Anne Hidalgo ne déçoit jamais. Valérie Pécresse ayant utilisé lors de sa grande réunion au Zénith l’expression « grand remplacement », elle a déploré que la candidate des républicains ait « franchi un Rubicon de plus ». C’est joli comme la gauche. Et c’est conforme à la fois à l’amnésie ordinaire et au concert prévu. Il s’agit de noter que Valérie Pécresse reprendrait des thèmes et des mots « d’extrême droite ». Or, lors de la primaire des républicains, la Démosthène d’Ile de France avait déjà lancé : « J’ai la conviction que nous ne sommes condamnés ni au grand déclassement ni au grand remplacement ». Les cris d’orfraie et les condamnations morales d’Anne Hidalgo et des autres démocrates sont donc parfaitement artificiels. Il s’agit de montrer du doigt la patronne du conseil régional d’Ile de France comme si elle avait dit une horreur, et de lui rendre ainsi service : en criant qu’elle se radicalise, on espère faire migrer vers elle des électeurs de Marine Le Pen ou du Z, quitte à faire migrer un plus petit nombre d’électeurs de Pécresse vers Macron.

On voit donc à quoi sert la mère Hidalgo : à la même chose que Zemmour, à préparer un deuxième tour Macron Pécresse, id est une alternance centre-droit centre gauche dans la continuité mondialiste. Quant à Valérie Pécresse, ce n’est pas pour rien qu’elle a rencontré Nicolas Sarkozy : elle tente de rejouer 2007, cette présidentielle durant laquelle l’ancien ministre de l’intérieur piloté par Patrick Buisson avait pompé une bonne partie de l’électorat de Jean-Marie Le Pen grâce au Kärcher, au Mont Saint Michel et à l’identité française. Valérie Pécresse découvre ainsi le pavé de charolais, les « Français de Papier », la « France des cathédrales », celle de Péguy et des satellites. Tout cela s’inscrit dans une fin de campagne à la Cnews, tout le monde draguant à droite, y compris Macron sur le nucléaire, et même Roussel avec son « vin de chez nous ». C’est du marketing de base. Même pas des promesses, seulement de petits airs de pipeau qui n’engagent que ceux qui les écoutent.

La mise en scène du grand remplacement a deux autres fonctions. La première découle directement de ce que l’on vient de voir : il s’agit du petit remplacement, sur le plan électoral, de Marine Le Pen par Eric Zemmour. Ainsi le camp national serait-il entièrement normalisé. La deuxième est plus fondamentale : il s’agit de biaiser la notion de grand remplacement et de la vider de son sens. On sait que les deux mots « Grand Remplacement » ont été choisis en 2008 pour vulgariser un phénomène décrit et analysé trente ans auparavant par Jean-Marie Le Pen et le Front National. Il s’agit d’un phénomène démographique, culturel et politique. Or, Valérie Pécresse, elle, y voit une simple façon de voir les choses, à laquelle elle se refuse. Pire, elle l’oppose explicitement au grand déclassement : elle entre ainsi dans une analyse économique et sociologique qui répond à celles de Zemmour. Autrement dit, pour Pécresse comme pour Zemmour, très influencés l’un et l’autre sans qu’ils le reconnaissent par la pensée marxiste, la menace qui pèse aujourd’hui sur l’identité française (l’un y voit une réalité très pesante, l’autre un fantasme évitable) est d’origine économique, et non politique. Autrement dit encore, ces deux candidats utilisent une expression imprécise qui a du succès pour attirer à eux des électeurs du camp de la France, sans connaître la réalité qui se cache derrière ni partager l’analyse nécessaire à la connaître. On leur répondra par un rappel : Politique d’abord ! Et par un mot : « Chiqué » ! Vous ne faites que du chiqué !

Martin Peltier

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