoins, selon vous, est-ce que cette tentative de ralliement – on parle même de second ralliement – est première dans les motivations qui poussèrent à cette condamnation ? Est-ce qu’au-delà des questions doctrinales, ce qui mit en mouvement cette affaire est d’ordre politique ?

Abbé Claude Barthe : Il est sûr que dans le contexte de rétablissement des relations diplomatiques de la France avec le Saint-Siège, en 1921, la mise à l’index, cinq ans après, de L’Action française est apparue comme un cadeau inespéré pour la démocratie de Briand, qui a été, de fait ou intentionnellement, un des éléments de la négociation.

Tout était étrange dans cette affaire. D’abord, la « condamnation » n’était en réalité qu’une mise à l’index, c’est-à-dire une inscription sur la liste des écrits que les catholiques n’avaient pas le droit de lire, mais elle était assortie des peines dignes d’une excommunication pour les récalcitrants : refus d’absolution, refus des derniers sacrements et de l’enterrement à l’église. Ensuite, Pie XI n’a jamais explicité ses reproches doctrinaux. Il a seulement dit que Maurras faisait partie de ceux « qui mettent les intérêts des partis au-dessus de la religion et font servir celle-ci, à ceux-là », leurs doctrines étant « dangereuses tant pour la foi et la morale que pour la formation catholique de la jeunesse », sans autre précision (allocution aux cardinaux, 20 décembre 1926). On aurait pu reprocher à Maurras, l’agnostique, de ne pas faire du catholicisme de l’État, l’essence d’une restauration, comme le voulait le cardinal Billot, qui paya son amitié pour l’Action française d’une privation de la pourpre romaine. On aurait pu lui reprocher son naturalisme politique, mais le naturalisme de la démocratie chrétienne italienne qu’aimait Pie XI, était autrement manifeste.

La « condamnation » du principal mouvement antirépublicain a évidemment poussé vers la République un nombre de catholiques qui, déjà, depuis le Second Empire, se détachaient de la poursuite de restauration d’un État traditionnel. Un autre effet du ralliement de la « condamnation » tient à ce que, outre le cardinal Billot, tous les catholiques dits « intégraux », hostiles au Ralliement prôné par Léon XIII, entrèrent dans une période noire et furent marginalisés : par exemple, le P. Henri Le Floch, spiritain, supérieur du Séminaire français de Rome, dut se démettre, de même que le directeur de La Croix, l’abbé Bertois. Et surtout, au fur et à mesure que disparaissaient les évêques « intégraux » nommés ou poussés par saint Pie X (Marty à Montauban, Penon à Moulins, Ricard à Auch), étaient nommés des évêques démocrates : Feltin à Bordeaux, Liénart à Lille, Gerlier à Lyon, qui conduiront les destinées de l’Église de France jusqu’au Concile, et pour lesquels la contestation politique se réduisait à la défense de l’école libre.

AF : Monsieur l’abbé, selon vous, y a-t-il eu un véritable changement de politique, quant au ralliement, avec le second concile du Vatican ?

Abbé Claude Barthe : Jusqu’à Vatican II, l’adhésion à la démocratie libérale née de la Révolution, était d’ordre diplomatique, avec la pensée que cette adhésion vaudrait reconnaissance et liberté pour l’Église, mais le magistère rappelait invariablement les principes anti-libéraux qui, du point de vue politique, condamnait les principes de l’État « de droit nouveau ». Avec Vatican II, il y a eu adhésion de principe. Le retournement s’est fait techniquement de la manière suivante : la doctrine morale, et donc politique, classique, considère qu’on ne peut donner de droit au mal et à l’erreur ; cependant, pour éviter de grands désordres, dans certaines circonstances, on peut tolérer (c’est-à-dire ne pas punir) certains maux ou erreurs (l’édit de Nantes était un édit de tolérance typique). Mais la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse de Vatican II a fait de la tolérance un droit, en affirmant en son n° 2 que « tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus, que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain, que ce soit ; de telle sorte qu’en matière religieuse, nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. » Bien entendu, on avait toujours affirmé qu’on ne pouvait pas agir en matière religieuse contre sa conscience : par exemple, il n’a jamais été permis d’obliger au baptême. En revanche, la doctrine traditionnelle enseignait qu’un État œuvrant à la recherche du bien commun, devait empêcher la diffusion de l’erreur et du mal, sauf légitime tolérance afin d’éviter des maux plus grands.

Le retournement de principe s’est notamment manifesté par le fait que Paul VI, dès la fin du  Concile, a imposé aux États qui se réclamaient encore à l’époque, de la doctrine du Christ-Roi, d’adopter la liberté religieuse. Et ce fut la fin des États catholiques. L’enseignement officiel postconciliaire a posé le principe de « non-confessionnalité de l’État, qui est une non-immixtion du pouvoir civil dans la vie de l’Église » (Jean-Paul II, lettre aux évêques de France du 11 février 2005, à l’occasion du centenaire de la loi de 1905), avec au reste les meilleures et très naïves intentions du monde : on croyait qu’une « bonne » laïcité pouvait être un contre-feu au laïcisme.

La suite nous est bien connue : l’Église est désormais considérée comme une association parmi d’autres. À l’occasion de ce que l’on a nommé la crise sanitaire, on a pu noter à quel point semblait naturel le ralliement du catholicisme aux institutions modernes. Dans le monde entier, avec quelques exceptions courageuses, les épiscopats nationaux, se sont soumis aux directives des États au sujet de l’exercice du culte, alors qu’ils auraient dû défendre le principe de la liberté native de l’Église (quitte à décider eux-mêmes, au nom du bien général, des règles de prudence). En France, en Italie et en d’autres pays, ils ont même anticipé les mesures gouvernementales d’interdiction du culte public. On a vu en France, l’épiscopat interdire la célébration de baptêmes et de mariages pour se soumettre aux règles étatiques.

AF : Vous nous dites : « Retrait de compromissions, à la longue mortifères, ce qui donnerait plus de force à l’annonce du message et d’absence de complexe dans la prédication, à propos de la mise en œuvre de la doctrine du Christ-Roi, qu’il s’agisse du but ultime et lointain à poursuivre, celui du rétablissement d’une Cité chrétienne » (p. 95). Pensez-vous que, durant cet exil, qui devrait atteindre les catholiques intègres, la politique d’Action Française soit viable d’un point de vue catholique ? Nous pensons ici à un point particulier, celui du politique d’abord, et de l’alliance dans un mouvement laïc, de chrétiens qui militent pour la France et pour l’établissement d’une Cité chrétienne, et de non-chrétiens qui ne se battent pas pour l’établissement d’une telle Cité mais pour que l’Église, en tant que saine institution, soit défendue et promue, sans que rien ne l’empêche d’établir cette Cité ? Selon vous, cette position peut-elle être tenue pour un catholique ou la condamnation de Pie XI porte-t-elle précisément sur ce point ?

Abbé Claude Barthe : La condamnation de Pie XI, encore une fois, n’a jamais été explicitée. On peut rêver : si Charles Maurras avait intégré dans sa doctrine la pensée du comte de Chambord sur les rapports de l’Église et de l’État ou celle des théoriciens du carlisme espagnol, on eût été dans un tout autre contexte.

Il n’est pas dans mon rôle de clerc de dire ce qui concrètement, peut ou doit se faire pour une reconstruction politique. Mais je ne me dérobe pas pour autant à votre question à propos de la politique d’Action française au regard du combat pour le rétablissement d’une Cité chrétienne. Je remarque à ce propos que le catholicisme intégral français s’est renouvelé après la guerre avec une jeune génération de laïcs, aujourd’hui morts, qui étaient issus des rangs maurrassiens ou très influencés par la pensée de Maurras : Louis Salleron, Jean Ous­set, Jean Arfel (Jean Madiran), et bien d’autres. Mais après le Concile et Mai 68, le thème qui devint le plus prégnant au sein du catholicisme intégral fut simplement celui de la nécessité d’une « formation intellectuelle et morale » : on étudiait le corpus des encycliques anti-libérales, on magnifiait, à juste titre, Quas primas, et par osmose, par « capillarité », pour reprendre un terme célèbre de l’organisation de la rue des Renaudes (Jean Ousset), on rêvait de réinvestir de l’intérieur, la société en la christianisant. On imaginait pouvoir renverser l’hégémonie culturelle adverse, non pas au moyen de l’action politique, mais en établissant une hégémonie culturelle chrétienne ; hégémonie qu’il était bien sûr, impossible à la pensée politiquement dominante, d’admettre. En clair, on abdiquait tout projet proprement politique. Il me semble que le « politique d’abord » doit se comprendre comme le fait que le roi de France se voulait – ce que manifestait le sacre de Reims – le lieutenant de Dieu et le protecteur de l’Église, et pour cela faisait d’abord de la politique. Salazar, très influencé par la pensée de Maurras, n’est peut-être pas modèle en tout ce qu’il a réalisé, notamment pour que son œuvre lui survive, mais il a fait  de la politique, d’abord pour tenter de rétablir des institutions justes et soumises à la loi du Christ. De la droite organisation de la Cité, qui encourage la vertu et prépare à recevoir l’Évangile, dépend le salut possible d’un grand nombre.

Malgré son glissement concret hors du politique, le fait qu’une pensée issue du maurrassisme (la Cité catholique, fondée par Jean Ousset en 1946, avec son périodique, Verbe, devenu Permanences en 1963, son livre de référence, Pour qu’Il règne, de 1959, préfacé par Mgr Marcel Lefebvre, alors Évêque de Dakar) ou se réclamant expressément du maurrassisme (l’abbé Georges de Nantes, et sa Contre-Réforme catholique), ait cultivé l’idée d’une restauration de la Cité chrétienne, indique que les arrières-petits fils de Maurras peuvent aujourd’hui parfaitement adhérer à une théologie politique du Christ-Roi. Qu’il y ait dans leurs rangs, ou dans les rangs de mouvements analogues, des non-catholiques, ne change rien à l’affaire si ces derniers servent le bien commun : Sully, un des plus grands serviteurs de la monarchie, ne partageait pas la religion de son Prince, mais servait pleinement ses desseins. Nous n’en sommes pas là. Le vrai problème, dans l’état de déréliction où se trouve la France, est celui de penser les étapes par lesquelles on doit concrètement passer afin d’aller vers la nécessaire restauration d’une Cité juste, autrement dit ? penser une transition semblable à la fameuse transition démocratique, comme celle de l’Espagne, mais en sens inverse, une transition de restauration. Ceci est aussi un problème, directement politique, le vôtre.

AF : Nous vous remercions d’avoir bien voulu répondre à nos questions ! Nous encourageons tous nos lecteurs à se procurer au plus vite cet ouvrage, bien utile pour poser les jalons d’une réflexion catholique sérieuse, sur les institutions dans lesquelles nous vivons, en tant que catholique ou en tant que Français.

Propos recueillis par Guillaume Staub


Barthe Claude, La tentation de ralliement. Être catholique en démocratie, Paris, Éditions de l’Homme Nouveau, 2022, 111 p., 13 euros.
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ELECTIONS PRESIDENTIELLES

ELECTIONS PRESIDENTIELLES

Les racailles politiciennes se bousculent en vue du nouveau « coup d’état électoral » pour les prochaines présidentielles. 

Alors que les sondages sont cencés faire prévaloir les tendances de l’opinion publique, ils provoquent en réalité une manipulation de cette dernière, par leur multiplication et par les analyses médiatiques. 

Jusqu’à une date très récente, les sondages mettaient en exergue deux candidats potentiels qui s’affronteraient au second tour : Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Les autres candidats éventuels étaient présentés comme n’obtenant pas de scores importants au premier tour : Xavier Bertrand, Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Benoît Hamon. Néanmoins, la récente annonce de la candidature de Xavier Bertrand dans un entretien publié dans LE POINT change la donne et crée des tensions au sein de la droite, notamment au sein du parti Les Républicains. L’ancien ministre franmaçon de Chirac et Sarkozy avait soutenu Macron en 2017 pour barrer la route à Marine Le Pen. Xavier Bertrand, se réclame candidat de la droite traditionnelle bien qu’ayant quitté Les Républicains depuis la victoire d’Emmanuel Macron.

Son conflit avec Nicolas Sarkozy qui envisageait son retour en politique et la présentation de sa candidature à la magistrature suprême malgré ses déboires judiciaires, ont conduit ce dernier à favoriser l’émergence de la candidature éventuelle de deux de ses proches : l’actuel président des Républicains, Christian Jacob, ou François Baroin. Deux candidatures faibles certes, permettant à Emmanuel Macron de se faire re-élire, et à Sarkozy d’imposer des ministres proches de lui au sein du gouvernement sur lequel il exercera son influence.

Dans cette cacophonie républicaine, l’ancienne ministre et présidente du Conseil régional de l’Ile de France qui a également quitté Les Républicains en 2019, Valérie Pécresse, ambitionne une candidature, à l’issue des prochaines élections régionales.

Selon nos sources, le Chef de l’État, Emmanuel Macron, tente d’empêcher ces élections d’avoir lieu, évitant de ce fait un baromètre électoral qui remettrait en cause sa légitimité et diminuerait ses chances de gagner ces élections.

Le sénateur et membre des Républicains, Bruno Retailleau, compte sur ces élections, à l’issue de celles-ci il appellera à des primaires au sein de son parti pour choisir un candidat de la droite. Ce vendéen, proche de Fillon, avance des idées en faveur de la défense de la famille, de la lutte contre l’immigration clandestine et contre la violence qui surgit dans notre pays. Il s’est insurgé récemmment contre la repentance de la France concernant la guerre d’Algérie et demande de qualifier la dérive islamisante en France de « séparatisme islamiste ».

Enfin, à gauche, malgré le désir exprimé il y a quelques mois par Hollande de revenir dans la course et présenter sa candidature, le Maire de Paris, Anne Hidalgo, tente de multiplier les coups médiatiques pour avoir plus de visibilité et légitimer sa propre candidature. Quant à Hamon, président de Génération socialiste, il présentera la sienne pour rester dans la course et préparer son parti en vue des prochaines élections de 2027, comme alternative à la droite. Les Français seront encore une fois tiraillés par ce jeu des partis politiques, au détriment de l’intérêt supérieur de la Nation. 

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La démocratie ou l’assèchement des esprits

La démocratie ou l’assèchement des esprits

La démocratie est un poison terrible parce qu’il intoxique l’homme tout en le rendant dépendant de son empire. Evidemment, comme tout dépendant, l’électeur, même occasionnel, n’avouera jamais sa dépendance, sa toxicomanie, à moins qu’on le pousse dans ses derniers retranchements au terme d’une maïeutique ininterrompue. Le problème principal dans cette psychanalyse de l’électoralisme, c’est, précisément, qu’elle est toujours perturbée par une nouvelle salve d’élections qui ruine à chaque fois le travail d’analyse, de réflexion essentiel accompli durant l’intervalle séparant deux campagnes électorales. A chaque fois, le malade (l’électeur ou le « joueur »), rechute, retrouve le chemin de sa névrose, retombe dans l’irrationnel, dans la pensée magique, refuse de voir, s’estime en mesure (seul en définitive, son vote est crucial!) de changer les choses ; le problème du moment se dénouera par son vote. Que prétend-il au moment M-1 ? Il avance toujours qu’il y verra plus clair après l’ouverture de l’urne, que des tendances nouvelles vont apparaître, que le Système va être contraint de prendre en considération son vote parce que sa volonté est imprimée et que sa volonté sur le papier, ça compte…

Voter, c’est exister, voter c’est résister, voter, c’est s’exciter.

L’excitation du jeu, l’excitation du vote

Voter, comme jouer, est une activité qui peut se transformer en addiction même si les dimanches électoraux ne sont pas nombreux. Pourquoi ? Parce qu’à la différence des jeux du Casino, du loto, des jeux à gratter débiles de la Française des jeux, parce qu’à la différence du shoot du junkie, le vote de l’électeur nécessite toute une préparation mentale et rituelle dont la durée fluctue selon la gravité de l’addiction de l’électeur.(Le terme addiction est d’étymologie latine, ad-dicere « dire à ».

Dans la civilisation romaine, les esclaves n’avaient pas de nom propre et étaient dits à leur Pater familias. Le terme d’addiction exprime une absence d’indépendance et de liberté, donc bien un esclavage.) Une préparation et une attente qui font monter le taux de dopamine dans le sang de l’électeur. Et plus la charge de dopamine dans l’organisme du gugusse est importante, plus ce dernier se sent euphorique, plus il s’impatiente dans l’attente élective. Plus la campagne électorale est longue (sa durée n’est pas objective, elle dépend de la psychologie de l’électeur, du degré de sa dépendance à l’élection), plus son esprit sera axé autour de l’espérance urnique, sera obnubilé par le mantra de la délivrance urnique. Plus c’est long, plus c’est bon pour l’urniaque. Aussi l’électeur addicte a tout intérêt à ce que la campagne électorale réduite seulement à ce qui évoque la décharge urnique c’est-à-dire aux slogans, à une ou deux idées (rarement plus) et surtout à un candidat starisé qu’il idolâtre pour son image, de plus en plus pour sa seule image dans un processus régressif faisant apparaître le candidat comme un père protecteur ou une mère nourricière et câline.

L’électoralisme est une dépendance qui se nourrit de l’image réconfortante de représentants qui ne représentent plus qu’eux-mêmes à la fin du processus. Ils deviennent sous le soleil artificiel des projecteurs des totems magiques qui disparaissent lorsque l’on éteint trop longtemps les lumières artificielles.

C’est pourquoi les plus atteints des électeurs souffrent d’une sorte de dépression, d’une tristesse lourde, après le déroulement des élections, même quand leur idole est « élue ». Le jeu est fini. La raison est de retour et chuchote à l’électeur retombé dans le monde réel qu’il s’est agité pour pas grand chose, même quand l’idole est élue. C’est la descente comme disent les drogués, celle qui succède toujours au trip et qu’il faut calmer par un autre trip. Avec les élections, ce n’est pas possible (quoique le Système les enchaîne de plus en plus et aide ainsi les tox à préparer leur descente, à faire en sorte qu’elle soit moins douloureuse cette descente, qu’elle respecte certains palliers de décompression), aussi observe-t-on souvent après les périodes électorales ces moments cotonneux de lassitude populaire, d’indifférence, d’atonie, d’abandon. Un phénomène paradoxal qui s’exprime même après des « séismes » électoraux qui auraient du mobiliser les partisans, mais visiblement pas les électeurs qu’ils sont devenus.

En 2002, le fameux Séisme n’a accouché que d’une dépression au sein de la mouvance nationale comme si les militants s’étaient tous transformés en électeurs jetables : Ouin, on n’y arrivera jamais. Ouin. Ils avaient oublié à cause du second tour, pourtant joué d’avance, qu’il y avait eu séisme ? A croire que le trip était passé et que le vrai combat nationaliste n’avait, en réalité, aucune importance à leurs yeux. C’est pas possible, entend-on les encore, c’est pas possible il existe un plafond de verre ! Pourtant, les électeurs sont sûrs « d’avoir tout donné », le maximum d’eux-mêmes. C’est en tout cas l’effet qu’ils ressentent après les élections qui nécessitent ensuite une sorte de « repos des braves ».

Après le vote, paroxysme de la tension psychique qui dope l’électeur-joueur, il lui faut se requinquer, le calme de la campagne, une plage, le vrai soleil pour lui chauffer la couenne. A l’instar du candidat qui récite comme un robot toujours les mêmes sornettes sur tous les plateaux télé, l’électeur est fatigué, à la fin. A la fin. Mais combien doit-il être malin et courageux le candidat de ses vœux à ses yeux pour revenir dans 6 mois, dans deux ans, dans 5 ans pour un nouveau Grand Chelem qu’il pourra gagner, cette fois… C’est sûr, foi de sa tension nerveuse qui sera une nouvelle fois au taquet quelques mois avant les prochaines échéances électorales. Entre temps, il vivra de la même façon la Coupe du monde de je ne sais quel ballon derrière son poste de télévision. Il soutiendra son équipe derrière la lucarne et lui enverra des ondes positives par son biais. Il donnera tout derrière son poste de télévision. Il ne l’avouera évidemment jamais ce zozo d’électeur que sa motivation d’urner, cette motivation qui revient après une période de vacances psychiques, découle en premier lieu d’une irritation des nerfs, de cette fièvre du jeu qui l’habite, et qu’il ressemble bien plus, cet électeur, à un turfiste qu’à un lecteur de Marx, de Maurras ou de Tocqueville. De toutes façons, quand on se contente de l’actualité crachée à 20 heures par un mannequin sur une chaîne de débiles mentaux, on prend nécessairement ces élections pour un jeu. Au moins les turfistes ont leur canard.

Comment peut-on prendre au sérieux un électeur ?

Autre indicateur de cette désinvolture, le désintérêt absolu des électeurs (de leur immense, de leur écrasante majorité) à l’endroit de la généalogie démocratique, comme si les élections étaient tombées du Ciel, comme si elles étaient consubstantielles à la vie charnelle du pays, comme si elles étaient vitales. Les modalités de leurs impositions et la façon dont elles sont organisées ne les intéressent pas plus. On parle des 500 signatures. Mais si demain leur nombre devait atteindre le seuil du millier à la suite d’un accord entre Frères, les électeurs s’en ficheraient.

Comme ils se fichent de la manière dont sont découpées les circonscriptions et les diverses « zones » électorales, comme ils se fichent des élections antérieures (hormis l’immédiate précédente), comme ils se fichent de la véritable identité des candidats, de leurs amitiés, de leurs financiers et donc des véritables raisons qui expliquent leur présence dans la course. Il faut donc le répéter ici : c’est l’image des concurrents, l’image médiatique des candidats ornée d’une ou deux idées emblématiques (qui ne sert ou servent que d’un cachet singularisant les bourrins) qui anime les électeurs. Et puis comment pourraient-ils encore croire aux promesses électorales, comment pourraient-ils avoir encore confiance en cette machinerie élective ruineuse, abêtissante, ô combien humiliante puisqu’elle consiste à ce que les pauvres citoyens choisissent la couleur de leurs bourreaux comme de pauvres trépanés mangeant leur propre cervelle ?

Evidemment, la mouvance dite nationale n’est pas épargnée par ce phénomène politiquement mortel. Peut-être trouve-t-elle dans les élections un prétexte à l’inertie, à l’inaction ? Comment en sortir ? En 1925, Charles Maurras dont on vient de célébrer l’anniversaire, synthétisa ses travaux sur la démocratie dans un livret intitulé Pour en sortir.

Le seul totalitarisme

Maurras montre que la démocratie ne peut vivre naturellement et qu’elle est donc chose artificielle qui nécessite un lavage des cerveaux permanent pour perdurer. Une manipulation permanente des esprits que l’on peut appeler démocratisme. Le plus gros travail de cette manipulation, que le Maître de Martigues compare aux gestes d’antan des « nourrices auvergnates qui pétrissaient la cervelle de leurs nouveau-nés », se fait par l’Education dite « nationale » pour ne pas dire étatique.

Une éducation, un dressage, une domestication républicaine, un « totalitarisme » (vocable évidemment non usité par Maurras puisqu’il n’avait pas été inventé à l’époque) républicain. Bref, le démocratisme précède la démocratie, toujours.

C’est ainsi que l’élection ne représente en fait qu’une sorte de chambre virtuelle d’enregistrement des idées enfoncées dans les petites têtes par la machine étatique (maçonnique). En fait, l’électeur vote pour quelque chose qui est déjà prévu par le pouvoir, il vote toujours après avoir été manipulé. L’électeur lambda est incapable d’introspection, et bien trop orgueilleux pour ne serait-ce qu’essayer d’analyser les forces qui lui font sécréter certaines idées et non d’autres. Le totalitarisme par excellence est républicain puisqu’il n’est pas ressenti comme tel, hormis par ceux qui se font violence, en faisant preuve d’humilité en étudiant objectivement la genèse des passions.

On a cru s’affranchir par la démocratie de tyrannies accidentelles et transitoires. Mais l’on est tombé, grâce à elle, sous une tyrannie nécessaire et durable. L’Etat démocratique doit ajouter à toutes ses fonctions naturelles, des fonctions qui ne le sont pas, et celle de maître d’école est une des premières qu’il doit remplir. Mais il ne peut s’en tenir là : cet Etat maître d’école doit se faire peu à peu moraliste, historien et théologien ou, indifféremment, contre-moraliste, contre-historien, contre-théologien. Il n’a pas le moyen ni le droit de s’abstenir. Il est incapable de respecter sincèrement et effectivement une doctrine spirituelle, une théorie philosophique, historique, morale, qui le menace dans son être de démocratie révolutionnaire. Ce libéral-né est condamné à se défendre au moyen d’autorités centuplées.

Maurras enchaîne sur le « soft power » (pour utiliser un terme à la mode de notre temps) de la république, toujours en alerte. Les électeurs ne sont pas envoyés aux urnes « comme ça ». Ils sont préparés à bon escient. « Il est vrai que son autoritarisme (celui de la démocratie) n’est pas public, car il serait immanquablement balayé s’il faisait l’aveu direct de sa prétention. Cafard, sournois, oblique, mais perpétuellement agissant, il n’en est que plus redoutable dans l’ordre de l’abaissement de l’intelligence et de l’oppression des cœurs, car le nombre des illettrés augmente comme la criminalité : ainsi l’Etat maître d’école ne fait pas ou fait mal son métier d’enseignement ; il n’exerce que trop bien ses fonctions d’excitatur des passions et des convoitises. »

La religion de la république

Le démocratisme remplace la religion catholique. La république ne peut agir autrement. « Par sa profonde nécessité organique de centraliser et d’étatiser le for intérieur, la démocratie apparaît donc ce qu’elle est véritablement, ce qu’elle veut et doit être : un pouvoir spirituel, doublant en secret le pouvoir temporel ; une religion ; une foi. Le vocabulaire maçonnique l’avoue, car il emploie ces termes, et les orateurs officiels s’oublient parfois à les prononcer aussi. L’influence de la Maçonnerie, de la Juiverie, de certaines sectes protestantes sur l’histoire révolutionnaire et républicaine vérifie clairement cette observation ». Aujourd’hui, les représentants de la mouvance dite nationale, se sont tous accrochés au train de la modernité ; elle est son dernier wagon qui a franchi ses fourches caudines. Le grand Charles, à la poubelle ! Ses livres brûlés offerts en autodafé à la république ! Après l’Eglise, c’est l’ami extérieur de l’Eglise qui fut démoli par la démocratie, c’est la victoire totale du Système. 

Ou bien la démocratie durera, et son rouge clergé préposé à la refonte des consciences et à la refabrication des esprits dévorera l’Eglise, écrivait ainsi Maurras en 1925. Ou, se sentant enfin menacée sans cesse dans son spirituel par un temporel ennemi, l’Eglise cherchera un pouvoir temporel qui lui soit ami, miles pacificus, qui lui garantisse dans son ordre les libertés que l’Etat électif ne peut ni supporter ni même concevoir : il lui faudra donc souhaiter dans son cœur un Etat qui ne dépende ni de la volonté des votants ni de leur pensée, un Etat qui ne soit pas dans la nécessité organique de les triturer, de les contrôler, de leur dicter son dogme, un Etat existant par d’autres principes que l’opinion de ses administrés, se mouvant par une autre loi que le suffrage et l’élection de ses gouvernés.

Aujourd’hui, les hommes sans foi se précipitent vers l’urne, s’y jettent, pour alimenter la bête comme on alimentait hier la vieille loco anticléricale en charbon ; ils votent pour dire oui et tant pis s’ils pensent non…

Jean CHARLEUX

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