Vœux de l’Action Française

Vœux de l’Action Française

 

“Pour des idées confuses, pour des nuées, pour des mots, on ne risque rien. Pour une idée vraie, pour une pensée issue du réel, on affronte facilement les coups et la prison.”

Maurice Pujo

A l’aube de cette nouvelle année, alors que 2020 fut une année globalement mauvaise pour la France, l’Action Française souhaite à tous ses militants et amis une belle et heureuse année 2021. Aux jeunes qui étudient, à ceux qui travaillent, aux anciens qui nous encouragent coûte que coûte, TOUS, vous avez œuvré cette année encore pour la diffusion de nos idées qui seules, sont en mesure de remettre de l’ordre dans la Maison France. Soyez-en fier, vous êtes les derniers remparts de la Cité et sans vous l’Espérance est perdue.

L’Action Française s’adresse à tous les Français de bonne volonté pour leur souhaiter le courage et la lucidité nécessaire en vue d’affronter cette nouvelle année qui, soyons réalistes, ne s’annonce pas meilleure que 2020. Nous formons le vœu que les patriotes désertent enfin les partis politiques qui les bercent d’illusions ainsi que les mouvements qui confondent politique et morale.

L’Action Française s’adresse enfin aux Français qui croient définitivement fermées les portes de l’Espérance. La France n’est pas condamnée à disparaître, il n’y a pas de fatalité, “tout désespoir en politique est une sottise absolue”. 

Du combat, seuls les lâches s’écartent

Homère

Bonne et sainte année à tous, et pour que vive la France, Vive le Roi !

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Des hommes face au néant

Des hommes face au néant

L’esprit confronté à sa propre immanence se découvre promis à un néant dont plus rien ne semble dorénavant le séparer”

                                                                                                                                                                                Victor Nguyen

Ces quelques mots de Victor Nguyen résument l’effroyable position intellectuelle dans laquelle se trouvait enfermée une fraction considérable des hommes de lettres de la fin du dix-neuvième siècle, la fraction la plus visible, la plus célèbre et indubitablement la plus talentueuse.

On doit à ce chercheur tragiquement disparu un ouvrage monumental (tant du point de vue des éléments nouveaux qu’il apporte aux historiens qu’à sa qualité littéraire). Aux Origines de l’Action française (1), ouvrage au début duquel on trouve une centaine de pages denses et lumineuses où Nguyen traite d’un thème récurrent à l’époque étudiée, La décadence. Véritable cancer moral touchant en premier lieu le microcosme des Lettres et des intellectuels. Et parmi ceux-là, tout particulièrement, ceux qui paradoxalement se relèveront plus tard avec le plus de ferveur au crépuscule de leur vie.

Nous savons que la notion de nihilisme fut empruntée par Nietzsche à Paul Bourget (qui fut très proche de Maurras à la fin de son existence), créateur de celle-ci alors qu’il débutait son immense oeuvre de reconstruction morale, initialement toute personnelle, via l’étude psychologique de ses contemporains (2). On comprend à quel point ce terme est étroitement lié au concept, certes équivoque, de décadence. Cependant, et c’est là un point commun qui unit un grand nombre d’écrivains de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, Bourget lui-même souffre davantage du reflux brutal de la vigueur romantique qui aurait jeté dans la plus noire déréliction la «populace» contemporaine, composée d’individus vaniteux et incroyants, véritables heimatlos étiquetés «français et catholiques» mais, en réalité, imperméables à toute transcendance. Pourtant, Bourget lui-même a longtemps espéré que la Révolution pourrait procéder encore en son temps à une régénération morale élitiste comme populaire.

« Républicain, Paul Bourget l’a été et l’est encore à l’heure où il procède à ce bilan. Aux derniers jours de l’Empire, jeune bourgeois du Quartier latin, il a détesté le régime de Napoléon III, il a applaudi à sa chute. Puis il a rêvé d’un grand rôle littéraire dans la régénération française qui s’annonçait : Rétablir la République par le drame, évoquer Saint-Just, porter la Révolution sur la scène, quel trait de génie. » (3)

Mais son désenchantement est à la mesure de cette exaltation.

«Paradoxalement, l’attitude de Bourget se modifiera, dans la mesure où il était éminemment un moderne, un artiste particulièrement sensible aux courants qui traversent son époque.» (4)

Observant peut-être l’absence de dynamique révolutionnaire, l’inertie politique des forces républicaines soucieuses de se maintenir au pouvoir via le conservatisme, Bourget rejette ces épuisantes ardeurs qui lui donnaient l’impression de vivre, de participer personnellement à la construction d’un «Tout» en se surpassant et pour se surpasser.

«Bourget qui vit de sa plume, a conscience de n’avoir pas donné encore sa mesure. Il ne pénètre aussi intensément l’inquiétude de ses contemporains qu’en analysant la sienne et, en la portant au grand jour, il saisit (ou croit saisir) quasi expérimentalement sur sa propre personne les progrès du mal.» (5)

Ce mal serait le pessimisme universel, le sentiment de l’impuissance finale de l’homme face à son destin.

«Et en 1880, l’analyse gagne en précision : par le mot décadence, on désigne volontiers l’état d’une société qui produit un trop petit nombre d’individus propres aux travaux de la vie commune.» (6)

Le mal est situé. Et il prolifère. La cause de cette désaffection résiderait dans la généralisation de l’individualisme faisant disparaître paradoxalement les fortes individualités au profit des unités «atomiques» interchangeables.

«La vie moderne, impuissante à les créer, conduit au nihilisme, parce que l’homme contemporain découvre avec angoisse que rien en lui, ni hors de lui, ne l’a préparé à affronter virilement son destin.» (7)

Ce sentiment diffus contaminant un Renan, un Taine, un Huysmans, un Villiers de l’Iles Adam, un Baudelaire s’en délectant, et une multitude, ne découle pas d’une source définie que l’on pourrait facilement dégagée mais d’un ennui, lourd et pesant succédant à une euphorie collective provoquée par les «folies» de la Révolution et de ses prolongations, de la grande épopée napoléonienne, sujet romantique par excellence, des soubresauts de 1830 et de 1848. Après trop d’excitations, n’est-il pas naturel de subir douloureusement ou mélancoliquement une phase dépressive qui ne serait que l’antithèse obligée des excès passés ? Lorsque l’Histoire ne semble plus se dérouler suffisamment rapidement pour les âmes s’étant habituées à la «célérité», et à l’audace de leurs dirigeants, celles-ci n’apprécient plus dans toute sa mesure la «grave» sagesse (véritable ou prétendue) de cette République qui souhaite renouer avec ses «bases», d’un Thiers pour qui «la science de gouverner est toute dans l’art de dorer les pilules» (sic).

Ce décadentisme, souvent perçu d’une manière hyperbolique, n’est pourtant pas né ex nihilo. Il est en effet aisé d’appréhender la crise d’identité rongeant jusqu’à la névrose (notion déjà éminemment moderne) les individus, engagés peu ou prou, ayant vécu les grands drames historiques comme des épreuves toutes personnelles. Même si ce phénomène s’est aussi transmuté en une mode littéraire à travers laquelle la dénonciation du mal n’était pas toujours évidente, ou pis où l’on pouvait y découvrir une certaine complaisance ou une morne désinvolture devant l’objet étudié, force est d’admettre que ce sentiment d’agonie interminable s’enracinait à travers toutes les franges de la population. Argument expérimentalement vérifié en 1870 quand le corps même du pays et non plus seulement son «esprit» semblait désormais affecté par le mal.

«Sans surgir, loin de là, de la défaite de 1870, la décadence en a reçu un surcroît de postulation. Jusque-là image ou idée, elle s’est cristallisée alors au plan collectif.» (8)

Sur ce point Nguyen cite la mise en garde d’Alexandre Dumas fils :

En mars 1873, dans la préface de La Femme de Claude, qu’il dédie au vieil Orléaniste Cuvillier-Fleury, Alexandre Dumas fils s’adresse au pays tout entier.

« Prends garde ! Tu traverses des temps difficiles; tu viens de payer cher, elles ne sont même pas encore payées, les fautes d’autrefois; il ne s’agit plus d’être spirituel, léger, libertin, railleur, sceptique et folâtre; en voilà assez pour quelques temps au moins. Dieu, la patrie, le travail, le mariage, l’amour, la femme, l’enfant, tout cela est sérieux, très sérieux. » (9)

Représentent-ils les postulats premiers à partir desquels la science politique devrait bâtir toute «idéologie», toute action et toute représentation de notre société ?

La traumatisante défaite de 1870 est ainsi considérée non comme la cause essentielle de la décadence mais, pis, comme son effet.

«Elle signifie une angoisse que le relèvement rapide ne suffira pas à calmer : une possible Finis Franciae. » (10)

Emile Montégut pense saisir les racines profondes du mal qui seraient principalement politiques, les plus douloureux malheurs de la Nation pouvant être expliqués par l’hypertrophie étatique, l’ultra centralisation jacobine faisant de la Patrie un colosse aux pieds d’argile.

Tous les éléments sociaux, c’est-à-dire ce qui donne à un pays fixité et continuité, ont été tour à tour déracinés : il n’y a plus qu’un amas de poussière désagrégée et impuissante. Dans un tel milieu social, l’Etat seul a volonté, faculté de commander, et chance d’être obéi; malheureusement, dès que le ressort de l’Etat se brise, toute direction disparaît, et les destinées de la nation « sont soumises à l’intelligence du hasard». (11)

Derrière le constat de ces «décombres», on relève l’alternative politique de l’auteur, implicitement dévoilée, mais présentée sans ambiguïtés. Au refus des particularismes, il oppose l’idée de décentralisation, à l’idée d’universalisme, il oppose et chérit le patriotisme et les pays charnels.

Montégut qui dresse ce bilan tout renanien, politiquement s’entend, remarque que révolution et patrie sont deux notions contradictoires : Le jour même où la France sacrifia l’idée de patrie à l’idée d’humanité, l’ancienne maison royale tomba.

La thèse de Victor Nguyen à travers sa monumentale introduction consiste à tenter de montrer, nous le savons, que la synthèse maurrassienne a été esquissée d’une manière plus ou moins nette «avant Maurras». Mais cette synthèse qui cependant n’équivaut pas en qualité à celle construite par le Martégal, a été conçue par des auteurs qui ne sortiront jamais de l’anonymat, et qui la font «tout naturellement», en dehors de toute doctrine, en la noyant en définitive dans un magma d’appréciations, de propositions et d’observations ne permettant pas sa mise en exergue franche.

Notre auteur évoque ainsi la pensée de François Lorrain, illustre inconnu, dont l’ouvrage maître, le Problème de la France contemporaine (13), est à beaucoup d’égards, caractéristique d’une méthode qui, au tournant du siècle, aura le succès que l’on sait.

«Nous croyons que la Révolution française a fait fausse route, que l’heure de sa liquidation définitive n’est pas éloignée; que la tonne de démocratie qu’elle a introduite dans le monde n’est pas un progrès, que ni la nature humaine, ni la nature sociale ne s’accommodent de cette forme, et que l’histoire entière dépose contre elle.» (14)

La décadence apparaissant désormais comme une réalité incontestable, c’est la Révolution en bloc qui est dans la ligne de mire d’une certaine élite littéraire considérant ses principes comme funestes ou, au moins, basés sur une douteuse métaphysique détachée de toute scientificité dont les conséquences seraient de provoquer l’instabilité permanente dans le Pays.

«Peut-être va-t-on percevoir que depuis cette date (1789) notre existence n’a été qu’une suite de hauts et de bas, une suite de raccommodages de l’ordre social, forcé de demander à chaque génération un nouveau sauveur. Au fond, la Révolution française a tué l’abnégation de l’individu, entretenue par la religion et par quelques autres sentiments idéaux.» (15)

Devant ce spectacle mythifié, deux solutions d’importance s’offrent à ceux qui en souffrent. La première convient aux intellectuels restés fidèles aux principes individualistes et libéraux, et qui, par ailleurs, ne sont pas des nostalgiques : la conversion au protestantisme.

Puisque l’Eglise se repliait sur elle-même dans une anxiété obsidionale, le protestantisme parut pouvoir se muer en religion de remplacement. Ne paraissait-il pas, partout dans le monde, facteur de progrès et de liberté autant que d’ordre et de stabilité ? N’y avait-il pas une essence commune à la Réforme et à la Révolution, également protestation de la conscience individuelle ? De plus le protestantisme semblait mieux se concilier avec la science et la raison modernes qu’un catholicisme apparemment suranné et attaché aux valeurs d’obéissances et d’autorités.

Mais (…)

«Défaite militaire, soucis politiques et sociaux, inquiétudes intellectuelles et religieuses convergent alors pour faire du protestantisme dans la République cet Etat dans l’Etat que la polémique de droite (elle n’est pas seule) se plaît à généraliser et à dénoncer

La deuxième solution connue pour sortir de cet état de déréliction est, au contraire, l’acceptation des «lois» sociales régissant d’une manière organique la société entière, et par conséquent le rejet de l’individualisme et du libre examen protestant. On comprend en outre que les multiples conversions au protestantisme d’individus représentant l’élite intellectuelle de la Nation exaspèrent ceux qui ont fait un choix «spirituel» diamétralement opposé et alimentent de fait la somme argumentaire des antilibéraux. La France imaginée des «organicistes», nourrie des réflexions des grands auteurs contre-révolutionnaires, représente en effet une «totalité» à laquelle on ne peut rien retrancher.

«Maistre et Bonald eurent évidemment tort de penser que l’ordre social était frappé à mort. C’était un ordre social plus simplement, mais ils éprouvèrent le sentiment de la totalité de la destruction et celui d’une totalité à reconstruire.» (17)

La société bourgeoise ayant échoué à se transfigurer, l’individu surpris dans sa déréliction, l’alternative bonaldienne gagne alors en crédibilité pour les patriotes de droite fatigués et privés d’être par l’effacement de toute transcendance.

Louis Perruchot

(1)Victor Nguyen, Aux Origines de l’Action française, Intelligence et politique à l’aube du Vingtième siècle, Fayard, 1991.

(2)Paul Bourget, Essais de psychologie contemporaine, Lemerre, 1886.

(3)Ibid. P. 36.

(4)Ibid. P. 36.

(5)Ibid. P. 37.

(6)Ibid. P. 39.

(7)Ibid. P. 39.

(8)Ibid. P. 40.

(9)Ibid. P. 40.

(10)Ibid. P. 42.

(11)Cité par Victor Nguyen P. 57.

(12)Ibid. P. 57.

(13)François Lorrain, Problème de la France contemporaine, Plon, 1879.

(14)Ibid. P. 52

(15)Texte des Goncourt cité par Nguyen (P. 72) qui ne précise pas ses références.

(16)Ibid, P. 89

(17)Ibid. P. 85

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Il y a 100 ans, Jacques Bainville avait raison

Il y a 100 ans, Jacques Bainville avait raison

Pillier de l’Action Française, journaliste et historien, Jacques Bainville a été un visionnaire hors du commun.
Nous reproduisons ici un de ses articles à propos du sionisme, ces lignes n’ont pas pris une ride. 

LOsservatore romano et la Semaine religieuse de Paris ont récemment publié un ensemble de documents sur la situation de la Palestine. Le sionisme soutenu par le cabinet de Londres y apparaît comme une aventure alarmante à tous les points de vue. Déjà les incidents ont été nombreux.

Ils sont d’abord, bien entendu, de nature religieuse. Le sionisme, aux Lieux-Saints, n’a pas l’impartialité des Turcs. Il traite en intrus les représentants des communions chrétiennes. Le haut commissaire britannique, sir Herbert Samuel, se comporte comme un chef plus religieux que politique. Le « prince d’Israël », ainsi l’ont surnommé ses coreligionnaires, va prier, le jour du sabbat, à la grande synagogue, acclamé par la population juive de Jérusalem. Par contre, le Saint-Sépulcre est un lieu qui lui fait horreur. Au mois de juillet dernier, visitant la basilique, sir Herbet Samuel refuse d’entrer dans le sanctuaire du tombeau. Cette insulte aux chrétiens fut relevée. Le synode des Grecs orthodoxes déposa sur le champ le patriarche Damianos en lui reprochant de n’avoir reçu le haut commissaire que pour essuyer cet affront.

Un tel incident mérite une attention sérieuse . Il montre à quelles rivalités confessionnelles, susceptibles de dégénérer en luttes plus graves, le sionisme doit conduire. On regrette déjà les Turcs, « le seul peuple tolérant », disait Lamartine qui, dans son Voyage en Orient, se demandait, avec son génie divinatoire, ce que deviendraient les Lieux Saints lorsque leurs gardiens flegmatiques n’y seraient plus.

Le sionisme allumera sans doute en Palestine une hideuse guerre de religion : encore un de ces progrès à rebours que les traités auront valu au genre humain. L’Osservatore romano signale, parmi les immigrants juifs qui arrivent en nombre, des fanatiques qui parlent de détruire les reliques chrétiennes. Ce n’est pas tout. Avec la guerre religieuse, le sionisme apporte la guerre sociale. Les juifs venus de Pologne, de Russie, de Roumanie, réclament un partage des terres et l’expulsion des indigènes. M. Nathan Strauss, le milliardaire américain, dit crûment que « les musulmans trouveront d’autres régions pour vivre ». Admirable moyen de réunir, en Asie Mineure et même plus loin, tout l’Islam contre l’Occident.

Article paru dans l’Action Française en date du 20 décembre 1920

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La démocratie ou l’assèchement des esprits

La démocratie ou l’assèchement des esprits

La démocratie est un poison terrible parce qu’il intoxique l’homme tout en le rendant dépendant de son empire. Evidemment, comme tout dépendant, l’électeur, même occasionnel, n’avouera jamais sa dépendance, sa toxicomanie, à moins qu’on le pousse dans ses derniers retranchements au terme d’une maïeutique ininterrompue. Le problème principal dans cette psychanalyse de l’électoralisme, c’est, précisément, qu’elle est toujours perturbée par une nouvelle salve d’élections qui ruine à chaque fois le travail d’analyse, de réflexion essentiel accompli durant l’intervalle séparant deux campagnes électorales. A chaque fois, le malade (l’électeur ou le « joueur »), rechute, retrouve le chemin de sa névrose, retombe dans l’irrationnel, dans la pensée magique, refuse de voir, s’estime en mesure (seul en définitive, son vote est crucial!) de changer les choses ; le problème du moment se dénouera par son vote. Que prétend-il au moment M-1 ? Il avance toujours qu’il y verra plus clair après l’ouverture de l’urne, que des tendances nouvelles vont apparaître, que le Système va être contraint de prendre en considération son vote parce que sa volonté est imprimée et que sa volonté sur le papier, ça compte…

Voter, c’est exister, voter c’est résister, voter, c’est s’exciter.

L’excitation du jeu, l’excitation du vote

Voter, comme jouer, est une activité qui peut se transformer en addiction même si les dimanches électoraux ne sont pas nombreux. Pourquoi ? Parce qu’à la différence des jeux du Casino, du loto, des jeux à gratter débiles de la Française des jeux, parce qu’à la différence du shoot du junkie, le vote de l’électeur nécessite toute une préparation mentale et rituelle dont la durée fluctue selon la gravité de l’addiction de l’électeur.(Le terme addiction est d’étymologie latine, ad-dicere « dire à ».

Dans la civilisation romaine, les esclaves n’avaient pas de nom propre et étaient dits à leur Pater familias. Le terme d’addiction exprime une absence d’indépendance et de liberté, donc bien un esclavage.) Une préparation et une attente qui font monter le taux de dopamine dans le sang de l’électeur. Et plus la charge de dopamine dans l’organisme du gugusse est importante, plus ce dernier se sent euphorique, plus il s’impatiente dans l’attente élective. Plus la campagne électorale est longue (sa durée n’est pas objective, elle dépend de la psychologie de l’électeur, du degré de sa dépendance à l’élection), plus son esprit sera axé autour de l’espérance urnique, sera obnubilé par le mantra de la délivrance urnique. Plus c’est long, plus c’est bon pour l’urniaque. Aussi l’électeur addicte a tout intérêt à ce que la campagne électorale réduite seulement à ce qui évoque la décharge urnique c’est-à-dire aux slogans, à une ou deux idées (rarement plus) et surtout à un candidat starisé qu’il idolâtre pour son image, de plus en plus pour sa seule image dans un processus régressif faisant apparaître le candidat comme un père protecteur ou une mère nourricière et câline.

L’électoralisme est une dépendance qui se nourrit de l’image réconfortante de représentants qui ne représentent plus qu’eux-mêmes à la fin du processus. Ils deviennent sous le soleil artificiel des projecteurs des totems magiques qui disparaissent lorsque l’on éteint trop longtemps les lumières artificielles.

C’est pourquoi les plus atteints des électeurs souffrent d’une sorte de dépression, d’une tristesse lourde, après le déroulement des élections, même quand leur idole est « élue ». Le jeu est fini. La raison est de retour et chuchote à l’électeur retombé dans le monde réel qu’il s’est agité pour pas grand chose, même quand l’idole est élue. C’est la descente comme disent les drogués, celle qui succède toujours au trip et qu’il faut calmer par un autre trip. Avec les élections, ce n’est pas possible (quoique le Système les enchaîne de plus en plus et aide ainsi les tox à préparer leur descente, à faire en sorte qu’elle soit moins douloureuse cette descente, qu’elle respecte certains palliers de décompression), aussi observe-t-on souvent après les périodes électorales ces moments cotonneux de lassitude populaire, d’indifférence, d’atonie, d’abandon. Un phénomène paradoxal qui s’exprime même après des « séismes » électoraux qui auraient du mobiliser les partisans, mais visiblement pas les électeurs qu’ils sont devenus.

En 2002, le fameux Séisme n’a accouché que d’une dépression au sein de la mouvance nationale comme si les militants s’étaient tous transformés en électeurs jetables : Ouin, on n’y arrivera jamais. Ouin. Ils avaient oublié à cause du second tour, pourtant joué d’avance, qu’il y avait eu séisme ? A croire que le trip était passé et que le vrai combat nationaliste n’avait, en réalité, aucune importance à leurs yeux. C’est pas possible, entend-on les encore, c’est pas possible il existe un plafond de verre ! Pourtant, les électeurs sont sûrs « d’avoir tout donné », le maximum d’eux-mêmes. C’est en tout cas l’effet qu’ils ressentent après les élections qui nécessitent ensuite une sorte de « repos des braves ».

Après le vote, paroxysme de la tension psychique qui dope l’électeur-joueur, il lui faut se requinquer, le calme de la campagne, une plage, le vrai soleil pour lui chauffer la couenne. A l’instar du candidat qui récite comme un robot toujours les mêmes sornettes sur tous les plateaux télé, l’électeur est fatigué, à la fin. A la fin. Mais combien doit-il être malin et courageux le candidat de ses vœux à ses yeux pour revenir dans 6 mois, dans deux ans, dans 5 ans pour un nouveau Grand Chelem qu’il pourra gagner, cette fois… C’est sûr, foi de sa tension nerveuse qui sera une nouvelle fois au taquet quelques mois avant les prochaines échéances électorales. Entre temps, il vivra de la même façon la Coupe du monde de je ne sais quel ballon derrière son poste de télévision. Il soutiendra son équipe derrière la lucarne et lui enverra des ondes positives par son biais. Il donnera tout derrière son poste de télévision. Il ne l’avouera évidemment jamais ce zozo d’électeur que sa motivation d’urner, cette motivation qui revient après une période de vacances psychiques, découle en premier lieu d’une irritation des nerfs, de cette fièvre du jeu qui l’habite, et qu’il ressemble bien plus, cet électeur, à un turfiste qu’à un lecteur de Marx, de Maurras ou de Tocqueville. De toutes façons, quand on se contente de l’actualité crachée à 20 heures par un mannequin sur une chaîne de débiles mentaux, on prend nécessairement ces élections pour un jeu. Au moins les turfistes ont leur canard.

Comment peut-on prendre au sérieux un électeur ?

Autre indicateur de cette désinvolture, le désintérêt absolu des électeurs (de leur immense, de leur écrasante majorité) à l’endroit de la généalogie démocratique, comme si les élections étaient tombées du Ciel, comme si elles étaient consubstantielles à la vie charnelle du pays, comme si elles étaient vitales. Les modalités de leurs impositions et la façon dont elles sont organisées ne les intéressent pas plus. On parle des 500 signatures. Mais si demain leur nombre devait atteindre le seuil du millier à la suite d’un accord entre Frères, les électeurs s’en ficheraient.

Comme ils se fichent de la manière dont sont découpées les circonscriptions et les diverses « zones » électorales, comme ils se fichent des élections antérieures (hormis l’immédiate précédente), comme ils se fichent de la véritable identité des candidats, de leurs amitiés, de leurs financiers et donc des véritables raisons qui expliquent leur présence dans la course. Il faut donc le répéter ici : c’est l’image des concurrents, l’image médiatique des candidats ornée d’une ou deux idées emblématiques (qui ne sert ou servent que d’un cachet singularisant les bourrins) qui anime les électeurs. Et puis comment pourraient-ils encore croire aux promesses électorales, comment pourraient-ils avoir encore confiance en cette machinerie élective ruineuse, abêtissante, ô combien humiliante puisqu’elle consiste à ce que les pauvres citoyens choisissent la couleur de leurs bourreaux comme de pauvres trépanés mangeant leur propre cervelle ?

Evidemment, la mouvance dite nationale n’est pas épargnée par ce phénomène politiquement mortel. Peut-être trouve-t-elle dans les élections un prétexte à l’inertie, à l’inaction ? Comment en sortir ? En 1925, Charles Maurras dont on vient de célébrer l’anniversaire, synthétisa ses travaux sur la démocratie dans un livret intitulé Pour en sortir.

Le seul totalitarisme

Maurras montre que la démocratie ne peut vivre naturellement et qu’elle est donc chose artificielle qui nécessite un lavage des cerveaux permanent pour perdurer. Une manipulation permanente des esprits que l’on peut appeler démocratisme. Le plus gros travail de cette manipulation, que le Maître de Martigues compare aux gestes d’antan des « nourrices auvergnates qui pétrissaient la cervelle de leurs nouveau-nés », se fait par l’Education dite « nationale » pour ne pas dire étatique.

Une éducation, un dressage, une domestication républicaine, un « totalitarisme » (vocable évidemment non usité par Maurras puisqu’il n’avait pas été inventé à l’époque) républicain. Bref, le démocratisme précède la démocratie, toujours.

C’est ainsi que l’élection ne représente en fait qu’une sorte de chambre virtuelle d’enregistrement des idées enfoncées dans les petites têtes par la machine étatique (maçonnique). En fait, l’électeur vote pour quelque chose qui est déjà prévu par le pouvoir, il vote toujours après avoir été manipulé. L’électeur lambda est incapable d’introspection, et bien trop orgueilleux pour ne serait-ce qu’essayer d’analyser les forces qui lui font sécréter certaines idées et non d’autres. Le totalitarisme par excellence est républicain puisqu’il n’est pas ressenti comme tel, hormis par ceux qui se font violence, en faisant preuve d’humilité en étudiant objectivement la genèse des passions.

On a cru s’affranchir par la démocratie de tyrannies accidentelles et transitoires. Mais l’on est tombé, grâce à elle, sous une tyrannie nécessaire et durable. L’Etat démocratique doit ajouter à toutes ses fonctions naturelles, des fonctions qui ne le sont pas, et celle de maître d’école est une des premières qu’il doit remplir. Mais il ne peut s’en tenir là : cet Etat maître d’école doit se faire peu à peu moraliste, historien et théologien ou, indifféremment, contre-moraliste, contre-historien, contre-théologien. Il n’a pas le moyen ni le droit de s’abstenir. Il est incapable de respecter sincèrement et effectivement une doctrine spirituelle, une théorie philosophique, historique, morale, qui le menace dans son être de démocratie révolutionnaire. Ce libéral-né est condamné à se défendre au moyen d’autorités centuplées.

Maurras enchaîne sur le « soft power » (pour utiliser un terme à la mode de notre temps) de la république, toujours en alerte. Les électeurs ne sont pas envoyés aux urnes « comme ça ». Ils sont préparés à bon escient. « Il est vrai que son autoritarisme (celui de la démocratie) n’est pas public, car il serait immanquablement balayé s’il faisait l’aveu direct de sa prétention. Cafard, sournois, oblique, mais perpétuellement agissant, il n’en est que plus redoutable dans l’ordre de l’abaissement de l’intelligence et de l’oppression des cœurs, car le nombre des illettrés augmente comme la criminalité : ainsi l’Etat maître d’école ne fait pas ou fait mal son métier d’enseignement ; il n’exerce que trop bien ses fonctions d’excitatur des passions et des convoitises. »

La religion de la république

Le démocratisme remplace la religion catholique. La république ne peut agir autrement. « Par sa profonde nécessité organique de centraliser et d’étatiser le for intérieur, la démocratie apparaît donc ce qu’elle est véritablement, ce qu’elle veut et doit être : un pouvoir spirituel, doublant en secret le pouvoir temporel ; une religion ; une foi. Le vocabulaire maçonnique l’avoue, car il emploie ces termes, et les orateurs officiels s’oublient parfois à les prononcer aussi. L’influence de la Maçonnerie, de la Juiverie, de certaines sectes protestantes sur l’histoire révolutionnaire et républicaine vérifie clairement cette observation ». Aujourd’hui, les représentants de la mouvance dite nationale, se sont tous accrochés au train de la modernité ; elle est son dernier wagon qui a franchi ses fourches caudines. Le grand Charles, à la poubelle ! Ses livres brûlés offerts en autodafé à la république ! Après l’Eglise, c’est l’ami extérieur de l’Eglise qui fut démoli par la démocratie, c’est la victoire totale du Système. 

Ou bien la démocratie durera, et son rouge clergé préposé à la refonte des consciences et à la refabrication des esprits dévorera l’Eglise, écrivait ainsi Maurras en 1925. Ou, se sentant enfin menacée sans cesse dans son spirituel par un temporel ennemi, l’Eglise cherchera un pouvoir temporel qui lui soit ami, miles pacificus, qui lui garantisse dans son ordre les libertés que l’Etat électif ne peut ni supporter ni même concevoir : il lui faudra donc souhaiter dans son cœur un Etat qui ne dépende ni de la volonté des votants ni de leur pensée, un Etat qui ne soit pas dans la nécessité organique de les triturer, de les contrôler, de leur dicter son dogme, un Etat existant par d’autres principes que l’opinion de ses administrés, se mouvant par une autre loi que le suffrage et l’élection de ses gouvernés.

Aujourd’hui, les hommes sans foi se précipitent vers l’urne, s’y jettent, pour alimenter la bête comme on alimentait hier la vieille loco anticléricale en charbon ; ils votent pour dire oui et tant pis s’ils pensent non…

Jean CHARLEUX

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Maurras ce terrible antisémite

Maurras ce terrible antisémite

« Ces institutions « meurtrières », comme les a précisément nommées M. Paul Bourget, travaillent depuis cent ans à affaiblir, faute de pouvoir les détruire complètement, la famille, l’association, la commune, la province et, en bref, tout ce qui seconde et fortifie l’individu, tout ce qui n’enferme pas le citoyen dans son maigre statut personnel. Chacune des faiblesses de la France moderne coule de ces institutions comme de sa source première. De là vient l’importance de l’Etat juif au milieu de nous »

Charles Maurras.

FNous assistons actuellement dans la mouvance patriotique à un phénomène qui n’est pas nouveau, loin de là, mais qui connaît une certaine recrudescence ces dernières années. La chose n’est pas inédite puisque l’on sait que des disciples de Maurras et non des moindres se sont échinés à tamiser la pensée de Maurras afin d’en extraire les grains antisémites quelques temps après la fin de la Seconde guerre mondiale. Grains que le Système ne saurait tolérer, comme nous le savons. Pierre Boutang, le philosophe illisible de L’Ontologie du Secret, thèse savante que seul l’illustre linguiste hébreux Georges Steiner aurait compris (c’est dire l’intelligence du bonhomme), était aussi l’auteur d’un pavé soporifique consacré à Charles Maurras et à son œuvre, Maurras, la destinée et l’œuvre. Il s’agit d’un ouvrage qu’il est impossible de résumer. Trop épais, trop personnel, trop digressif. Boutang ne nie pas l’antisémitisme de Maurras, mais il le relativise. D’abord via son exégèse para-maurrassiste où il ne s’éternise jamais sur le « sujet des sujets » préférant trop souvent s’attarder sur le côté « poète » du Martégal dont tout le monde se contrefiche et sur certaines considérations philosophiques qui n’intéressaient pas forcément le théoricien nationaliste. Ensuite, par sa conduite, sa posture, celle d’héritier idéologique qui aurait disposé de toute la légitimité pour exercer un droit d’inventaire sur le nationalisme intégral.

La trahison de Boutang

Le grand intellectuel, le grand philosophe chanté par Steiner, a créé son journal, La Nation française, enseigne à la Sorbonne, passe chez Bernard Pivot dans l’émission littéraire Apostrophe. Il parle de Maurras, il parle de la France, mais il est philosémite, complètement philosémite et complètement sioniste. La communauté, du moins sa frange érudite, l’apprécie grandement, non pour ses qualités intellectuelles mais pour sa défense acharnée d’Israël. Matzneff, qui fut tout proche de Boutang (il l’était déjà tout jeune lycéen) relate dans l’un de ses papiers (Le Point dans l’année 2014) une aventure avec le Normalien, plus précisément une colère de ce dernier. Alors encore jeune (et certainement moins pressé par la dictature de la pensée), Matzneff dut subir la rage de son dady philosophe après qu’il ait naïvement fait part de ses sympathies pro palestiniennes.

« La seconde colère de Boutang, ce sont mes prises de positions pro-palestiniennes qui me la valurent. Cela se passait à une époque très ancienne, quand le Fatah de Yasser Arafat se battait pour une Terre sainte laïque où les juifs, les chrétiens, les musulmans, les agnostiques seraient des citoyens égaux en devoirs et en droit. Cela n’avait rien à voir avec la Palestine islamiste, sectaire, que prônent aujourd’hui les dirigeants du Hamas. »

Dans son livre, La Guerre de Six Jours, il écrira que « comme à l’origine, Israël est signe de contradictions, pierre de touche pour les nations et les empires dont il fait apparaître les contradictions, lui-même restant, d’une manière inconnue, le lieu toujours privilégié de la contradiction utile, entre l’homme et son Dieu ». Il voudra démontrer « Pourquoi Israël est-il l’Europe ? », La lâcheté des « Grandes Puissances », qu’Israël est « La Nation exemplaire », et que « Jérusalem pour des raisons bibliques, mais aussi de très concrètes, ne peut qu’être confiée à la garde de l’État et du soldat juifs. La décadence et les crimes de notre Europe, anciennement chrétienne, ont conduit à ce châtiment mystérieux, ce signe de contradiction ineffable comme tout ce qui tient à Israël. » On se demandera si ces acrobaties politiques et religieuses sont les conséquences de la Seconde guerre mondiale (qui l’auront diablement ébouriffé) ou les expressions de sa volonté de plaire aux puissants de l’ombre pour retrouver sa Sorbonne et les jolis mots de certains critiques littéraires. Mais quand on observe le parcours de son fils feu Pierre-André qui fut patron d’Arte (une gageure), on croit davantage à la seconde hypothèse.

Pour autant, Boutang n’était plus d’Action Française, et la grosse biographie sur Maurras qu’il a commise en 1984 ressemble plus à une performance d’universitaire exhibitionniste qu’à un vigoureux essai politique. Bref, ce mondain s’est-il d’abord servi de Maurras comme d’un marchepied.

D’autres individus, souvent de petits professeurs espérant connaître quelque renommée en occupant une position dans l’organigramme d’une Action Française qui partait à la dérive et que nous refaisons, restaurons intellectuellement aujourd’hui, essayèrent d’accroître leur visibilité en comptant sur les bons points que leur décernaient les politologues israélites et les media de même essence grâce à la diffusion d’un discours certifié conforme par leurs juges. S’ils ne se réclamaient pas de l’Action Française historique et de la pensée du « premier » des Français, ils pourraient avoir le droit politique et intellectuel de dire tout et n’importe quoi sur les Etats confédérés et sur la question qui n’existe pas. Mais quand on se veut héritier des Camelots, de Marius Plateau, des Real del Sarte, de Vaugeois, de Maurice Pujo et, en premier lieu, du grand Charles, on n’a pas le droit de dire que le cheval blanc d’Henri IV était noir. C’est une insulte faite à l’intelligence, une malhonnêteté intellectuelle, un grave mensonge.

Peut-être que les juifs trouvent l’antisémitisme pas très gentil à leur égard, peut-être « qu’il ne faut pas être antisémite ». La question n’est pas là !

Antisémite, qu’on le veuille ou non.

Charles Maurras était antisémite. Il était même terriblement antisémite. Pas à moitié, pas sur les bords, pas dans des accès de colère noire, non, profondément, théoriquement, scandaleusement, à l’instar d’un Drumont, d’un Marquis de Morès, d’un Jules Guérin. Maurras était antisémite, même en dormant. L’antisémitisme alimentait tout son être, nourrissait son cerveau et irrigue toute sa pensée. Voilà un fait objectif. Maurras est antisémite. L’UEJF, Jean-Yves Camus, Marek Halter, Enrico Macias, Marine Le Pen peuvent bien le détester, cela ne change rien à la vérité. Marion Maréchal Auque peut bien dénigrer l’essence de la pensée maurrassienne, Maurras reste Maurras. Le faux nez Éric Zemmour peut bien jouer au fier à bras, il ne peut décidément pas inventer un Maurras qui n’existe pas en lui inventant des disciples qui n’existent pas. Zemmour n’est pas plus nationaliste en effet que Charles De Gaulle était maurrassien comme il le soutient hystériquement devant la petite-fille Le Pen dans sa prétendue école néo-con’.

De Gaulle lisait le journal L’Action française quand il était tout jeune… Tel est l’argument irréfragable lancé par le lutin trompeur pour donner du crédit à cette fable de crétins d’un De Gaulle maurrassien. De Gaulle lisait Maurras à 16 ans, donc il était maurrassien à 70 ans… C’est puissant, n’est-ce pas ? Ce n’est pas tout, bien sûr. La Cinquième république serait purement monarchique dans son fonctionnement et blabla… Des billevesées pour nous endormir que cela ! Car les propos de Zemmour ne font partie que d’une grosse et grossière entreprise de récupération politique en faveur du sionisme international. De Gaulle n’était pas antisémite. Il ne l’était pas, car il n’était pas nationaliste ; loin de là : au lieu de neutraliser les ennemis de l’intérieur (selon le programme strictement nationaliste), il les fit proliférer par le communisme et le monde de la culture notamment (pour parler des éléments les plus visibles de la subversion antinationale). A quoi cela sert-il de vouloir confondre Maurras et De Gaulle sinon pour castrer le premier, et ses partisans, surtout, par la même occasion. Ecoutez bien les cadres parasites, ils ont raison, entend-on murmurer Zemmour : Nul besoin d’être antisémite pour être maurrassien ; vous pouvez être certifié conforme et être maurrassien, elle est pas belle la vie ?

L’antisémitisme n’est cependant pas un sentiment, une opinion vestimentaire, un accessoire. Il est, qu’on le veuille ou non, qu’on déteste cette pensée ou qu’on l’apprécie, essentiel au nationalisme ; il participe de sa vitalité. Cette caractéristique rend d’ailleurs le nationalisme incompatible avec la république qui mène une lutte à mort contre elle, ni plus ni moins. Nous posons ici rapidement un constat objectif de la réalité macropolitique. Nous n’instillons aucun jugement de valeur dans nos propos. L’histoire du nationalisme les corrobore.

La naissance d’un antisémite

Charles Maurras forge sa doctrine antisémite en s’inspirant notamment des écrits de l’un de ses maîtres à penser, René de La Tour du Pin. Dans son programme social de 1889 (centenaire de la Révolution), La Tour du Pin envisage de « dénationaliser » les juifs français. Il écrit à la même époque :

« Les juifs seront mis sur le « même pied que les indigènes de nos colonies » ; leur nouveau statut de « sujets français », inférieur à celui des citoyens de « souche française », leur garantirait la protection des autorités tout en leur interdisant l’accès aux fonctions publiques ». 

Maurras reprendra cette idée entre 1904 et 1906, à l’époque où il élabore sa théorie des quatre Etats confédérés. Mais avant de formuler cet antisémitisme, avant de le théoriser, avant de lui offrir l’un de ses « théorèmes », Maurras était naturellement antisémite. L’antisémitisme a toujours été pour lui une évidence. Il faut savoir que Maurras a rencontré dans ses lectures La Tour du Pin avant Edouard Drumont qui n’était pas un théoricien politique à la différence du premier. Maurras s’est en effet intéressé à l’antisémitisme comme l’élément d’un tout, d’un système politique.

Les historiens et autres généalogistes des idées négligent trop une période de la vie de Maurras. Ses tout débuts dans le journalisme. Bien avant son voyage à Athènes pour La Gazette de France, avant son Enquête sur la monarchie pour Le Figaro, avant de découvrir Mistral dans le texte et de devenir un critique passionné des Félibres, il écrivait dans des petits journaux et revues spécialisées qui lui permettront d’emmagasiner une riche culture dans les matières des sciences humaines. Il a commencé très jeune à rédiger des recensions d’ouvrages pour le fameux Polybiblion, une revue bibliographique. Là il était chargé de résumer d’une manière extrêmement concise les ouvrages sociologiques nouvellement publiés ou réédités. Par le biais de ce travail, il se familiarise avec les grands courants de la sociologie naissante, et surtout avec les fondamentaux du positivisme et les textes principaux de son fondateur, Auguste Comte. Comte écrit en 1842 un texte fondateur dans ses Cours de philosophie positive, fondateur et décisif dans la formation de la doctrine maurrassienne (que le Martégal lira 50 ans après sa première publication) :

« Notre mal le plus grand consiste en effet, dans cette profonde divergence qui existe maintenant entre tous les esprits relativement à tous les maximes fondamentales dont la fixité est la première condition d’un véritable ordre social. Tant que les intelligences individuelles n’auront pas adhéré par un assentiment unanime à un certain nombre d’idées générales capables de former une doctrine sociale commune, on ne peut se dissimuler que l’état des nations restera, de toute nécessité, essentiellement révolutionnaire, malgré tous les palliatifs politiques qui pourront être adoptés, et ne comportera réellement que des institutions provisoires. Il est également certain que si cette réunion des esprits dans une même communion de principes peut une fois être obtenue, les institutions convenables en découleront nécessairement, sans donner lieu à aucune secousse grave, le plus grand désordre étant déjà dissiper par ce seul fait. »

Ces quelques lignes résument l’antilibéralisme fondamental d’Auguste Comte qui ne peut concevoir une société vivante remplie de religions et d’idéologies qui s’entrechoquent. Une fois la condition vitale de l’ordre sociale posée, il fallait comprendre pourquoi il était si difficile de réunir, rassembler, moralement, religieusement, la société. Maurras s’intéressa à cette question.

Maurras sociologue

Le désordre, la dissociété ne sont pas des choses naturelles. Le désordre ne se développe pas spontanément, et dans une situation de paix civile, il devrait donc être possible de restaurer l’ordre social. Mais non seulement l’Etat est parasité par les ennemis de la France mais la société elle-même est gangrenée par l’esprit du libre-examen et de l’individualisme né du protestantisme moderne. Maurras a compris qu’il était impossible de se libérer de ces fléaux en ne travaillant que métapolitiquement. C’est cet infatigable écrivain, journaliste rigoureux, vigoureux, didactique, qui comprit le mieux les limites de la subversion proprement idéologique. Pour changer les choses politiquement, il fallait s’emparer tout simplement du pouvoir politique. Evidemment, il n’existe qu’une méthode pour s’en emparer : Le coup de force. Pour Maurras, les ennemis de la France, les suppôts républicains ne laisseront jamais la moindre ouverture aux nationalistes dans leur conquête du pouvoir. Les élections sont un piège permanent. Et les principes républicains des poisons qui contaminent les électeurs jusqu’aux patriotes qui se réclament de la République. L’antisémitisme de Maurras n’est pas une mode, une culture, une opinion. Il fait partie de la statique sociologique selon lui. Et cette statique sociologique est corrélée à la sociologie juive. Sous le régime républicain et individualiste, là où les membres de la communauté sont dans tous les rouages de la société, apparemment dispersés, apparemment atomisés, apparemment « individualisés », l’antisémitisme se fait virulent comme une fièvre. Dans une France monarchiste où les communautés sont prises en considération pour ce qu’elles sont, les juifs sont marginalisés et se ghettoïsent selon Maurras. La conspiration républicaine perd alors ses plus résolus activistes. Car la République, ses principes, sont l’écologie du juif selon Charles Maurras. Maurras qui écrivit dans un éclair en 1908, 10 ans après la création de l’Action française :

« La pendaison de Marianne devant la Bourse du travail est l’acte le plus significatif de notre histoire depuis le 14 juillet 1789. Bourgeois conservateurs, le comprendrez-vous ? »

Rien, rien ne peut être entrepris sous un régime républicain qui laisse les requins entrer dans le port ! Maurras ne l’a pas découvert ex nihilo. Edouard Drumont avait, avant lui, dégagé les conditions d’une renaissance sans comprendre les impératifs politiques l’autorisant. En 1889 Drumont adjurait les bons Français de faire plus que remplacer simplement « le juif borgne de l’opportunisme par le juif bossu du boulangisme ». Maurras, lui aussi, avait tiré une grande leçon de l’expérience boulangiste.

République, règne de l’Etranger

Et la même année, 1889, Drumont avait cette intuition : « Le centenaire de 89, c’est le centenaire du juif ». C’est parce que la République est en premier lieu le règne de l’étranger, c’est parce que la république offre la nation aux plus parasitaires, sans protection, c’est d’abord pour cette raison que Maurras est anti-démocrate, antirépublicain. Parce qu’il est patriote, il est nationaliste. Parce qu’il est nationaliste, il est antisémite. Parce qu’il est antisémite, il est monarchiste. Aussi, suivant Maurras, la solution antisémite, donc nationaliste, donc patriote, est monarchiste. D’où son fameux « Politique d’abord ». Les questions sociologiques seront résolues ou canalisées par la politique.

Antisémite et populiste ?

« Tout paraît impossible, ou affreusement difficile, sans cette providence de l’antisémitisme. Par elle tout s’arrange, s’aplanit et se simplifie » (L’Action française, 28 mars 1911). Cette citation bien connu des professeurs d’histoire, n’est pas la preuve d’un cynisme maurrassien mais celle de son antisémitisme décomplexé. Maurras ne disait pas par là qu’il fallait absolument utiliser l’antisémitisme uniquement parce qu’il était populaire. Il disait simplement que sa popularité était une sorte de divine surprise tant la propagande républicaine a calibré les cerveaux.

« Contre l’hérédité de sang juif, il faut l’hérédité de naissance française, et ramassée, concentrée, signifiée dans une race, la plus vieille, la plus glorieuse et la plus active possible. […] Décentralisée contre le métèque, antiparlementaire contre le maçon, traditionnelle contre les influences protestantes, héréditaire enfin contre la race juive, la monarchie se définit, on le voit bien, par les besoins du pays. Nous nous sommes formés en carré parce qu’on attaquait la patrie de quatre côtés. »

Un roi ne saurait être juif. Même l’évidence est antisémite. Maurras écrivait encore en 1905 : « Seule, la Monarchie assure le salut public et, répondant de l’ordre, prévient les maux publics que l’antisémitisme et le nationalisme dénoncent. » S’il est vrai que l’antisémitisme de Maurras est politique (antisémitisme d’Etat) parce que sociologique, il faut ajouter que Maurras peut être très cruel, très méchant, terrible envers les juifs. Nous pourrions dire d’une manière triviale que l’antisémitisme de Maurras est intégral et radical. Il peut se fâcher, s’enflammer, user de mille épithètes contre les juifs et même se dire raciste envers eux comme il le fit dans La Gazette de France en 1895. Bien plus tard, il fera part de son éternelle méfiance vis à vis de cette communauté décidément, pense-t-il, indissoluble : « J‘ai vu ce que devient un milieu juif, d’abord patriote et même nationaliste, quand la passion de ses intérêts proprement juifs y jaillit tout à coup : alors, à coup presque sûr, tout change, tout se transforme, et les habitudes de cœur et d’esprit acquises en une ou deux générations se trouvent bousculées par le réveil des facteurs naturels beaucoup plus profonds, ceux qui viennent de l’être juif »

Les années 1911, 1912, 1913

En 1911, Maurras qualifie Drumont de « maître génial » et de « grand Français » qui a posé « la difficile question » de « l’antisémitisme d’État. » Maurras ajoute : « Le Juif d’Algérie, le Juif d’Alsace, le Juif de Roumanie sont des microbes sociaux. Le Juif de France est microbe d’État : ce n’est pas le crasseux individu à houppelande prêtant à la petite semaine, portant ses exactions sur les pauvres gens du village ; le Juif d’ici opère en grand et en secret. » Un résumé du spectacle antisémite que présenta Maurras en cette année… Le 23 février 1911, irrité par le scribouillard Bernstein, auteur de pièces de théâtre antimilitaristes, Maurras se lâche. Sa colère est effrayante : « Les juifs de France n’ont vraiment pas de quoi faire les fiers, ni les malins. Leurs fautes personnelles et leurs crimes mêmes restent sans proportion avec les immenses désordres qu’ils ont causés et dont le mouvement antisémitique témoigne. Il est bon que la force juive ait conduit à faire du théâtre juif un théâtre d’Etat. On n’en verra que mieux combien l’antisémitisme est affaire d’Etat. La réorganisation de l’Etat français peut seule régler cette haute et difficile question. »

Le 16 janvier, répondant au juge Worms : « Je suis Français, vous êtes de nationalité juive. Il m’est impossible de répondre à un juge juif. »

Le 28 février : « Notre loi ment. Il présente le juif comme Français mais il n’est pas Français. »

Le 23 mars : « Ce sont des gens qui ne sont pas Français puisqu’ils sont juifs. »

Le 28 mars : « Tout de même, ce sera un beau branle-bas quand tous les juifs d’administration civile ou militaire devront, en recouvrant leur nationalité, dire adieu à la nôtre et quitter le poste public qu’ils occupaient dans notre Etat. »

Le 24 août 1912 : « Nous n’hésitons pas à faire la guerre à la race juive et à la grouillerie métèque mais c’est là l’étranger de l’intérieur. »

Le 15 février 1913 : « Le peuple juif est juxtaposé au peuple français. Il n’est pas fusible avec celui-ci. » (…) Chacun sent comme un mal physique l’insolence du Juif. Bientôt, la loi signifiera aux juifs qu’ils ne sont pas Français. »

Le cas Léon Blum

Dans les années trente, Blum est la cible de plusieurs articles de Maurras : « Ce Juif allemand naturalisé, ou fils de naturalisé, qui disait aux Français, en pleine Chambre, qu’il les haïssait, n’est pas à traiter comme une personne naturelle. C’est un monstre de la République démocratique. Et c’est un hircocerf de la dialectique heimatlos. Détritus humain à traiter comme tel. (…) L’heure est assez tragique pour comporter la réunion d’une cour martiale qui ne saurait fléchir. Reibel demande la peine de mort contre les espions. Est-elle imméritée des traîtres ? Vous me direz qu’un traître doit être de notre pays : M. Blum en est-il ?
Il suffit qu’il ait usurpé notre nationalité pour la décomposer et la démembrer. Cet acte de volonté, pire qu’un acte de naissance, aggrave son cas.
C’est un homme à fusiller, mais dans le dos ».

Et le 15 mai 1936 : « C’est en tant que Juif qu’il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum. Ce dernier verbe paraîtra un peu fort de café : je me hâte d’ajouter qu’il ne faudra abattre physiquement Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu’il rêve contre nos compagnons d’armes italiens. Ce jour-là, il est vrai, il ne faudra pas le manquer. (…) Si, par chance, un État régulier a pu être substitué au démocratique Couteau de cuisine, il conviendra que M. Blum soit guillotiné dans le rite des parricides : un voile noir tendu sur ses traits de chameau ».

En 1938, l’antisémitisme de Maurras franchit un palier, dans une veine très célinienne, lorsqu’il écrit : « Le Juif veut votre peau. Vous ne la lui donnerez pas ! Mais nous l’engageons à prendre garde à la sienne, s’il lui arrive de nous faire accéder au massacre universel. »

Nous le voyons, encore et encore. L’antisémitisme de Maurras est fondamental, violent et régulier. Les seules fois où le maître de l’Action française écrit calmement sur le sujet, c’est lorsqu’il évoque les lois antijuives que la monarchie mettra selon lui immanquablement en place. Assurément et implacablement. Quand il pense « être devant l’action » des juifs, notamment lors de la Seconde Guerre Mondiale et malgré Vichy, il se déchaîne.

« Les juifs nous ont tant roulés que nous n’osons pas imaginer le rouleau inverse ! Cependant, à leur ruse, on peut riposter par la force. » (19 octobre 1940). Et Maurras de ne pas hésiter à s’en prendre aux plus puissants des puissants, les Rothschild en demandant à Vichy de prendre l’or et l’argent là où ils se trouvent !

Voilà Maurras ! Il est comme ça Maurras ! Un homme antisémite, terriblement antisémite, fondamentalement antisémite. Convoquer Maurras sans convoquer son antisémitisme est chose impossible. C’est une farce qui ne trompe personne. Personne. Ni les nationalistes, ni les juifs d’aujourd’hui.

Jean Charleux

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