Ce n’est pas un anglicisme. Ce titre ne dit pas que Zemmour ressentirait ou provoquerait de la panique, le mot étant substantif, lié à Zemmour par une sorte de génitif saxon. Non. Il est construit selon la syntaxe française la plus ordinaire. Et avec un vocabulaire classique. Ainsi ne veut-il pas dire non plus que Zemmour s’affolerait, panique étant pris pour un verbe, selon l’abus assez fréquent aujourd’hui. Non. Panique est ici l’adjectif relatif au dieu Pan. Le titre signifie donc que Zemmour et les réactions qu’il provoque ont quelque chose d’irrationnel dont il faut voir le modèle du côté de Pan.

Cela n’est pas une allusion aux accusations de quelques jeunes femmes qui reprochent au journaliste-candidat de les avoir poursuivies avec trop d’insistance. Malgré son physique caprin, Zemmour n’est ni faune, ni satyre, ni sylvain, ni silène, on ne lui a pas vu pousser de pieds de bouc ni d’appendice ithyphallique : mais il joue avec art de cette flûte de pan qui mène les foules. Exilé de l’Olympe pour sa laideur, Pan vécut sur la terre parmi les troupeaux et triompha par sa flûte. Exilé de l’ENA par son échec, Zemmour vécut parmi les journalistes et y triompha en découvrant la musique sublime qui touche le cœur des hommes. On l’a vu sur CNews et lors du meeting de Villepinte, Zemmour s’y comporte en chaman un rien orphique. Il inspire l’enthousiasme de ses adeptes. Je recopie ici le début de la définition d’enthousiasme dans le dictionnaire du centre national lexical de Nancy (j’en recommande l’usage), première acception, celle des religions non-chrétiennes : « État d’exaltation de l’esprit, d’ébranlement profond de la sensibilité de celui qui se trouve possédé par la Divinité dont il reçoit l’inspiration. » L’exaltation que suscite Zemmour rappelle la coupe du monde de football de 1998, et un et deux et trois zéro, ou celle de 2012, coup de boule. Nous sommes dans un transport en commun, d’amour ou de haine.

Ici l’on touche le point important : les réactions que suscite Zemmour ressemblent à celles d’une foule, ou d’une théorie de Bacchantes dont la tête et le corps se trouvent agités de vapeurs diverses et de mouvements qui ressemblent à la transe. Il ne s’agit pas ici de « psychiatriser » les Zemmourolâtres ou les Zemmouroclastes, il s’agit de constater que le débat actuel est sorti de la rationalité pour entrer dans l’enthousiasme, sinon l’hystérie. Chacun aura pu constater, au gré des réunions d’amis ou de famille (ne parlons pas de Facebook), qu’il est impossible de débattre de Zemmour, ou même d’en converser posément. Comme pour l’Affaire Dreyfus jadis ou le Covid aujourd’hui, quand on y entre, il faut laisser tomber l’espoir d’une quelconque nuance, d’un peu de paix, d’un semblant de raison. L’agression est la règle, l’incompréhension de rigueur. La controverse n’apporte qu’aigreur et division, sans une lueur pour sortir de la confusion.

Je l’avais déjà constaté dans un petit livre paru en 2014, A poil Zemmour, où je m’étonnais de ce dialogue de sourds entre l’adulation des fidèles et l’exécration des ennemis. 

Mon propos d’alors, qui me semble aujourd’hui plus urgent que jamais, était de ramener la question à des proportions plus justes, de sortir d’une guerre des fantasmes pour entrer dans une observation tranquille de la réalité, du personnage, de ce qu’il a dit et écrit, de ce à quoi il sert. Le tout guidé par Racine et Britannicus. Zemmour en effet, s’il a suscité chez une part du peuple français le même enthousiasme qu’inspira à Néron la jolie Junie, devrait s’inspirer de la lucidité de celle-ci : « J’ose dire pourtant que je n’ai mérité / Ni cet excès d’honneur ni cette indignité ». Si l’on poussait la comparaison, ce que Boileau ne recommande pas, on noterait que Zemmour engendre par ses paroles l’enthousiasme que Junie causait « dans le simple appareil / D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil ». 

La question à se poser est la même dans les deux cas : comment l’affect ainsi stimulé agit-il sur la fiabilité du jugement politique ?

Ici vient le moment de dévoiler l’intention du présent article. Perdus dans ce phénomène panique, les amoureux de la France se sont divisés. On connaît tous d’excellentes gens, qui ont cru de bonnes choses et mené de bons combats, et qui aujourd’hui Zemmourodules vous accablent d’injures à la moindre réserve.

Sortir du panique permettra d’abord la réconciliation de ceux qui aiment la France. 

Deuxièmement, dans son répertoire, Zemmour dit aussi de bonnes choses, et c’est pour ces bonnes choses qu’il est accablé par l’ennemi : en faire l’analyse réfute l’ennemi et permet en quelque sorte d’exploiter le bon côté du phénomène Zemmour. Enfin, surtout, la perception précise des erreurs, insuffisances et prestiges de Zemmour amènera naturellement à définir concrètement la bonne position politique à prendre. Voilà le programme de quelques-uns de mes prochains articles, que l’actualité ne va pas manquer de nourrir.

Martin Peltier

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